En décidant de se présenter face à Ousmane Tanor Dieng à en perspective du congrès socialiste de 2018, Barthélémy Dias marche sur le fil du rasoir, à moins qu’il ne s’agisse d’un ballon de sonde pour se repositionner comme un candidat de substitution à la présidentielle de 2019 en cas d’empêchement de Khalifa Sall. En effet, sous réserve d’une candidature de Serigne Mbaye Thiam ou de celle d’un autre hiérarque socialiste parrainée par Tanor sans pour autant bénéficier de la gratitude de certains électeurs fidèles à celui qui a sauvé le parti de la bérézina programmée par la défaite de 2000, il sera difficile pour l’ancien chef de file de Convergences socialistes de matérialiser son souhait de diriger le Ps.
En clair, le patron des Verts de Colobane, pour avoir dirigé le parti senghorien depuis presque un peu plus de vingt ans, a la haute main sur la majorité des coordinations de la structure. Cela, Me Aïssata Tall Sall l’a vérifié à ses dépens en 2014, quand elle a échoué à occuper le fauteuil de l’inamovible « Premier secrétaire ». Celui-ci, depuis le « Congrès sans débat » de 1996, réussit à endiguer toute concurrence au sein de l’élite socialiste. Pourtant, dès 2011, Me Sall, par le biais d’une interview concédée au quotidien Wal-Fadjri, avait annoncé la couleur en déclarant que le Ps n’avait pas de « candidat naturel » en direction de la présidentielle de 2012. Les mieux avertis savaient déjà que la pomme de discorde était la longévité aux commandes de Dieng, qui, d’élection en élection, descendait de Charybde en Scylla. De cette période à 2014, la mairesse de Podor s’est préparée à affronter Tanor Dieng pour ne récolter qu’un faible pourcentage au bout d’un combat perdu d’avance face à celui qui doit son surnom de « Collin noir » à sa haute maitrise de l’appareil du Ps, qui rappelle la quasi-toute puissance de feu Jean Collin. Nous devons à la vérité de préciser, sous ce rapport, que Aïssata Tall Sall a fait montre d’un réel courage politique en défiant Tanor, là où Barthélémy Dias et Cie ont, lors du 15e congrès, renoncé à croiser le fer avec l’ancien ministre d’Etat, ministre des Services et Affaires présidentielles (un quasi président de la République prime) de 1993 à 2000. Paradoxalement, toutes les récriminations des pro-Khalifa envers Benno Bokk Yakaar datent de ce temps-là, alors que se précisait la tendance balbutiante du parti à déserter ses ambitions présidentielles pour servir les intérêts de l’Alliance pour la République. Cela, contre postes et privilèges tirés des décrets de Macky Sall.
En outre outre, même à Dakar, département de focalisation de la Khalifamania, la moitié des maires socialistes, naguère proches de l’édile de la capitale, ont fait défection à la veille de la désignation des membres du Haut conseil des collectivités territoriales (Hcct) en rejoignant le « Macky ». Mieux, lors des législatives de juillet, ces « renégats » ont joué un rôle décisif pour la reconquête de Dakar par Benno. Toutes choses qui ne manqueront pas de prédisposer certains responsables locaux des 19 communes à soutenir Ousmane Tanor Dieng au prochain congrès.
Pourquoi ne pas fonder un nouveau parti autour de Khalifa Sall ?
Qui plus est, le Ps, à l’image de grandes formations politiques du Sénégal comme le Pds, l’Afp, l’Apr, Rewmi, est un instrument à l’entière dévotion de son leader. Tous ces partis ont, par le passé, connu des secousses qui n’ont pas pu modifier les profils de leurs leaders respectifs.
En pareille occurrence, l’Histoire a montré que les frondeurs finissent toujours par créer leurs propres partis. Ce phénomène n’est pas étranger au Parti socialiste. Pour mémoire, en 1948, c’est après avoir été mis en minorité dans la Section française de l’internationale ouvrière (Sfio) de Me Lamine Guèye que Senghor et Cie ont fondé le Bds, ancêtre du Ps. L’Afp, l’Union pour le renouveau démocratique, les partis de Robert Sagna, de Abdoulaye Makhtar Diop, de Mamadou Diop, de Souty Touré, de feu Mbaye Jacques Diop…, sont tous issus du Parti socialiste. Khalifa Sall fera-t-il exception à cette loi d’airain ?
En définitive, il est légitime de se poser la question de savoir s’il n’est pas électoralement plus productif pour les frondeurs de créer leur propre formation politique à temps ; comme ce fut le cas avec Macky Sall en 2008. Ce dernier n’avait pas attendu d’être exclu par le Pds pour mener une carrière en solo. De plus, il nous est revenu que Tanor et ses inconditionnels, qui en auraient les moyens légaux et pas forcément légitimes, ne veulent pas commettre la maladresse d’ours d’exclure les frondeurs. Leur stratégie consiste à les maintenir à l’intérieur pour ne pas avoir à assumer une quelconque trahison envers le principe de la cohésion du parti ou permettre aux rebelles de bénéficier des dividendes politiques du statut de martyr dans un contexte tropical où le vote est plus affectif que logique.