Depuis lundi dernier est mis en vente le tout dernier single du rappeur Mohamed Simon Kouka. Comme à son habitude le patron du label Jolof for life y dénonce les maux de la société et y fait le procès des gouvernants actuels. Il se dit désabusé par la loi du plus fort qui sévit au Sénégal, et trahi par ceux qui disaient ‘’la patrie avant le parti’’. Il n’a pas hésité à citer des proches du Président et qui se sont illustrées dans des dérives sans nom. Dans cet entretien avec EnQuête, il explique pourquoi avoir choisi certains membres du parti au pouvoir et pas d’autres.
Qu’est-ce qui motive la sortie de votre dernier single ‘’Tiit moo ma tere dee’’ ?
C’est l’atmosphère dans laquelle baigne actuellement notre pays qui m’a poussé à le faire. On fait peur aux gens, on veut les museler. Une certaine presse est partisane. Ce single est vraiment un cri du cœur de ce qui se dit dans les rues, un peu partout au Sénégal. Aujourd’hui, ceux qui nous gouvernent n’ont d’yeux que pour les élections de 2019. Ils ne s’occupent pas des problèmes des populations. Ils sont plus dans une distribution de postes de responsabilités. Je dénonce également l’ingérence de la France dans la gestion du pays. C’est vraiment une synthèse de ce qui se passe qu’on fait dans ce morceau. On y dénonce ceux qui sont là à distribuer de l’argent au vu et au su de tous.
Quand vous parlez d’ingérence, vous faites référence à quoi exactement ?
Actuellement, dans le secteur agroalimentaire, il y a des entreprises françaises implantées un peu partout. Pour les stations services, ils (ndlr les Français) ont le monopole sur les grands axes. Nos routes, ce sont eux qui les construisent. Ils gagnent quasiment tous les marchés de l’Etat dont le TER (ndlr train express régional). Le franc CFA, je n’en parle même pas car tous les pays qui sont dans la zone Franc sont les plus pauvres d’Afrique. Et ce sont nos dirigeants qui leur facilitent toutes ces choses-là. Aujourd’hui, il y a des jeunes qui se lèvent pour en parler et nos gouvernants ne trouvent rien de mieux à faire que de tenter de les intimider.
‘’Tout ce que je n’aime pas au Sénégal…’’
A un certain moment, il faut savoir dire non à tout cela. Ils ne peuvent pas nous faire peur, ‘’tiit moo nu tere dee’’. Il y a une jeunesse consciente qui est là et qui va prendre les choses en main. Elle va dénoncer jusqu’à bout de souffle tout ce qui ne marche pas dans nos pays. Il est impossible de nous intimider. Il faut que nos autorités le sachent. Nous allons crier tout haut ce que tout le monde pense tout bas. Nous avons le hip-hop pour cela et c’est le rôle que ce mouvement a toujours eu. On a fait quelques sons déjà dont ‘’Lettre au Président’’ et on va revenir à chaque fois que le besoin se fera sentir afin de porter la parole des populations.
Dans le morceau, vous dites : ‘’Jaay doole baaxul’’, faites-vous référence à l’arrestation du maire de Dakar Khalifa Sall ?
Vous savez, je ne cite pas de faits exacts dans l’opus mais quand on dit ‘’Jaay doole baaxul’’, on fait référence au fait de vouloir tout accaparer. On voit une justice qui est instrumentalisée. On voit des gens qui sont convoquées au tribunal et à la Dic pour telle ou telle autre raison alors que d’autres qui ont transhumé, qui ont fait autant ou plus que ceux mis sur la sellette aujourd’hui ne sont pas inquiétés. Je ne vais pas citer de noms parce que je ne veux pas entrer dans ces détails-là. Cela a été dit et redit. Quand on parle de ‘’Jaay doole’’, c’est par rapport à cela. Mais également au fait de prendre de l’argent et de le servir à des jeunes pour qu’ils soient des nervis.
Et c’est autant l’opposition que le parti au pouvoir qui usent de ces méthodes. Mais j’en veux plus au parti au pouvoir qui nous a vendu la patrie avant le parti. On recrute des gens pour intimider des Sénégalais. Ça, c’est de la violence. Il a les pouvoirs exécutif, législatif, judiciaire. Il a tout en fait et arrête les gens pour rien. On a arrête des gens pour des débats privés amenés sur la place publique et le Procureur s’autosaisit pour cela. Alors qu’il y a des gens qui sont là et qui ont détourné des deniers publics et qui ne sont pas inquiétés parce qu’ils sont avec le pouvoir. Des gens distribuent de l’argent à flot au cours de meetings et ne sont pas inquiétés. On a constaté que ce sont des proches du pouvoir qui sont dans les postes stratégiques au détriment de gens compétents.
Vous pensez au frère du Président, Aliou Sall, en disant cela ?
J’ai dit que je ne veux pas citer de noms. Comprenez que ce que je suis en train de dire est ce qui se dit dans tous les recoins du pays. Ce que je dénonce, nous tous le voyons et le vivons au quotidien.
Pourtant dans la chanson, vous citez des noms. Vous parlez d’Amadou Bâ, de Souleymane Jules Diop, de Yakham Mbaye, de Moustapha Cissé Lô, etc. Pourquoi eux et pas les autres ?
Parce que ce sont ceux qui nous ont attaqués directement et publiquement en traitant le mouvement Y en a marre de tous les noms. Ils ont traité cette jeunesse de corrompue. Ils ont accusé des jeunes qui sont en train de se battre, objectifs et équidistants, sans donner des preuves de ce qu’ils avancent. Ces gens n’ont pourtant pas hésité à sortir des documents contre l’ancien Premier ministre (ndlr Abdoul Mbaye), contre le Maire de Dakar.
Il n’y a aucun document sorti pour dire que les jeunes de Y en a marre sont corrompus. Quand pourtant ils ont la possibilité de nous mettre des bâtons dans les roues, ils en abusent. Je ne vais donc pas me gêner à les écorcher et en les citant nommément, ceux-là qui se sont attaqués à nous. Amadou Bâ, c’est un nom et je pose juste le débat. Tout le monde a vu ce qui s’est passé aux Parcelles Assainies mais également à la Médina et à Rufisque. De longues queues se formaient pour récupérer de l’argent. D’où vient cet argent ? C’est une question qu’on se pose. Je pose ainsi le débat du financement des partis à travers cette personne et tous les autres. Les politiques gaspillent beaucoup d’argent où moment où les jeunes sont là et n’ont pas d’emplois. Énormément de Sénégalais n’arrivent pas à joindre les deux bouts.
C’est Y en a marre qui est visé, pas Simon l’artiste
Ce morceau, c’est Simon le rappeur, l’activiste, le Y en a marriste, Simon de Jolof for life, de 99 records qui le fait. Donc, c’est Simon tout court.
Certains se demandent ce que Y en marre attend pour engager une lutte beaucoup plus active sur le terrain ?
On est dessus, on n’arrête pas. On vient de faire un rassemblement. On a sensibilisé les gens pour qu’ils aillent retirer leurs cartes d’identité. On est en train de préparer une plainte contre le gouvernement par rapport aux 50 milliards qui ont servis à confectionner ces cartes-là. Comment a-t-on pu utiliser autant d’argent et que des Sénégalais n’ont pu retirer leurs cartes. La lutte, elle continue. On n’est pas que sur le terrain politique. On s’occupe également de questions environnementales à travers ‘’Sunu Gox’’. Le combat est perpétuel.
Revenons au single, vous y défiez le président de la République ou le Procureur ou les deux quand dans l’un des passages, vous dites : ‘’digg guddi laa jogg di bale, unku moo fa jaar’’ (ndlr je me suis levé en pleine nuit pour balayer à cause d’une salamandre en langue wolof) ?
Non. En écrivant le texte, une salamandre est sortie de je ne sais où et je l’ai mentionnée dans le texte. C’est aussi simple que cela. C’est un pur hasard et c’est pour dire que quand ont voit quelque chose qu’on n’aime pas, on tape dessus. Et là, ce qu’il fait ne nous plaît guère et on tape dessus.