«Lorsque j’ai été élu SG de la LD, Macky Sall m’a reçu et m’a fait deux propositions: soit je te nomme ministre-conseiller, ou alors je te remets la somme mensuelle de quatre millions. J’ai refusé le poste de ministre conseiller et j’ai pris les quatre millions qui, chaque mois, étaient versés directement dans les caisses du parti ». Voilà la révélation que Mamadou Ndoye, l’ancien secrétaire général de la Ligue démocratique a faite hier, dimanche 24 septembre 2017, au micro de Baye Oumar Guère de Sud Fm. Invité de l’émission «Objection », le Jallarbiste s’est employé à dézinguer le régime de Macky Sall, aussi bien au niveau des actions posées en termes de gouvernance, de dialogue politique ou tout simplement au niveau des rapports «hégémoniques» entretenus avec les partis alliés au sein de Bennoo.
A l’heure de la bonne gouvernance des ressources publiques, le Sénégal peine encore à assainir ses pratiques politiques malgré les professions de foi de ses gouvernants centrées sur la rupture et autre gouvernance sobre et vertueuse. En témoigne la sortie au vitriol hier, dimanche 24 septembre 2017, de l’ancien secrétaire général de la Ligue démocratique, Mamadou Ndoye. Invité de l’émission «Objection » de Sud Fm animée par Baye Oumar Guèye, le Jallarbiste n’a fait pas dans la langue de bois en parlant du régime de Macky Sall.
Aussi a-t-il déclaré : « Lorsque j’ai été élu SG de la LD, Macky Sall m’a reçu et m’a fait deux propositions: soit je te nomme ministre-conseiller, ou alors je te remets la somme mensuelle de quatre millions. J’ai refusé le poste de ministre conseiller et j’ai pris les quatre millions qui, chaque mois, étaient versés directement dans les caisses du parti ». Le remplaçant du professeur Abdoulaye Bathily à la tête de la Ligue démocratique assurera dans la foulée avoir repoussé l’offre du chef de l’Etat, pour garder sa liberté de ton. « Lorsque il m’a dit cela, j’ai considéré premièrement que je ne devais pas prendre un poste de ministre conseiller pour la raison simple que j’avais une option qui me laissait ma liberté de pensée et de parole. Parce que quand on est un responsable moral d’un parti et qu’on a la possibilité d’être libre dans sa parole et de pouvoir bien refléter les positions internes de son parti, c’est mieux de ne pas prendre de telles responsabilités ».
L’ancien patron de la Ld ne s’en limitera pas là. Se prononçant sur la situation nationale, l’ex-ministre de l’Éducation de base et de l’alphabétisation a dressé un bilan sans complaisance du régime du président Macky Sall au pouvoir depuis 2012. « On peut dire oui, j’ai fait ceci, j’ai fait cela mais au final, on n’a pas avancé », a-t-il servi. Prenant le cas de la santé ou de l’éducation en matière d’alphabétisation de notre population qui est d’ailleurs une des priorités du PSE, Mamadou Ndoye dira qu’on n’a pas vraiment bougé. « Si on prend la scolarisation des enfants, on n’a pas avancé par conséquent, en termes de résultats et notamment en termes de développement social et de développement humain, on n’a pas beaucoup avancé. Et de ce point de vue, lorsque vous regardez nos indicateurs de développement humain par rapport aux moyennes africaines, le plus souvent nous sommes en dessous des moyennes en Afrique au Sud du Sahara ».
Quid de la dette publique qui suit une tendance haussière vers 30% en 2018 ? Là, Mamadou Ndoye observera : « Je connais le cas d’un pays africain que je ne citerai pas et qui, parce qu’on lui avait dit qu’en 2017, il pourrait commencer l’exploitation de son pétrole, s’est endetté de manière cachée au-delà de ses capacités. Et, l’exploitation du pétrole n’a pas commencé au moment prévu et le pays s’est retrouvé dans une crise terrible. C’est pourquoi je suis inquiet parce que, pour moi, cette fièvre de l’endettement est liée à la perspective du pétrole. On se dit, cela va venir, on peut avoir auprès des bailleurs la crédibilité nécessaire et puis, on va foncer ».
DIALOGUE POLITIQUE ET BBY
Intervenant de même sur l’appel du chef de l’Etat au dialogue, le Jallarbiste n’a pas manqué de se montrer dubitatif. « La condition principale de succès de ce deuxième dialogue, c’est qu’il y ait quelque part une capacité d’écouter les deux (2) parties. Or, le gouvernement a un problème de ce point de vue. Et, le problème était apparu clairement avec le ministre de l’Intérieur (Abdoulaye Daouda Diallo-ndlr). Vous ne pouvez pas conduire un dialogue en étant complètement dans un camp. Vous ne pouvez pas dire que vous êtes le ministre de l’Intérieur, c’est vous qui conduisez le dialogue sur les élections et en même temps, vous êtes complètement de l’Apr.
Cette question-là, il faut qu’elle soit réglée pour que le dialogue puisse se passer », a-t-il noté. Et de poursuivre en affirmant que si « l’écoute », la recherche de « compromis et de consensus » ne priment pas « ce dialogue politique risquerait de déboucher sur rien comme le premier appel parce que le premier appel, si on voit ce qui s’est passé avec les élections législatives, le bilan est sombre ».
Commentant par ailleurs la vie de la coalition présidentielle, Mamadou Ndoye a fait dans le dur. Parlant ainsi de la confection de la liste des députés de la majorité, il observera : « Macky Sall, dès le début, on savait qu’il voulait avoir une majorité Apr à l’Assemblée nationale mais pas une majorité Bby. Et ce qu’il a fait avec les listes, c’est bien cela qu’il voulait réellement réaliser une majorité Apr et il a sa majorité absolue Apr. Autrement dit, à l’Assemblée nationale, il n’a besoin de personne même pas de ses alliés ». Poursuivant, il dira : « Pour quelle dynamique ? Etre maître de tous les leviers. Et c’est le cas. Les autres font le service après-vente. C’est la contradiction, il a besoin de ses alliés mais en même temps, il les affaiblit parce que s’il n’a pas les alliés, il a un problème pour avoir une majorité au premier tour mais il ne veut pas d’allié gênant ». Dans la foulée, Mamadou Ndoye a tenu à faire savoir qu’ « avant les élections, l’Apr a essayé de recruter tous les maires des partis alliés parce qu’elle considère que ceux-là sont les vrais électeurs, du moins les grands électeurs des partis. Aucun parti n’a échappé à cette tentative… ».
La conclusion de tous ces constats a fait dire à l’ancien patron de la Ld qu’ « une véritable crise politique couve dans le pays ». Et d’arguer tout simplement : « L’un des premiers facteurs, c’est ce que j’appelle l’hégémonie de l’idéologie alimentaire au niveau de la classe politique sénégalaise. Cette idéologie alimentaire dit ceci : faire la politique, c’est d’abord et avant tout partager le gâteau du pouvoir. Et le gâteau du pouvoir, ce sont les ressources publiques et les postes. Elle est hégémonique aussi bien au niveau de la pensée politique que la pratique politique…. ».
Moctar DIENG