Dans cet entretien avec EnQuête, l’actuel directeur des opérations du Fongip, Abdou Khafor Touré, revient sur le scrutin législatif de dimanche dernier et la vague de contestation née après la publication des résultats de certains départements.
Les Législatives du 30 juillet dernier ont suscité beaucoup de débats et soulevé beaucoup de polémiques. Quels enseignements tirez-vous de ce scrutin ?
Nous pouvons tirer beaucoup d’enseignements de ce scrutin. Le premier est relatif au taux de participation qui est extrêmement positif et qui est de l’ordre de 53%. Depuis que les élections présidentielles et législatives sont découplées, c’est la première qu’on a un taux aussi élevé pour des élections législatives. Nous étions habitués à des taux de participation relativement bas, situés entre 30 et 40%.
Le second enseignement qu’on peut tirer de ces joutes, c’est qu’on a noté une large victoire de la Coalition Benno bokk yaakaar sur toute l’étendue du territoire national. 42 départements sur 45, je crois que c’est extrêmement positif. Cela montre simplement une adhésion et un soutien des populations à la politique qui est menée par le Président Macky Sall. L’autre enseignement, c’est aussi la défaite de l’opposition significative. Nous avions 47 listes, il y aura moins d’une dizaine qui se retrouvera à l’Assemblée nationale. A ce niveau, il faut convenir qu’il y a matière à revoir le système politique sénégalais, la participation des partis politiques et des coalitions de partis politiques aux élections. Les résultats de ce scrutin remettent au gout du jour le débat sur la rationalisation de l’espace politique sénégalais. Pour le reste, je pense que globalement le scrutin s’est très bien tenu malgré les couacs organisationnels qui ont été notés dans certaines localités notamment à Mbacké et à Touba. Mais ces couacs n’entachent en rien du tout la transparence, la fiabilité et la sincérité du scrutin.
L’opposition soutient le contraire et parle d’élections irrégulières et non transparentes. Que répondez-vous à cela ?
Vous n’entendez que des forces marginales notamment à Dakar, dénoncer un manque de sincérité du scrutin. Je pense que ce sont de mauvais perdants. C’est un débat enfantin et puéril. Il nous faut plus de sérieux et de sérénité. Je pense qu’aujourd’hui, il ne faut pas être de mauvais perdants. Les Sénégalais ont tranché, il faut que les gens reconnaissent leur défaite et félicitent les vainqueurs. Au référendum de 2016, l’opposition invoquait l’existence de 1200 bureaux de vote fictifs. Cette année on ne parle plus de bureaux de vote fictifs mais d’ordre de missions.
Je pense que ce sont des arguments fallacieux pour justifier une défaite. Une défaite, quand elle arrive, il faut l’analyser. Ils n’ont pas suffisamment bien travaillé, ils ont eu un discours qui n’accrochait pas les Sénégalais qui n’ont pas adhéré à leur proposition. Ils n’ont pas fait le travail politique nécessaire. La politique, c’est l’occupation du terrain. Au moment où ils occupaient les plateaux de télévision, les studios de radios, les pages des journaux et les réseaux sociaux, le Président Macky Sall était en train de dérouler le Plan Sénégal émergent, d’élargir sa base sociologique et politique. Au même moment, ses responsables et militants étaient en train d’occuper le terrain. Voilà le travail qui a payé et qu’il faut continuer pour encore les battre en 2019 de façon éclatante, les laisser encore pleurnicher sur leurs sorts et invoquer d’autres motifs.
Donc selon vous, certains leaders de l’opposition doivent revoir leur ambition à la baisse ?
Vous savez, ces gens-là se méprennent sur la trajectoire du Président Macky Sall et sur la réalité de la situation politique au Sénégal. Ils se sont trompés d’élection. Ce sont des gens qui ont pensé qu’ils pouvaient être l’alter égo de Macky Sall. Aujourd’hui, le verdict des urnes montre que ces personnalités politiques avec des prétentions présidentielles, doivent revoir leurs copies. Aucun des différents prétendants déclarés jusqu’ici à la candidature à la présidentielle, n’a pu gagner un département. Je pense que des personnalités qui n’ont pas un ancrage local ne peuvent pas aujourd’hui prétendre à une envergure nationale. Quand on analyse par exemple les résultats de la Coalition Mankoo Taxawu Senegaal qui polarisait beaucoup de prétendus présidentiables, à part les grands centres urbains comme Guédiawaye et Thiès, ils ont été quasiment inexistants sur toute l’étendue du territoire national.
Cela montre tout simplement que les analystes et les médias doivent être plus sérieux dans la présentation de ces personnalités politiques. Aujourd’hui, il n’y a pas d’alternative claire à celle du Président Macky Sall. Il n’y a que des ambitions personnelles, un égo et des entrepreneurs politiques. Quand vous prenez des partis comme le Grand parti, le Rewmi ou le Fsd/Bj, on ne peut pas les considérer comme des formations politiques. Ce sont des entreprises personnelles qui sont au service de leurs leaders. La maturité des Sénégalais dépasse aujourd’hui les hommes politiques. Les Sénégalais ne sont pas trompés sur l’essentiel qui était de renouveler la majorité au président de la République et de lui permettre de dérouler le programme qu’il est en train de mener pour le pays. L’essentiel, c’était de donner une stabilité à notre pays. Sur ce plan, je crois que les objectifs ont été atteints.
Comment analysez-vous l’implication de l’ancien président Abdoulaye Wade dans la campagne pour les Législatives ?
Il faut reconnaitre que Wade a été d’un apport inestimable pour le PDS et pour la Coalition gagnante/Wattu Senegaal. Les résultats qu’ils auront, ils le devront à Wade. Ça c’est clair. Mais quand on analyse les résultats de manière globale sur le plan national, voir Abdoulaye Wade au coude à coude avec Khalifa Sall, cela n’honore pas son rang et son œuvre. Abdoulaye Wade est un monument. Il a fait tout ce qu’il devait faire pour le Sénégal. Aujourd’hui, ma conviction est qu’il doit être en dehors des champs partisans. Tous ceux qui l’aiment doivent faire en sorte qu’il soit hors du champ partisan. Parce que s’il y reste, il sera obligé de mener des combats politiques qui n’honorent ni son parcours, ni son œuvre pour le Sénégal. Dans le champ politique, il a en face de lui ses enfants et ses petits-enfants. Il a formé suffisamment de ressources humaines politiques pour leur laisser la place. Aujourd’hui il peine à atteindre les 20% de l’électorat. Ça c’est un score extrêmement faible pour quelqu’un qui a perdu le pouvoir avec 35%. Fondamentalement, il faut qu’aujourd’hui, une nouvelle alternative se reconstruise. Quoiqu’on dise, Wade ne peut plus incarner l’avenir dans notre pays.
Selon vous, qu’est-ce que qui fait que Touba résiste toujours au régime ?
J’analyse cette situation sous l’angle des politiques publiques et des projets de développement. Aujourd’hui, avec l’Autoroute Illa Touba, Touba va être le poumon économique du Sénégal. Des dizaines de milliards ont été investis à Touba en termes de voiries, d’infrastructures sanitaires, de prise en charge de l’éclairage public et de sécurité. Je crois qu’il y a énormément d’investissement dans cette localité. Maintenant il y a des difficultés politiques, un problème de communication, d’adhésion des populations. Il faudra corriger tout cela.
Comment ?
Il faudra trouver les bonnes personnes qui pourront être de bons relais pour apporter le message aux populations de Touba. Ça, je ne désespère pas que d’ici 2019, on y arrivera.
PAR ASSANE MBAYE
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