Les marchés de la capitale sénégalaise sont sales, malgré les efforts consentis pour le ramassage des ordures. C'est vrai aux marchés de Grand-Yoff et HLM, même si le marché Kermel donne des raisons d’espérer.
7 h du matin au marché Grand-Yoff, les vendeurs prennent possession de leurs commerces. À mesure que le soleil monte, le marché grouille du monde. Les klaxons de véhicules mêlent leur concert au brouhaha ambiant. Difficile pour le client de circuler librement à l’intérieur comme à l’extérieur du marché. Toutefois, ceux qui fréquentent le marché doivent faire abstraction de la saleté et des odeurs nauséabondes. Car, les étals de fortune sont carrément installés sur des tas de fruits et de légumes pourris abandonnés sur la chaussée. Vers le soir, la chaussée sera jonchée de déchets jetés par les marchands de fruits et légumes. Non loin, une montagne d’ordures se dresse.
Les éboueurs ne pourront y accéder que très tard dans la nuit, car la rue qui y mène est impraticable, à cause de la foule de vendeurs et d'acheteurs. Pendant ce temps, le marché bat son plein. “Ici, tout est moins cher que dans les autres magasins. Heureusement qu’il y a ce marché où les prix sont abordables”, se console un client qui préfère garder l’anonymat. Le même interlocuteur avoue n’accorder aucun intérêt à l’absence d’hygiène, du moment qu’il peut acheter toutes les fournitures nécessaires à ses enfants et toutes les denrées alimentaires à des prix défiant toute concurrence. Après le marché de Grand Yoff, cap sur le marché HLM.
Marché HLM : ''La saleté attire les rats, nous avons peur pour notre santé''
Il est 12 heures. Les amoncellements d'ordures laissées par marchands et clients ne semblent déranger personne, à l'exception des riverains qui ne cessent de réclamer le droit au calme et à une vie paisible dans la cité. “Nous avons saisi les autorités mais personne n’a eu le courage d’appliquer les lois de la République dans cet espace de non-droit qu’est devenu ce quartier”, s’indigne un riverain. D’autres voisins arrivent pour hurler leur rage, quant aux conditions de vie exécrables qu’ils doivent supporter.
Ils se plaignent des conditions d’hygiène dans leur cité : “La saleté attire les rats et nous avons peur pour notre santé et celle de nos enfants”, explique Pape Modou Ngom, un notable du quartier HLM. Les commerçants, quant à eux, s’octroient le rôle de bons samaritains qui sauvent les parents des griffes des spéculateurs. “Vous savez, ce n’est pas sur ce tas d’ordures que vous devez écrire. Tout Dakar est sale”, déclare un jeune vendeur.
Si les marchés visités sont jonchés d’ordures, les trottoirs ne sont pas en reste. Aux marchés Grand-Yoff et HLM, même constat : malgré les conteneurs à ordures, mis gracieusement à disposition par les autorités municipales, les gens s’arrangent toujours pour déposer leurs sachets d’ordures à même le trottoir. Conséquences, des tas d’immondices jonchent les sols et restent là jusqu’au passage des éboueurs. Tout ceci fait le bonheur des rats qui se gavent, à la nuit tombée. “Même les chats ne chassent plus les souris de nos jours, puisque nos rues sont devenues des dépotoirs. De mon temps, les rues étaient propres”, témoigne un homme d’un certain âge.
Kermel, antithèse des marchés Grand-Yoff et HLM
Niché au cœur de Dakar, entre l’avenue Sarrault et le Port, le marché Kermel se singularise par sa taille, mais aussi par son architecture. Dans ce très beau bâtiment qui date de 1910, on trouvait tous les produits alimentaires. Ce, bien avant qu’il ne soit ravagé par les flammes d’un incendie, en 1994. Il a été reconstruit en 1997. Aux alentours, des vendeuses de fleurs circulent avec des bouquets, à côté de boutiques d’artisanat (vannerie, sculpture sur bois, maroquinerie) et de magasins modernes.
Boucheries et épiceries côtoient marchands ambulants et autres talibés qui y ont élu domicile. Malgré tout, le marché Kermel, classé patrimoine mondial de l’Unesco, n’a pas perdu son lustre d’antan. Contrairement à la quasi-totalité des marchés de la capitale sénégalaise, il offre toujours un cadre agréable et accueillant à ses visiteurs. Tout ceci s’explique par un comité de gestion mis en place par des occupants. 14 agents s’adonnent matin et soir au nettoyage des lieux. ''C’est ce qui fait que les lieux sont prisés par une certaine clientèle.
Principalement les autorités gouvernementales et les européens. Des femmes de ministres et même la Première dame viennent ici pour faire leurs achats'', révèle Balla Sall, président du comité de gestion du marché Kermel. Il explique qu'ils se cotisent pour permettre le balayage et le nettoyage des lieux, payer les factures d’eau et d’électricité. Il a tenu à préciser qu'il ''n’y a pas de sanctions''. ''Nous sommes tous des parents et on s’entend bien. Car, nous savons tous que la propreté des lieux contribue à notre bonne santé, mais aussi à attirer la clientèle.''