Le phénomène du vol constaté chez les femmes fait réagir les forums de discussions sur le net, après chaque publication de vidéos de vol. Le sociologue Mamadou Wone souligne que cette ‘’féminisation du vol’’, souvent appelée ‘’kleptomanie’’, est généralement une maladie. Mais, étant entendu que ‘’les hommes ne donnent plus’’, la tentation du vol est grande.
Nous constatons, de plus en plus, de larcins commis par les femmes. Qu’est-ce qui explique la féminisation du vol ?
Une fois de plus, une étude n’a pas été faite sur cette tendance des femmes au vol. Je n’en ai pas faite et les quelques rares études que j’en ai vues, sont le fait de psychologues. Dans ce cas de figure, les psychologues semblent avoir identifié une maladie dénommée ‘’kleptomanie’’ qui est, le plus souvent, le fait de femmes. En quoi consiste cette maladie ? Elle se caractérise par une forme d’obsession à voler des objets. Un individu (une femme, le plus souvent) concerné par ce trouble, ne peut se retenir de subtiliser des objets, la plupart du temps sans aucune valeur pour lui. La kleptomanie est donc un premier type de ‘’féminisation du vol’’, mais elle est une maladie mentale. Peut-on en dire autant de ce phénomène de plus en plus fréquent de larcins commis par certaines femmes ? On ne peut pas dire de toutes ces femmes que ce sont des malades mentales. A la rigueur, on peut penser que cela participe d’un mouvement d’ensemble de ‘’confusion des genres’’.
En effet, on entre de plus en plus dans la certitude que ‘’la femme est un homme comme les autres’’. Dans ce cas de figure, on assiste à une ‘’disparition du sexe’’. Autrement dit, le sexe ne qualifie plus socialement un individu. Le sexe, à l’heure actuelle, ne peut permettre qu’une simple et banale identification anatomique. Ainsi, le fait que des femmes volent comme des hommes, conduisent des taxis comme des hommes ou encore deviennent ‘’apprentis de cars rapides’’ comme des hommes, va constituer la manifestation de cette homogénéisation des sexes. Et cette homogénéisation est le fruit d’un long processus d’émancipation et d’affranchissement des femmes de la tutelle des hommes.
En résumé, il n’y a pas qu’une féminisation du vol. Il y a une féminisation de tout, et même de l’imamat (une femme peut devenir imam) ou de la prêtrise.
Nous remarquons qu’à l’approche des fêtes de Korité et de Tabaski, le phénomène devient de plus en plus dense. Pourquoi ?
J’ai l’habitude de dire que la fête est un moment frénétique de dissolution. Ainsi, personne ne veut être en reste. Et pour ne pas être en reste, on fait parfois des sacrifices insoupçonnables : s’endetter jusqu’au cou ou encore voler. Maintenant qu’il y a une ‘’confusion des genres’’ et que, comme le disent les femmes sénégalaises, ‘’les hommes ne donnent plus’’, alors certaines femmes iront chercher ce qu’il leur faut, d’une manière ou d’une autre. Certaines femmes vont ‘’accélérer la cadence du ‘’Mbaraane’’. Cette densification frénétique de cette recherche, de quoi se dissoudre dans la masse, n’a pas comme seule caractéristique le vol. La prostitution déguisée ou non, mais accélérée, et le vol vont ainsi bien se positionner, en tout cas mieux qu’en période normale.
Que symbolisent la Korité et la Tabaski pour ces femmes ?
Les fêtes, femmes comme hommes, sont synonymes, encore une fois, de dissolution. Les fêtes sont les seuls moments exceptionnels où tout le monde ressemble à tout le monde. Chacun porte de beaux habits, riches et pauvres, hommes et femmes, jeunes et vieux, enfants et adultes, etc. Chacun mange de la viande à satiété, quelle que soit la condition de l’individu. Alors, les fêtes ont les mêmes significations, que l’on soit hommes ou femmes. Cependant, on peut observer que les femmes résistent moins à ces concerts ou à ces ‘’bals masqués’’ ou encore à ces ‘’carnavals’’.
En dehors des périodes de fêtes, le vol est-il une tendance qui se généralise ?
Le vol a toujours existé et existera toujours. Il y aura sans doute des moments où cela se verra le plus. Les moments de veille de fêtes ou même de fêtes, en font partie. Mais les moments de précarité ou de paupérisation favorisent également cette tendance exponentielle du vol.
Est-ce que les vendeurs ou vendeuses baissent leur garde plus facilement, quand il s’agit de femmes ?
Il est vrai que pour certains types de sociétés, les stéréotypes liés au sexe sont plus vivaces. On peut penser qu’effectivement, l’on a plus tendance à soupçonner les hommes que les femmes pour ce qui est des vols, dans le domaine public. Dans les maisons, paradoxalement, l’on pense souvent ‘’à la bonne’’ et donc à une femme, quand il y a larcin, parce que, justement, c’est un lieu considéré de femmes. Mais, d’une manière générale, de cette même manière que quand on parle de médecin on pense à un homme plutôt qu’à une femme, quand on criera ‘’au voleur !’’, on s’attendra à voir un homme pris la main dans le sac ou déboucher à toutes jambes du coin de la rue. Cela fait partie de l’imaginaire de chaque société donnée.
En effet, on baisse beaucoup plus la garde quand il s’agit d’une femme que d’un homme. Comme on baisserait beaucoup plus facilement la garde face à un homme bien habillé que devant un homme mal habillé.
Dans les sociétés où l’individualisme a atteint un degré plus avancé, on se sert d’alarme pour démasquer les voleurs. L’alarme ne reconnait pas le sexe, il ne reconnait que l’individu qui prend une chose qui ne lui appartient pas.