Les projections de la Banque mondiale, dans le cadre des menaces qui pèsent sur le littoral sénégalais, sont angoissantes. Selon l’institution internationale, d’ici 2080, les trois quarts de cette côte seront exposés à un risque élevé d’érosion, par rapport au chiffre actuel de 25% et au risque d’inondations causées par les tempêtes maritimes. Les causes de ce phénomène sont nombreuses. De même que ses conséquences : économie affectée, populations déplacées, pertes d’emplois, etc.
Les menaces qui guettent la côte sénégalaise ne laissent pas indifférente la Banque mondiale (Bm) : D’ici 2080, alerte l’institution, les trois quarts du littoral sénégalais seront exposés à un risque élevé d’érosion, par rapport au chiffre actuel de 25% et au risque d’inondations causées par les tempêtes maritimes. Il y a également l’élévation du niveau des mers, l’urbanisation galopante, la forte croissance démographique. La Banque mondiale souligne que si l’on y ajoute l’urbanisation et l’extraction de sable, ce nombre devrait passer à 75%, en 2080.
La faible capacité de gestion et d’évacuation des eaux usées de ruissellement au niveau des bas-fonds et des zones urbaines fait partie des facteurs qui renforcent la vulnérabilité du littoral. Conséquence : la mer gagne du terrain sur le continent.
‘’Le réchauffement de la planète dû aux changements climatiques entraînera une montée du niveau des mers de 20 cm, d’ici 2030 et de 80 cm, en 2080’’, a alerté la Bm. Il ressort de son analyse, sur la montée du niveau des mers et de l’érosion côtière, que la valeur actualisée nette de tous les coûts, c’est-à-dire le Coût actualisé net (Can) dans les sites ciblés (Saint-Louis, Rufisque-Bargny et Saly, Mbour), est estimée à 1 500 milliards F Cfa. Et le coût de l’érosion côtière et de submersion marine évalué à 344 milliards F Cfa. Le Can d’inondation côtière au-delà de Saint-Louis, essentiellement en raison de crues, revient à environ 389 milliards F Cfa. Il s’y ajoute que le Can des inondations dans cette ville s’élève à 818 milliards F Cfa et représente plus de la moitié du total des dommages estimés. Et le Can de toutes ces pertes économiques représente près de 25% du produit intérieur brut (Pib) de 2010, et environ 35% du Pib du littoral sénégalais.
Hormis les conséquences économiques qu’elle engendre, l’avancée de la mer reste également une menace pour les populations, notamment celles qui vivent non loin du littoral. Et qui se nourrit de la pêche. En août dernier, à Saint-Louis, 210 familles ont été sévèrement impactées par ce phénomène. Qui ne cesse de prendre de l’ampleur dans cette ancienne capitale de l’Afrique occidentale française (Aof).
Sinistrées, déboussolées, les victimes ont été obligées d’occuper les rues pour dénoncer l’inertie des autorités. ‘’C’est toute une ville qui est menacée avec l’avancée de la mer’’, s’est inquiété Mansour Faye, maire de ladite localité. Le quartier de Thiawlène, dans la commune de Rufisque, était dans la même situation que Guet-Ndar. ‘’Là-bas, l’Etat a pris le taureau par les cornes et a résolu le problème en tenant compte des préoccupations des populations, sans essayer de tromper leur vigilance’’, souffle-t-on.
Péril écologique sur le littoral
Dans son rapport 2010-2015 intitulé ‘’Etat de l’environnement au Sénégal’’, le Centre de Suivi Ecologique (CSE) a tenté d’alerter l’opinion sur les risques de ce phénomène. ‘’Il faut dire que l’urbanisation inconsidérée de cet espace est un facteur aggravant de risques tels que les séismes, les glissements de terrain, l’avancée de la mer’’, constate-t-il. Et l’avancée de la mer menace 220 000 emplois directs et 600 000 indirects. Selon la directrice de l’environnement et des établissements classés, chaque année, au Sénégal, la mer avance de 1 à 1,33 mètre. Suffisant pour Maryline Diarra d’insister : ‘’Nos côtes sont très impactées par l’avancée de la mer, parce qu’elles sont essentiellement basses.’’ Aussi, ce phénomène constitue-t-il une menace pour le tourisme.
Certes, l’érosion est liée aux changements climatiques, mais aussi à l’action anthropique, c'est-à-dire aux activités de l’homme : déforestation, feux de brousse, pauvreté, etc. Cette dernière pousse certaines populations à s’adonner à des pratiques non recommandées. ‘’C’est difficile de lutter contre les causes comme l’extraction illégale du sable marin. C’est un phénomène difficile à enrayer. A cela s’ajoutent les constructions anarchiques sur le littoral’’, poursuit Maryline Diarra. Les localités Mbour, Saly, Toubab Dialaw, Yène, Rufisque, Bargny, Gandiol, îles du Saloum, Casamance…ne sont pas épargnées par ce phénomène.
‘’A l’embouchure du fleuve Sénégal, Saint-Louis représente l’exemple le plus extrême de combinaison de risques. Cette ville est déjà soumise à d’importants risques de crues du fleuve qui s’intensifieront avec l’élévation du niveau des mers qui empêche les eaux des fleuves de se jeter dans l’océan’’, commente le rapport de la Banque mondiale. Avant de souligner qu’il est possible, d’ici 2080, que 80% de la ville soient submergés. Ce rythme est observé de 1937 à 1980. Dakar, avec l’avancée de la mer, risque de perdre 54% de ses plages, d’ici à 2100, ajoute le rapport. Selon des experts en environnement, le Sénégal fait partie des pays les ‘’plus vulnérables’’ au monde à cause de la morphologie de ses côtes et du manque de ‘’stratégies efficaces’’ de lutte contre l’érosion côtière. Ce qui fait que d’ici à l’an 2100, toutes les villes côtières risquent d’être englouties par l’océan du fait de l’érosion côtière et l’avancée de la mer. Alors que des populations vivent sur les côtes où sont installés 85% des industries hôtelières.
L’Uemoa dans la croisade contre l’érosion côtière
L’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) s’est impliquée dans la croisade contre l’érosion qui affecte ses Etats membres. Elle participe dans la coordination et la recherche des actions de lutte contre ce phénomène en se dotant d’un fonds global de 141 milliards de F Cfa. Ceci, pour la protection des côtes des pays membres. Dans ce cadre, le Sénégal a bénéficié d’un financement total de 10 milliards de F Cfa de ce programme pour construire des digues contre l’érosion côtière. Ledit financement sert, entre autres, à la construction d’ouvrages de protection sur une longueur de quatre kilomètres sur la zone de Saly.
En outre, dans la zone de Mbao, dans la périphérie de Dakar, la construction d’une importante digue d’un coût d’un milliard de F Cfa est en cours grâce à un financement de la Hollande et du Sénégal. À Rufisque, dans le quartier de Thiawlène, l’Union a aussi financé l’érection d’une digue pour un coût de plus de 2 milliards de F Cfa. Il s’agit d’une digue frontale immergée d’une longueur de 730 m et large de 33 m. Sa construction, qui a nécessité 70 000 tonnes de basalte, a aussi permis la conquête de 50 mètres sur la mer, pour l’aménagement d’une esplanade pour le confort des habitants.
L’Uemoa envisage également de construire une digue à Djohou. ‘’Face au phénomène de l’érosion côtière dans cette sous-région, il est établi que les enjeux sont énormes. Ils sont d’abord environnementaux, car d’importantes ressources naturelles sont constamment l’objet de dégradation et de destruction’’, a relevé Mme Sawodogo Fatimata, représentante résidente de l’Uemoa. Elle sensibilisait les élèves du Lycée Maurice De Lafosse sur les réalisations de l’institution monétaire au Sénégal. ‘’Avec la persistance du phénomène et devant l’ampleur de ses conséquences économiques, sociales et culturelles, la Commission de l’Uemoa a réalisé plusieurs études, qui ont conduit à l’élaboration du programme régional de lutte contre l’érosion côtière’’, a-t-elle informé. Il s’agit de la recherche et du développement, de l’élaboration d’un schéma directeur du littoral et de l’étude de l’exécution des ouvrages et des travaux d’aménagement.