A mesure qu’on s’approche de la rentrée scolaire prévue au Sénégal le 9 octobre prochain, les marchés Sandaga et Colobane, deux des plus grands lieux de négoce de la capitale, ressemblent de plus en plus à de vastes librairies à ciel ouvert.
A Sandaga, marché du centre-ville, les kiosques, mais surtout les étals de vendeurs de livres de seconde main bordent principalement l’avenue Emile Badiane prise d’assaut par une nombreuse foule. De vieux parasols sont déployés ici et là par les ‘’libraires’’ pour atténuer la chaleur d’étuve rendue étouffante par plusieurs sonos ouvertes à fond et le timbre assourdissant des voitures, se frayant difficilement un passage.
Pour marchander le prix d’un livre, d’un cahier ou de toute autre fourniture scolaire, il faut presque crier à l’endroit de son interlocuteur, obligé, en retour, de tendre l’oreille.
Entre deux bruyants marchandages, Thierno Guèye, vendeur et vice-président de l’Association des bouquinistes du Sénégal (ABS), explique obtenir la plupart de sa marchandise auprès des parents d’élèves.
Avec ces derniers, il procède à un échange : Thierno reçoit les livres d’une classe inférieure et donne, moyennant une petite somme fournie par le parent d’élève, les ouvrages de la classe supérieure.
Toutefois, souligne Thierno, l’œil rivé sur son étal de fournitures, certains clients nous demandent des livres que nous n’avons pas. Donc, nous achetons aussi de nouveaux livres pour les satisfaire .
A en croire Thierno Guèye, lui et ses collègues bouquinistes n’achètent pas n’importe quel livre, par souci d’ « éviter des problèmes ».
« Si on nous propose des livres portant le cachet d’une bibliothèque ou d’une école, nous ne les achetons pas », affirme M. Guèye. Ce qu’il ne dit pas mais que l’on devine facilement, c’est que de pareils ouvrages sont souvent volés dans les établissements…
Si Thierno ne propose pas de livres portant un cachet, un de ses voisins en détient et à la question de savoir où est-ce qu’il l’a obtenu, il a déclaré : « il y a des établissements qui nous revendent parfois des livres ».
Pourtant dès que nous avons fait mine de lui tourner le dos, il a vite arraché la feuille sur laquelle se trouvait le cachet.
Est-ce pour éviter tout problème avec la justice ? Toujours est-il que Mohamed Ndao ne vend presque que des livres neufs.
Trouvé en train d’emballer des ouvrages, il explique disposer dans le lot de ses fournisseurs des imprimeurs qui lui vendent des livres. « Avec eux au moins, je suis rassuré que je n’aurai pas de problème », assure-t-il.
Au marché de Colobane, au voisinage de l’ambiance des bouquinistes, il y a une librairie classique où l’on vend également des ouvrages et autres fournitures scolaires. La porte franchie, l’air conditionné vous accueille et le local vaste et propre achève de vous mettre à l’aise.
Plusieurs employés, habillés de tee-shirts floqués aux initiales de la librairie, s’affairent autour des rayons là où d’autres sont assis derrière les comptoirs, attendant les clients.
Sur les étagères sont rangés des livres, des fournitures scolaires et des consommables de bureaux. Ici, on est loin des livres d’occasion dans les dédales de Colobane et de Sandaga.
Pour autant, ce n’est pas encore le rush des clients à en croire Ousmane Lam, le responsable de la communication. « Ce n’est pas encore l’affluence du côté des parents. Seuls les détaillants viennent s’approvisionner en attendant l’ouverture des classes », dit-il.
Y allant de son explication, il ajoute : « Cette situation s’explique par le fait que certains n’ont pas encore reçu la liste des fournitures, d’autres aussi ont anticipé sur la rentrée. La Tabaski a sa part aussi, car les parents ont beaucoup dépensé donc la plupart sont fauchés ».
Ce parent d’élèves accompagné de quatre adolescents, reconnait comme Ousmane qu’il n’est pas facile de s’en sortir par les temps qui courent. Certes les fournitures sont chères mais la Tabaski, célébrée au début du mois, a vidé les poches, souligne-t-il avant d’ajouter, une pointe de résignation dans la voix : «puisque c’est un devoir (d’acheter les fournitures), nous n’avons pas le choix. Il faut assumer ses responsabilités ».