La publication des résultats définitifs des élections législatives du 30 juillet 2017 dernier met l’opposition dans tous ses états. Celle-ci persiste à accuser le pouvoir de hold-up électoral. Mais selon le ministre porte-parole, les causes de la faillite de l’opposition sont à chercher ailleurs. Dans cet entretien avec EnQuête, Seydou Guèye revient sur l’issue de ces élections et se prononce sur la liberté provisoire accordée à Houlèye Mané, Penda Bâ et Ami Collé Dieng.
Les élections législatives du 30 juillet dernier ont suscité beaucoup de controverses. Quelle évaluation faites-vous de ce scrutin ?
Une évaluation objective et positive. Les Sénégalais se sont exprimés, les urnes ont parlé. La victoire de la coalition Benno bokk yaakaar (BBY) est nette, massive et sans équivoque. Les citoyens sénégalais, dans une très large majorité, ont marqué leur adhésion au Plan Sénégal émergent (PSE) en donnant au Président Macky Sall une majorité confortable à l’Assemblée nationale pour qu’il puisse poursuivre la courbe des bonnes actions publiques dont le contenu social fait un grand bien au peuple et au pays.
C’est la Couverture maladie universelle (CMU), les bourses de sécurité familiale, le Programme d’urgence de développement communautaire (PUDC), Promovilles, le Programme d’urgence de modernisation des axes et territoires frontaliers (PUMA) qui redistribuent, dans une optique d’équité territoriale et sociale, les fruits de la croissance de notre économie. Pour moi, le message politique essentiel issu de ces élections est très clair : les Sénégalais veulent vivre toujours mieux et à cet effet, ils ont décidé de renouveler leur confiance au Président Macky Sall. Il s’agit, maintenant que le Conseil constitutionnel a publié les résultats définitifs, de respecter la décision des Sénégalais et de travailler sur les points de progrès identifiés pour consolider notre système électoral et notre démocratie et de tourner la page des Législatives du 30 juillet 2017.
Le processus ayant conduit à ce scrutin est déploré par l’opposition. Qu’en pensez-vous ?
C’est vrai que le processus, dès son entame, a fait couler beaucoup d’encre et de salive. Cela se comprend parfaitement puisqu’une bonne partie de l’opposition est engluée dans une stratégie de suspicion et de harcèlement du pouvoir au motif que ce dernier est tenté par la fraude, oubliant de tirer les conséquences de sa profonde faiblesse organisationnelle et de son manque d’offre politique. La fraude électorale au Sénégal est un problème que les Sénégalais ont définitivement réglé, depuis le siècle dernier, à travers un système authentique, fiable et éprouvé.
Le processus s’est globalement bien déroulé même si parfois il y a eu quelques difficultés qui l’ont émaillé. Les recours ont été examinés par le Conseil constitutionnel, autorité habilitée à statuer sur les recours en la matière, à dire le droit et à prononcer les résultats officiels définitifs. Mais il convient de reconnaître que ces élections législatives constituaient un défi inédit pour l’Administration et tous les acteurs impliqués dans le processus qui s’en sont bien sortis. Le processus de révision du fichier a permis d’enrôler plus de 6 millions d’électeurs. Plus de 3 millions d’électeurs ont pris part au vote et devaient choisir parmi 47 listes en compétition à travers 39 pays où vivent nos compatriotes et dans les 45 départements du Sénégal. Pour comparer avec la refonte totale de 2006, les performances actuelles sont de loin supérieures. A l’époque, l’ancien pouvoir n’avait pu distribuer que 34% des cartes d’électeur, là où le pouvoir actuel a frisé les 75, voire 80% de taux de distribution. Au final, cela s’est bien passé, même si ici ou là, il y a eu quelques difficultés comme à Touba par exemple où certains compatriotes n’ont pas pu voter, malgré la décision du Conseil constitutionnel qui leur avait permis de voter avec le récépissé d’inscription sur le nouveau fichier et la preuve de leur identité.
Dans son ensemble, l’opposition rejette les résultats de ce scrutin et dénonce même un hold-up électoral à travers une vaste opération de fraude. Que répondez-vous à cela ?
Non, ils ne rejettent pas tous les résultats, c’est très sélectif au regard de ce que j’entends. Ce sont de mauvais perdants qui, de surcroît, ont du mal à respecter la décision des citoyens. Quand ils gagnent, c’est régulier ; et lorsqu’ils perdent, c’est parce qu’il y a eu un hold-up. C’est une attitude que je trouve désinvolte, peu rigoureuse et pas soutenable pour des démocrates. Les Sénégalais ont choisi le camp du progrès et de façon nette et massive. Analysez vous-même les écarts entre les différentes listes, vous vous ferez une opinion objective de la portée du vote de nos concitoyens. Encore une fois, nous avons tourné la page des Législatives au regard de la décision des Sénégalais, issue des urnes et validée par l’autorité juridictionnelle.
Maintenant, si certains de mes amis préfèrent verser dans de l’enfantillage, libre à eux. Pour ce qui nous concerne, nous poursuivons le travail pour répondre efficacement aux questions prioritaires des Sénégalais, et pour le progrès de notre pays que nous voulons bâtir par tous et pour tous. En vérité, une bonne frange de l’opposition est allergique au progrès du Sénégal et au bien-être des Sénégalais. Elle n’est intéressée que par l’agenda et les enjeux électoraux. Je leurs réponds que les Sénégalais ont aussi et surtout besoin de travailler, de se nourrir, d’envoyer leur enfants à l’école, de vivre heureux et en paix, dans une société performante et solidaire. Ce sont là les questions prioritaires du Président Macky Sall et de son gouvernement qui, sûrement et avec engagement, méthode et générosité, s’évertuent tous les jours à renforcer les bases de notre souveraineté économique, alimentaire et énergétique au profit de tous. Il faut savoir tourner la page de la vaine contestation électorale et s’attaquer aux questions essentielles, celles qui font sens et qui concernent l’avenir du plus grand nombre d’entre nous.
A Touba, l’opposition dénonce un sabotage à travers un chaos provoqué par le régime.
C’est un dossier entre les mains de la justice, qui devra situer les responsabilités et prononcer les sanctions prévues.
Le constat général est que ces élections ont été marquées par un ensemble de dysfonctionnements et de couacs notés dans l’organisation. Est-ce que cela n’a pas contribué à votre victoire et à la défaite de l’opposition ?
La victoire de la coalition BBY tient à l’unité réelle de notre camp face à une opposition émiettée, qui n’a pas réussi à dépasser ses querelles subjectives et d’ego. L’opposition n’a soumis aux Sénégalais aucune offre crédible ou engageante. C’est une opposition en panne de projet, de méthode et de leadership. A mon sens, voilà quelques facteurs qui pourraient expliquer la retentissante défaite de nos adversaires, qui étaient partis en campagne pour imposer au pouvoir une illusoire cohabitation. Je crois qu’ils vont désormais réellement cohabiter dans leur faillite collective. Au-delà de l’engagement de tous les leaders, des responsables et des candidats investis, la victoire de la coalition BBY est incontestablement le fait du bilan du Président Macky Sall qui, en cinq ans, a réussi à construire les bases d’un autre Sénégal, avec un avenir prometteur au regard des résultats tangibles dans tous les secteurs de la vie de la nation. Cette victoire est surtout le fait des Sénégalais qui, de façon massive et éloquente, ont fait le choix de la cohérence et de l’espoir en donnant la majorité parlementaire au Président Sall, renouvelant au passage le contrat social avec Benno et leur demandant de poursuivre le PSE et les autres programmes présidentiels qui restent les bonnes réponses aux vraies questions.
Malgré ces multiples dysfonctionnements dans l’organisation, le Président Macky Sall a quand même félicité le ministre de l’Intérieur au moment même où l’opposition réclame sa tête. Est-ce que cela ne pose pas problème ?
Le Président est à sa place et dans son rôle en félicitant tous les acteurs du processus et le peuple sénégalais. Il n’appartient pas à l’opposition de choisir le ministre de l’Intérieur. En tout cas, pour ce que j’en sais, la nomination des ministres reste une prérogative présidentielle. Pour moi, cette ligne de combat est une resucée d’une contradiction dépassée. Deux alternances sont passées en 12 ans, l’administration électorale, pratiquement la même depuis fort longtemps, et tous les acteurs ont prouvé à souhait qu’ils savaient organiser des élections justes, régulières et transparentes. Je crois que les causes de la faillite de l’opposition sont à chercher ailleurs.
Au lendemain des Législatives, l’ancien président de la République, Abdoulaye Wade et ses alliés de la coalition gagnante Wàttu Senegaal, menacent de ne plus participer à des élections organisées par le Président Macky Sall et son régime. Quelle appréciation faites-vous de cette décision ?
C’est leur liberté absolue. Le Président Abdoulaye Wade est venu, avec son coefficient personnel, sauver le Parti démocratique sénégalais (PDS) et ses alliés d’une déroute électorale qui aurait pu se révéler fatale. Il convient de le féliciter. En dépit de leurs efforts louables, ils n’ont récolté que 17% des suffrages valablement exprimés, pratiquement la moitié du score de Wade au premier et deuxième tour de la présidentielle de 2012. Le Président Wade n’est plus en fusion avec les populations, c’est clair. Il symbolise le passé et le passif. A y regarder de près, le PDS est aujourd’hui dans la même catégorie que Mankoo Taxawu Senegaal. Cela peut s’avérer préoccupant pour une figure historique de la vie politique sénégalaise, qui se rend compte que son parti n’a plus de réalité politique. Son leadership s’étiole tous les jours un peu plus et son avenir est derrière lui. Dans ces conditions de désillusion, le boycott fallacieux peut être tentant mais je reste persuadé que le Président Wade n’entraînera pas grand monde dans son déclin.
L’actualité reste dominée par les dérapages notés dans les réseaux sociaux où on s’en prend souvent, et de manière violente, au président de la République. Il y a le cas de Houlèye Mané, Penda Ba et Ami Collé Dieng qui ont bénéficié de liberté provisoire, et récemment Assane Diouf. Comment appréciez-vous tout cela ?
C’est regrettable de mettre ainsi en péril le vivre-ensemble sénégalais, remarquable par sa douceur sociale, le respect des valeurs de la République, de bonne éducation et de l’Etat de droit. La liberté d’opinion et d’expression est garantie par notre loi fondamentale. Mais l’insulte, l’outrage ou l’offense ne sauraient constituer une opinion dans notre espace public. Ils restent des délits punis par la loi. Le juge a décidé de leur accorder la liberté provisoire, mais cela n’éteint pas l’action publique. Le président de la République est une institution, qui incarne l’unité nationale et qui représente notre pays. A ce titre, nous lui devons, en toutes circonstances, du respect, comme nous le devons à toutes les institutions et entre citoyens égaux en dignité et en droits.
Assane Diouf injurie le président de la République sur Youtube et en direct et menace souvent les autorités. On a comme l’impression qu’il est intouchable ?
A chaque jour suffit sa peine.
En tant que Sénégalais, peut-il se soustraire à la Justice sénégalaise même s’il vit aux Etats-Unis ?
Le Garde des Sceaux ou les avocats répondront mieux à votre question.
Quelles sont les possibilités qui s’offrent au régime pour demander son arrestation aux Etats-Unis et son extradition au Sénégal ?
En toute humilité, je préfère, là encore, vous renvoyer vers le ministre de la Justice ou les avocats pénalistes qui pourront parler à titre d’experts.
Pour le cas spécifique de Ami Collé Dieng, qu’en pensez-vous ?
Une brillante artiste qui s’est peut-être un peu égarée et qui ne manquera pas de se repentir. Mais pour l’heure, cette affaire est pendante devant la justice.
A propos de cette affaire, vous avez sorti un communiqué. Mais est-ce de votre ressort d’aborder une telle affaire pendante devant la Justice ?
Dans le communiqué, le gouvernement a voulu rappeler un certain nombre de principes. Le gouvernement ne s’est pas prononcé sur le fond, ce qui n’est pas de son ressort.
Puisque le dossier est pendant devant la Justice, ne fallait-il pas laisser le soin au Procureur de la République de se prononcer sur cette affaire ?
Le procureur a son agenda de communication qui n’est en rien lié à celui du gouvernement. Il apprécie librement ses opportunités de communiquer conformément à ses prérogatives et missions. Il n’y a aucune immixtion de l’Exécutif sur les affaires de la Justice.
Selon vous, quelles sont les dispositions que doit prendre le régime pour quand même éviter ces dérapages notés dans les réseaux sociaux ?
Vous savez, les réseaux sociaux sont des espaces de liberté qui induisent un nouveau rapport à l’information ou à ce qui pourrait y ressembler. La logique qui domine cette civilisation du numérique est fondée sur les capacités à produire soi-même de l’information et à la partager avec d’autres dans une approche virale. Par conséquent, outils nouveaux, problèmes nouveaux. Le média n’est plus une contrainte pour toucher d’autres cibles ou donner son opinion, il est devenu personnel et personnalisé.
Conçu à l’origine pour produire du lien social ou de la valeur ajoutée économique, il est en train de déconstruire le tissu social. Nous sommes là face à un changement civilisationnel, ou une mutation de portée mondiale qu’il convient d’appréhender dans sa globalité. Avec le code de la presse et la législation sur la cybercriminalité, notre arsenal répressif a été renforcé. Peut-être faut-il encore plus de sensibilisation sur les usages, les risques, la gravité de tels faits. Il y faudra certainement davantage de régulation et d’autorégulation chez les utilisateurs. Mais à mon sens, on ne pourra pas se priver d’appliquer la loi dans toute sa rigueur face à des dérives marquées par une intention manifeste de nuire.