Le chargé de communication de ‘‘Defar Senegaal’’, Mouhamed Touré, analyse les résultats obtenus par ce mouvement indépendant. Entre le besoin d’alterner la classe politique, la défection-surprise de Fabienne Féliho, et l’actualité sur les réseaux sociaux, cet investi sur le département Amérique/Océanie, qui a vécu 20 ans aux USA, s’explique également sur les derniers développements de l’actualité.
Quelle évaluation le mouvement ‘‘Defar Senegaal’’ fait-il des Législatives du 30 juillet dernier ?
Un bilan plutôt positif de cette élection, compte tenu du fait que nous étions l’un des seuls mouvements indépendants non coalisés qui sommes allés aux élections pour nous retrouver 8e à Dakar qui était la mère de toutes les batailles, et 15e sur le plan national sur 47 listes. Malheureusement, nous ne serons pas à l’Assemblée cette fois-ci, mais nous sommes sereins. Nous pensons que notre discours a touché une certaine frange de la population sénégalaise aussi bien à l’intérieur que dans la diaspora et je voudrais profiter de l’occasion pour remercier ceux qui nous ont fait confiance en jugeant nécessaire une troisième voie.
N’est-ce pas un échec plutôt ?
Non, je ne pense pas. Comme je l’ai dit, il y avait 47 listes. Nous étions une liste indépendante et pour aller aux élections, il nous a fallu recueillir des signatures. Nous l’avons fait pour garder nos convictions. Nous ne voulions pas être dans une coalition juste pour aller à l’élection. Nous voulions donner la chance aux Sénégalais de nous connaître et de savoir dans quelle logique le mouvement ‘‘Defar Senegaal’’ voulait intégrer l’échiquier politique. Si le but était uniquement d’aller à l’Assemblée nationale, oui c’est un échec. Mais notre objectif est défini sur plusieurs années, parce que nous sommes un mouvement jeune. Nous pensons que les Sénégalais ont besoin d’une nouvelle façon de faire la politique, de voir de nouveaux visages, d’entendre d’autres types de discours... ; nous allons travailler sur cette voie et faire de sorte que, lors des élections à venir, nous soyons présents et que notre score s’améliore.
On a remarqué que les indépendants, la société civile, ou ceux qui pensaient incarner une troisième voie ont sèchement été battus pas les politiciens aguerris. N’avez-vous pas trop présumé de vos forces ?
Du tout ! Ce que nous voulions faire, c’est nous peser et nous avons réussi à le faire. Il y a beaucoup de partis et de coalitions dans ce pays qui ne savent pas combien ils pèsent. On peut dire cela de Benno Bokk Yaakaar, de Mankoo Taxawu Senegaal, et de la Coalition gagnante/ Wàttu Senegaal. C’est une multitude de partis politiques qui ont des agendas différents. Ils se coalisent pour aller à des élections et au finish, ils ne peuvent pas dire qui a quoi. ‘‘Defar Senegaal’’ sait au moins que quatorze mille Sénégalais lui ont fait confiance. Donc, nous pouvons travailler sur cette logique.
Votre tête de liste, Mamadou Sy Tounkara, a déploré dans une lettre l’inconséquence des Sénégalais qui se plaignent des politiques pour ensuite voter en leur faveur. Est-ce que c’est la bonne lecture à avoir de ces résultats ?
C’est son avis. Je pense que beaucoup de Sénégalais n’ont pas voté. Si on se réfère au fichier, six millions de personnes étaient inscrites. Il y a un million d’entre eux qui n’ont pas reçu leurs cartes, mais il était possible de voter néanmoins. Mais la majorité des Sénégalais n’ont toujours pas confiance aux politiciens professionnels. Ce manque s’est calqué sur nous, la nouvelle voie. C’est à nous de montrer que nous sommes différents. A nous de faire en sorte que les Sénégalais qui ne sont pas allés voter adhèrent à notre projet. Nous sommes sûrs que les partisans des mouvements politiques ne vont pas voter pour les indépendants, ils resteront dans la politique politicienne. Mais il y a une majorité silencieuse qui ne vote jamais, car n’ayant pas confiance en les politiciens. C’est cette majorité que nous devons aller chercher et nous allons nous y atteler.
Votre tête de liste départementale à Dakar, Fabienne Féliho, a fait défection de votre liste, au dernier moment. Cela vous a-t-il porté un coup ?
Absolument pas ! Nous sommes un mouvement indépendant. Par essence, nous ne sommes pas un parti politique traditionnel. Donc les gens sont libres d’aller et de venir. Cette candidate a jugé nécessaire de changer d’équipe au dernier jour de la campagne et elle en a plein droit. Nous sommes dans un pays démocratique, les gens peuvent faire ce qu’ils veulent.
Mais vous vous êtes concertés en privé au moins ; il a dû y avoir une réunion de crise ?
Non rien de tout cela. Nous l’avons appris par voie de presse. (Il s’esclaffe). Mamadou Sy Tounkara a appelé pour essayer de voir ce qui se passait, mais malheureusement, ils ne se sont pas parlé. Elle n’a pas décroché. Jusqu’au moment où l’on parle, nous ne savons pas les raisons qui l’ont poussée à nous quitter.
On vous a reproché d’avoir voulu capitaliser sur la célébrité médiatique de Mamadou Sy Tounkara. Que répondez-vous à cela ?
‘‘Defar Senegaal’’, c’est beaucoup plus que Mamadou Sy Tounkara. Ce que nous avons essayé de faire, c’est de nous départir de la politique politicienne des partis traditionnels qui tournent autour d’une personne. Vous avez vu ce qui se passe avec le PDS : derrière Abdoulaye Wade, c’est le désert. C’est la même chose à l’AFP ou au Parti socialiste. A ‘‘Defar Senegaal’’, nous avons des compétences et avons beaucoup de jeunes qui croient en nous. Nous avons la plus jeune sur une liste, Aminata Dieng de Guédiawaye. Elle a 25 ans et est un leader communautaire dans ce département. Les voix que nous avons eues à Guédiawaye sont venues, parce que nous avons investi cette fille. Tounkara est célèbre et connu, c’est une réalité. Mais il y a bel et bien de la matière dans notre mouvement citoyen.
Quel avenir entrevoyez-vous pour ‘‘Defar Senegaal’’ ?
Nous sommes optimistes parce que, comme je l’ai dit, quand nous sommes allés aux élections, le mouvement n’avait que six mois. En ce laps de temps, nous avons parcouru le Sénégal. Moi, j’ai fait la diaspora, plus précisément les USA, car j’étais le candidat investi au département Amériques/Océanie et nous avons appris beaucoup de choses sur les Sénégalais et leurs attentes. Nous savons que si nous continuons le travail accompli, nous parviendrons à nous hisser à un rang respectable dans le cercle politique sénégalais.
Vous parlez d’un nouveau type de discours. Est-ce que vous vous êtes assuré que c’est le bon que vous véhiculez ?
Le discours que les Sénégalais veulent entendre, c’est celui du don de soi à la nation, travailler pour elle et arrêter la politique politicienne, les invectives. Ce sont les partis politiques qui se sont battus, qui ont sorti des machettes, etc. Defar Senegaal a été remarquable. Beaucoup de gens ont essayé de nous tourner en dérision, compte tenu du fait que nous n’avions pas beaucoup de moyens pour battre campagne.
Mais je mets au défi les Sénégalais sur quelque chose : Defar Senegaal a été financé en interne par ses militants. Nous avons pris en location notre quartier général sur la VDN pour un mois avec nos moyens. Quand on se retourne, on voit que des coalitions et partis politiques ont utilisé des mairies, des voitures de l’administration, des moyens de l’Etat pour mener campagne. C’est le genre de discours que les Sénégalais doivent entendre et ils doivent refuser ces pratiques. Depuis 57 ans, c’est ce qui se passe dans ce pays. Après la campagne, on retourne à nos travers. A ‘‘Defar Senegaal’’, nous avons tous repris nos activités professionnelles. Mais les politiciens retournent déjà à une campagne électorale pour la Présidentielle. C’est l’éternel recommencement.
Concernant toujours le type de discours, il y a Assane Diouf qui, depuis les USA, est très suivi au Sénégal, via le net. Est-ce que ce n’est pas son discours anticonformiste, tranchant d’avec les constatations conventionnelles que vous venez de faire, qui fait qu’il est si écouté ?
C’est ça. Nous sommes une société qui je pense... veut la violence verbale. Mais elle n’a pas commencé avec Assane Diouf. Ce dernier n’est que la continuation de quelque chose qui se passait depuis des années sur le terrain politique, social. Les Sénégalais sont très confortables avec la violence verbale. C’est pour cela qu’il fait ce qu’il est en train de faire. Ce que nous condamnons tous. C’est vrai que nous sommes en démocratie, on doit pouvoir partager ses avis et opinions, mais il faut savoir le faire avec la manière. Le chef de l’Etat demeure une institution ; je pense personnellement que si on l’insulte, on insulte tous les Sénégalais qu’il est censé représenter.
Vous avez fait 20 ans aux Etats-Unis. Avec le Premier amendement de leur Constitution, pensez-vous que le gouvernement sénégalais manœuvre bien en voulant le faire taire ?
Je ne sais pas si le gouvernement est la raison pour laquelle les Américains lui ont mis le grappin dessus. Assane Diouf a dit qu’il était entré aux USA avec le passeport de son frère. Il a partagé des informations qui auraient dû être confidentielles. Même si vous et moi prenions un avion et nous amusions à dire qu’on allait le faire exploser avant le décollage, ils nous auraient fait descendre et mener une enquête pour voir s’il y a réellement un danger. Certains de ses discours ont peut-être rendus les Américains nerveux et ils veulent juste comprendre si Assane Diouf est un terroriste ou un activiste. Si c’est de l’activisme, il est clair qu’il ne sera pas inquiété. Mais s’il avait des antécédents avec l’Immigration, il peut bien avoir des problèmes. Au-delà d’Assane, il y a eu Oulèye Mané, Amy Collé Dieng et Penda Ba. Les Sénégalais semblent ne pas encore mesurer la portée des réseaux sociaux. Chacun essaie d’être entendu, d’être la star, de faire le buzz. Certaines personnes y vont de manière très maladroite.