Plusieurs expériences d’enseignement supérieur de très haut niveau sont menées en Afrique pour former l’élite du futur. Ces jeunes leaders peuvent suivre, entre autres, les programmes de la Mandela Rhodes Fondation et de l’African Leadership Academy en Afrique du Sud, ou encore de l’Université Ashesi au Ghana.
Des programmes d’excellence visant à former les leaders africains de demain ont été lancés sur le continent au tournant des années 2000. Par esprit de réconciliation et désir de promouvoir les études auprès des jeunes, Nelson Mandela a été l’un des pionniers, en parrainant en 2002 une initiative du Rhodes Trust. Ce fonds donne alors 10 millions de livres sterling à la Fondation Mandela Rhodes, dotée d’un siège au Cap, l’immeuble Mandela Rhodes, offert par le groupe diamantaire De Beers.
Sous la direction de Shaun Johnson, ancien journaliste et directeur adjoint du groupe de presse Independent Newspapers, avec un conseil d’administration qui comprend l’écrivain Njabulo Ndebele, recteur adjoint de l’Université du Cap, un comité de personnalités différentes sélectionne chaque année depuis 2005 les heureux élus.
La vingtaine d’étudiants retenus sont ensuite entièrement pris en charge pour suivre un programme d’exception d’une seule année. Essentiellement sud-africains, issus de tous les milieux, ces élèves comptent aussi quelques Zimbabwéens. Le programme se veut panafricain, mais reste méconnu hors de l’Afrique australe et anglophone.
Sa particularité : il repose sur quatre grands thèmes - leadership, entrepreneuriat, réconciliation et éducation - et s’inspire fortement des pratiques politiques du pays. Les étudiants se rencontrent dans des retraites informelles avant la rentrée, puis repartent en milieu d’année pour des bosberaad (« conférences en brousse ») à travers le pays, destinées à échanger de manière détendue sur des questions de haute importance.
Il forme aussi un réseau d’anciens élèves, qu’il invite à se voir et se fréquenter. Celui-ci a lancé en 2014 des « Conversations pour le changement », une série de conférences remarquées à travers le pays, avec des thèmes tels que « Peut-on décoloniser l’Afrique ? », qui abordent les sujets qui fâchent.
« Quand aurons-nous de bons dirigeants ? »
A Roodeport, près de Johannesburg, un autre programme ambitieux vise à former des leaders africains hors des cursus classiques, trop théoriques et déconnectés des réalités du moment – à commencer par la révolution numérique. Au programme de l’African Leadership University (ALU), lancée en 2004 par quatre professionnels renommés, dont deux consultants africains du cabinet McKinsey, le Ghanéen Fred Swaniker et le Camerounais Acha Leke : des cours de « pensée critique », « d’auto-leadership » ou de « données numériques et décisions ».
Leur objectif part d’un amer constat, résumé en ces termes par Fred Swaniker : « Nos dirigeants ont ruiné l’Afrique…Quand en aurons-nous de bons sur le continent ? Quand serons-nous enfin en charge de notre propre destinée ? »
L’Académie a formé à ce jour 853 « jeunes leaders » issus de 44 pays et âgés de 20 ans en moyenne. Tranformée en université en 2013, elle veut faire des petits sur les 25 prochaines années, avec un réseau de 25 campus à travers le continent, qui existent déjà sur l’île Maurice et au Rwanda.
L’objectif : accueillir chacun 10 000 étudiants pour un cursus de trois ans et des frais de scolarité annuels de 7 000 dollars qui seront pris en charge par des mécènes. Emblématique d’une Afrique en plein essor et qui voit grand, l’ALU veut devenir « la » référence, comme Harvard ou Oxford peuvent l’être aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne.
« Leadership éthique »
Fondé en 2002 à Beresuko, au nord d’Accra, capitale du Ghana, l’université privée Ashesi est animé par les mêmes ambitions et la volonté de former des jeunes à inventer l’avenir en pensant hors des clous. Et surtout, à ne pas produire des philosophes éthérés, mais des ingénieurs axés sur le concret et les métiers de demain. Son manifeste : « Promouvoir un leadership éthique, un esprit d’entreprise et la capacité à résoudre des problèmes complexes ».
Elle n’en est pas peu fière : l’université Ashesi a vu 90 % de ses 900 anciens élèves rester travailler en Afrique, au lieu de s’expatrier comme nombre de talents africains. Issus de 18 pays africains, ses 800 étudiants actuels sont pour moitié des boursiers et moitié des jeunes femmes. Les formations proposées sont des masters de quatre ans dans six grandes matières : gestion, gestion des systèmes d’information, science informatique, ingénierie électrique et électronique, informatique et mécanique.
C’est ce mouvement de bascule générationnel qu’encouragent tous ces établissements, qui visent à combler à la fois une lacune importante en termes d’éducation, mais aussi à doter le continent des moyens politiques et humains de son propre essor à venir, inexorablement tiré par sa transition démographique.