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Naufrage du Joola : 15 ans après la plus grande catastrophe de l’histoire de la marine, crime impuni, leçon non tirée
Publié le mardi 26 septembre 2017  |  Walf Fadjri L’Aurore
Le
© Autre presse
Le Sénégal commémore la 12è année du naufrage du bateau le Joola




Il y a quinze ans, jour pour jour, survenait la plus grande catastrophe de l’histoire de la marine civile. Et cela s’est passé au Sénégal.
Le soleil s’était levé au beau milieu de la nuit du 26 au 27 septembre 2002, non pas pour éclairer le Sénégal ; mais pour susciter des torrents de larmes. Le Joola prenait eau, emportant plus d’âmes que le fameux Titanic. Le temps d’une nuit, plus d’un Sénégalais s’était interrogé sur la nature du péché qui valait au pays un si dur châtiment. Les bougies furent allumées. Les cloches des églises sonnèrent se mêlant aux voix des muezzins appelant à la prière plutôt que d’habitude. Dans une grande dévotion, le Sénégal tout entier se mit à genou, priant pour ses nombreux fils perdus.
Alors que Dieu était à deux points d’être accusé, le président Abdoulaye WADE sortit enfin de son mutisme pour donner l’explication que ses renseignements lui ont transmis. Si le Joola a sombré, c’est qu’il a été surchargé. Me WADE reconnait la responsabilité de l’Etat mais met plus en exergue «l’indiscipline des Sénégalais » et promit des sanctions.
Les menaces du président de la République furent suivies par un redressement national. Les policiers se mirent à inquiéter les chauffeurs dont les véhicules étaient en surnombre, si ces derniers ne l’évitaient pas d’eux-mêmes. Des passagers rechignèrent à se faire transporter par un véhicule déjà en nombre.
Plus de 2 000 Sénégalais s’étaient engouffrées dans un navire qui ne pouvait en prendre que 550. Le bateau venait de reprendre service après un arrêt de plusieurs mois pour des raisons techniques. En plus, il fonctionnait avec un seul moteur. Le remplacement de l’autre, en panne, avait été programmé à de nombreuses reprises sans s’effectuer jusqu’au naufrage du Joola. Me Abdoulaye WADE avait préféré réhabiliter son avion de commandement et donner du grain à moudre à Abdoulatif COULIBALY.
Seulement, le temps passait et les sanctions promises par Me WADE n’arrivaient pas.
Lire cet article de Walf Quotidien
Comme sanction disciplinaire, l’ex-directeur de la Marine marchande, Abdoul Hamid Diop, a été traduit en Conseil de discipline, pour sa responsabilité dans les manquements relevés par le rapport d’enquête, notamment la délivrance du permis de navigation. Pour la tutelle, «la Marine marchande a pour obligation légale la faculté d’empêcher tout départ en cas d’insécurité».
Des sanctions disciplinaires, c’est tout !
Six autres militaires impliqués ont aussi été relevés de leurs fonctions, à savoir : les Chefs d’Etat-major de la Marine, le capitaine de vaisseau Ousseynou Kombo (qui sera réhabilité), et de l’Armée de l’Air, le colonel Meïssa Tamba. Les marins de permanence, durant la nuit du naufrage au centre radio n’ont pas échappé à la grande purge opérée dans les Armées sénégalaises. L’officier Cheikh Omar Sagna a été puni de 45 jours d’arrêts de rigueur, plus avertissement pour «absence de contrôles inopinés de ses subordonnés entre 22h et 7h25 du matin». Quant à lui, l’opérateur radio de service François Mbaye sera traduit en Conseil d’enquête, en vue de sa radiation de l’armée. Les responsables de la billetterie des escales de l’île de Carabane et du port de Ziguinchor en ont aussi pris pour leur grade, avec 60 jours d’arrêt de rigueur.
La responsabilité administrative du commandant de la base navale d’Elinkine et de l’escale de Carabane a également été établie, pour avoir «contribué à la surcharge du bateau en autorisant la vente de nouveaux billets et l’embarquement de fret et de passagers à Carabane, malgré le constat de surcharge». Curieusement, la Marine marchande a payé à la place des responsables du ministère du Transport, sauf le ministre Youssouph Sakho. Il a démissionné puis réhabilité et nommé patron du Comité des transporteurs sénégalais. L’on soutient que «le ministère des Transports chargé de la Marine marchande n’avait pas exécuté son obligation légale d’interdire Le Joola d’appareiller, malgré sa connaissance de la surcharge et de l’insécurité à bord du bateau, et malgré l’absence des principaux documents de sécurité en cours de validité». Lorsque la justice s’en est lavée les mains, les victimes se retournent alors vers la justice française. Il s’en est suivi l’ouverture d’une information judiciaire, devant le tribunal d’Evry. Pourtant, dès les premières heures de cette procédure, le juge d’instruction du tribunal d’Evry avait assuré aux familles des victimes françaises qui ont porté plainte qu’il ne se «sent pas lié par le classement sans suite du dossier pénal décidé par la Cour d’appel de Dakar». Mais au final, cette volonté n’avait pas été suivie d’effets ».
Ceux qui sont présentés comme les responsables du drame ayant passé entre les mailles du filet, la commission d’enquête mise en place après la tragédie vint désorienter davantage les Sénégalais qui tentaient de se mettre tant bien que mal sur la bonne voie. Elle conclut, en effet, que la gestion du bateau le Joola n’aurait jamais dû être confiée aux militaires, qui ont « manifesté leur mépris » des règles de sécurité.
Cette seule considération suffit à faire renouer aux Sénégalais avec les bien mauvaises vieilles habitudes.
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