Le chercheur sénégalais Alioune Ndiaye a suggéré, mardi, à Dakar, la mise en œuvre au Sénégal d’une politique économique inspirée du modèle indien qui, selon lui, repose sur la collaboration des chercheurs avec les décideurs, le soutien du gouvernement à l’initiative privée et la relation entre le pays et sa diaspora.
"On parle beaucoup d’émergence au Sénégal. L’exemple indien peut inspirer le Sénégal à trois niveaux : d’abord une connexion entre la sphère du savoir et la sphère de la décision. C’est capital", a dit M. Ndiaye lors d’une "conférence de rentrée" du "Timbuktu Institute", un "think tank" basé dans la capitale sénégalaise.
Alioune Ndiaye, chercheur à l’Université de Sherbrooke (Canada), était appelé à introduire une conférence sur le thème : "La stratégie africaine des nouveaux acteurs de la coopération : cas et typologies de l’Inde et du Maroc".
A l’opposé de l’Inde, au Sénégal, "on ne donne pas assez aux scientifiques" la part qui devrait leur revenir dans les politiques de développement économique, a-t-il relevé.
"En Inde, si tu n’es pas ingénieur ou médecin, tu es la honte de ta famille. L’importance que l’on donne au savoir remonte à Nehru (Jawaharlal Nehru, le premier dirigeant de l’Inde indépendante, Ndlr). Le concept principal de Nehru, c’était le +Scientific Temper+", une philosophie selon laquelle "l’esprit scientifique" primait sur tout le reste, a expliqué le conférencier.
"Une aventure scientifique et technologique"
Sous l’égide de Nehru, l’Inde s’est lancée, dès son indépendance en 1947, dans "une aventure scientifique et technologique qui consiste à mettre le savoir et la science au service du développement", a rappelé Alioune Ndiaye, auteur de plusieurs articles sur les relations entre l’Afrique et les puissances émergentes.
Les premiers dirigeants de l’Inde postindépendance, Nehru et Gandhi surtout, "ont toujours eu à leurs côtés de grands scientifiques", a-t-il ajouté, laissant entendre que les dirigeants sénégalais devraient adopter la même démarche pour promouvoir la science et la technologie.
Comme l’Inde, le Sénégal devrait en deuxième lieu favoriser la relation entre "le capital et la capitale", ce qui se traduit par le soutien de l’initiative privée par les autorités gouvernementales, la capitale symbolisant l’autorité étatique, le capital étant l’emblème du secteur privé, a expliqué Alioune Ndiaye.
"Il s’agit de booster le secteur privé", a-t-il dit pour résumer cette approche de la politique économique indienne. "Chaque fois que l’Inde lance une politique publique, son objectif est de faire émerger une industrie locale", a souligné l’universitaire.
La relation entre "la diaspora et le pays" d’origine est la troisième dimension de la politique économique indienne dont le Sénégal devrait s’inspirer, selon Alioune Ndiaye.
"C’est important qu’il y ait cette connexion entre la diaspora et le pays", a-t-il dit, ajoutant que "l’émergence de l’Inde est basée sur quatre" axes stratégiques, à savoir "la diplomatie, l’économie, l’énergie et la géostratégie".
Les échanges de l’Inde avec ses partenaires commerciaux sont passés de "trois, voire quatre milliards de dollars en 2000 à 75 milliards de dollars en 2015", a-t-il par ailleurs indiqué, en présence de nombreux intervenants à la conférence, dont le journaliste-politologue Yéro Dia et l’universitaire Bakary Sambe, directeur du "Timbuktu Institute".
FKS/ESF/BK