Les producteurs des Niayes se donnent les moyens de mettre à la disposition du consommateur sénégalais, des produits en quantité et de qualité. Cependant, cette tâche n’est pas facile. Dans cet entretien avec EnQuête, le coordonnateur de l’Association des Unions maraîchères des Niayes (Aumn), Mamadou Ndiaye retrace les difficultés que ses camarades vivent au quotidien et évoque également, la qualité de l’oignon de local.
Quelle est la spécificité de la zone horticole des Niayes ?
La zone des Niayes a une particularité grâce à son climat doux, car on peut y cultiver 12 mois sur 12. Elle dispose également d’une nappe phréatique qui n’est pas trop profonde. Celle-ci permet donc aux producteurs d’accéder à l’eau. En plus, il faut noter aussi que c’est une zone très fragile parce qu’elle se trouve sur le littoral. Aujourd’hui, il y a une culture intensive de fruits et légumes qui se développe dans cette zone. Mais, si on ne fait pas attention, les producteurs pourront être confrontés à la problématique de l’avancée des eaux salées et cela constituerait des entraves à la culture maraîchère. Ce sont des risques qu’il faut gérer pour ne pas perdre cette grande zone qui s’étend de Dakar à Saint-Louis. Elle est la principale zone de production de fruits et légumes exportés, avec notamment l’haricot vert, la pastèque, le gombo... Elle produit 60% et fournit au Sénégal 80% de l’export des fruits et légumes. Outre la culture de légumes, il y a également celle fruitière avec notamment, la mangue produite en grande partie dans la région de Thiès et plus précisément dans le département de Tivaouane, avec une prédominance de la variété ‘’Kent’’ et ‘’Kéit’’. L’essentiel de la production mangue provient de cette partie. Ce sont les deux variétés qui sont souvent demandées à l’export.
Les producteurs évoquent très souvent la problématique de l’eau. Comment analysez-vous cette situation ?
Je suis tout à fait d’accord avec eux. Aujourd’hui, il y a un problème réel d’accès à l’eau à cause des années de sécheresse et de l’extension que les gens font de leur exploitation. Aujourd’hui, ceux qui cultivaient 1 seul hectare sont allés à 2 hectares et ceux qui étaient à 2 sont allés à 5 hectares. Et la nappe ne peut pas alimenter tout cela. Il ne faut pas oublier qu’il ne pleut plus comme avant. L’essentiel, c’est que les producteurs se rendent compte qu’ils doivent gérer cette eau parce qu’elle est une matière indispensable à l’horticulture.
Nous avons noué un partenariat avec la Direction de la gestion et de la planification des ressources en eau (Dgrpe), qui aujourd’hui suit l’évolution de la nappe phréatique et attire notre attention sur l’exploitation de manière irraisonnée de celle-ci. Elle alerte en cas de menace de la nappe surtout lorsqu’il y a risque de salinisation. Elle contribue à l’éveil de conscience des producteurs en matière de l’utilisation de l’eau. En plus de la difficulté de l’accès à l’eau, il y a les problèmes des intrants (gasoil, engrais, les produits phytosanitaires, les semences...). Ce sont des difficultés auxquelles font face les producteurs. Parfois, les intrants sont chers ou bien ils ne sont pas disponibles. La commercialisation est aussi un défi à relever, parce que les zones de production sont souvent très enclavées. Transporter les légumes dans des charrettes ne participe pas à la conservation de la qualité.
Mais le gouvernement est en train de faire des efforts pour soutenir les producteurs…
Oui. Ce que nous constatons c’est qu’il est en train de faire des efforts. Par contre, il reste beaucoup à faire. Le chemin est encore trop loin. Le sous-équipement des exploitations paysannes ne participent pas à l’amélioration de la productivité. Et comme nous sommes dans un monde de compétitivité, de compétition, il faut arriver sur le marché avec des produits de bonne qualité, afin d’améliorer les revenus des producteurs. Jusque-là, l’Etat ne subventionne que l’engrais et les semences. Mais, la subvention est très minime par rapport au besoin réel. Il faut également que les autorités nous aident à ériger des magasins de stockage dans les zones de production. Cela contribuerait à la préservation de la qualité et à l’atteinte de la sécurité alimentaire.
Les producteurs ne sont-ils pas confrontés à un problème d’organisation outre toutes les autres difficultés que vous avez énuméré ?
Absolument ! Ils sont dispersés de Dakar à Saint-Louis. On les trouve dans les côtes, dans les communes, dans les villages et dans les parcelles. Ils sont partout. Si nous ne sont pas bien organisés pour produire, pour commercialiser et si nous ne sommes pas bien organisés pour avoir une autonomie financière, il leur serait difficile de faire face au gouvernement et aux partenaires afin de défendre leurs intérêts. Ce n’est pas facile. Mais, ce n’est pas impossible. Les producteurs de la zone des Niayes peuvent se mettre ensemble et décider d’une manière commune en vue d’améliorer leurs conditions de vie et de travail.
A combien s’élèvent les quantités de fruits et légumes exportées vers le marché sous- régional ?
Les quantités exportées ne sont pas très importantes. On fait un peu d’export du chou vers la Gambie, la Mauritanie, le Mali, la Guinée-Bissau, à travers le marché de Diaobé... Par contre, il faut qu’on arrive à quantifier les produits que nous exportons. Il faut qu’on arrive également à formaliser le commerce sous˗régional pour qu’on puisse avoir des statistiques aussi bien sur le plan de la commercialisation, que de la production. Aujourd’hui, le Sénégal ne possède pas de statistiques horticoles fiables. Les légumes produits dans la zone des Niayes sont consommés au niveau local. A part quelques rares spéculations (haricot vert, gombo, maïs doux…) que les gens exportent.
La mesure sur le gel d’importations de l’oignon est effective…
C’est vrai que la mesure est effective. Mais, sur le marché national, tout le monde a constaté encore la présence de l’oignon importé. Cela peut freiner la vente du produit local. Les producteurs ne gagnent rien du tout. C’est un problème qu’il faut résoudre et le plus rapidement possible. Il le dit partout, il n’y a pas actions concrètes.
Certains consommateurs estiment que l’oignon local n’est pas d’une bonne qualité. Qu’en pensez-vous ?
Je ne dirai pas que l’oignon sénégalais est vraiment de qualité intrinsèque. Nous avons entendu ces critiques depuis très longtemps. Mais, nous allons travailler à satisfaire nos consommateurs. Ils sont dans cette dynamique, car ils parviennent de nos jours à mettre sur le marché, un produit de qualité. Depuis lors, on a fait un cahier de charges qui trace tout le circuit de la production de l’oignon, du chou, de la carotte…Donc aujourd’hui, l’oignon sénégalais a de la qualité. Il faut que les gens sachent que tout ne peut pas se faire de manière brusque.
L’oignon produit au mois de juillet et août, ne peut pas être de bonne qualité. Cet oignon ne peut pas et ne doit être gardé. Il doit être consommé au frais. Les autres oignons s’ils sont bien cultivés, peuvent être conservés. Ils sont produits pour la plupart en période de fraîcheur, et ils peuvent être conservés sans difficultés majeures. Donc, il appartient aux Sénégalais de faire la différence. Nous travaillons tous les jours de manière à respecter les exigences de marché. Il faut obéir ou on disparait. Mais, les Sénégalais doivent comprendre que s’ils achètent ne se reste qu’un seul kg d’oignon hollandais, ils enrichissent les producteurs hollandais. En bon patriote, le Sénégalais doit acheter l’oignon local pour encourager les producteurs à faire de la bonne qualité.
GAUSTIN DIATTA (THIES)