On semble assister à un jeu de la barbichette entre Khalifa Sall et Karim Wade. Manko Taxawu Senegaal, qui souhaite du pape du Sopi qu’il monte en première ligne pour la libération du maire de Dakar, pourrait se voir rétorquer que le fils de l’ancien président de la République, retiré au Qatar, n’est pas tout à fait libre, faute de soutien. Ce jeu d’ombres entre présidentiables des camps socialiste et libéral risque de porter un coup fatal à la nécessaire coordination des actions de l’opposition.
En conférence de presse ce mercredi, les leaders de la coalition Manko Taxawu Senegaal ont solennellement invité l’ancien président de la République à monter en première ligne dans le combat pour la libération du maire de Dakar.
Si leur vœu ne tombe pas dans l’oreille d’un « surdoué » en jeu de ruse politicienne, il se créera un grand élan de sympathie qui, à titre symbolique, va conférer à Khalifa Sall le statut de chef de l’opposition en perspective de la prochaine présidentielle, sous réserve d’une candidature effective de Karim et compte tenu de l’âge assez avancé de Me Wade.
En d’autres termes, le leader de Taxawu Ndakaru aura une précieuse longueur d’avance sur ses concurrents de ladite opposition pour espérer être l’alter ego de Macky Sall en cas de second tour en 2019.
Or, dans l’entendement du vieux sopiste dont la liste est arrivée deuxième aux dernières législatives, jusqu’à la preuve du contraire, Karim Wade est l’adversaire naturel du chef de l’Etat en exercice si celui-ci n’obtient pas la majorité absolue au terme du premier tour.
« Avant même que Khalifa Sall ne soit arrêté, nous avions dit qu’il était victime d’un acharnement de la part de Macky Sall, qui se disait qu’il pouvait lui créer des problèmes en le battant aux élections. C’est ainsi que nous avions dit qu’il fallait le soutenir, mais Khalifa Sall n’a jamais soutenu Karim Wade.
Du moins, je ne l’ai jamais entendu. Khalifa Sall a sa propre vision et ses idées, de même que nous. Lui, sa vision et ses idées ne lui ont pas permis de soutenir Karim, contrairement à nous car, notre vision et nos idées, en tant que démocrates, nous ont conduits à le soutenir. C’est ainsi que le Pds et les Karimistes l’ont soutenu », déclarait Me Abdoulaye Wade à travers un entretien concédé à la Sen Tv début juillet 2017.
C’est dire que malgré la nécessaire unité des leaders du Manko originel, le choc des ambitions est toujours un obstacle majeur qui empêche une meilleure coordination des actions de l’opposition.
D’abord au sein de Manko Taxawu Senegaal où Idrissa Seck et Malick Gackou pourraient être candidats en 2019 en ne se rangeant pas derrière Khalifa Sall si ce dernier venait à bénéficier d’une libération pour essayer de concrétiser ses ambitions présidentielles.
Sous ce rapport, il nous est revenu que depuis l’épisode de la confection des listes en direction des législatives du 30 juillet, le binôme des maires socialistes Bamba et Barth’ est soupçonné de manœuvres pour endiguer toute concurrence au sein de Manko. Même un khalifiste de la trempe de Babacar Diop de la Jds porte les mêmes récriminations à l’endroit des maires nommés plus haut.
On verse dans le même créneau de révélations que cet état de fait aurait une corrélation avec l’absence d’une bonne partie des leaders de cette coalition lors de la conférence de presse de Manko de ce mercredi qui devait sonner le tocsin de la révolte dans le combat pour l’élargissement de Khalifa.
Ensuite, les résultats des joutes du 30 juillet passé indiquent que l’écart est un peu serré entre Manko Taxaxu Senegaal (11,72) et la Coalition Gagnante / Wattu Senegaal (16,65%).
Ce duel qui ne dit pas son nom sera remporté par celui qui réussira à regrouper, à son profit, le plus grand nombre de leaders politiques ou de la société dite civile non favorable au pouvoir en place.
A cet égard, Khalifa Sall, même s’il a perdu du terrain à Dakar, a prouvé qu’il jouit d’une bonne audience dans la capitale en coiffant au poteau ses rivaux des listes concurrentes autre que celle de Benno Bokk Yakaar.
L’avantage comparatif du maire de Dakar sur Karim est de pouvoir fédérer les éléments de l’ex-opposition à Wade, qui ne se retrouvent pas dans le régime de Macky Sall.
En outre, Wade pourrait rappeler à ceux qui souhaitent qu’il porte le combat pour la libération de Khalifa Sall que, toutes choses égales par ailleurs, son fils, qui vit dans une sorte d’exil post-carcéral au Qatar, a besoin lui aussi du reste de l’opposition pour espérer se présenter à la présidentielle de 2019.
En définitive, victime des ambitions présidentielles de ses principaux animateurs à la veille des législatives du 30 juillet, Manko Taxawu Senegaal est prisonnier des mêmes calculs politiques qui avaient eu raison de l’ex-Benno Siggil Senegaal entre Moustapha Niasse et Ousmane Tanor Dieng quelques mois avant l’accession de Macky Sall au pouvoir en 2012.