«Au terme de ces élections législatives, la majorité au pouvoir a remporté une large victoire. Mais cette victoire est entachée par beaucoup de dysfonctionnements dans l’organisation notamment dans des zones qui, pratiquement, constituent des fiefs de l’opposition, notamment la coalition gagnante Wattu Senegaal de Abdoulaye Wade à Touba et à Dagana. Il y a eu énormément d’irrégularités organisationnelles, surtout à Touba où on a autorisé de poursuivre le vote jusqu’à minuit à cause des retards considérables constatées dans l’organisation. De manière générale, il y a eu de sérieux problèmes organisationnels, sur le plan matériel, sur le plan de la production et de la distribution des cartes d’électeur. Parce qu’une bonne partie des électeurs n’a pas pu voter pour des raisons de retard dans la distribution ou d’autres qui ne sont pas dans le fichier. Ça, c’est déplorable.
ANALYSE DE LA VICTOIRE DE BBY
Ce qu’on constate aussi dans cette élection, c’est la forte mobilisation des populations, malgré les discours de menaces, malgré les injonctions des uns et des autres, des populations se sont mobilisées pour remplir leur devoir citoyen. Le taux de participation tourne autour de 54%, ce qui est remarquable pour ce type d’élection. Donc cela veut dire qu’il y a une forte mobilisation des populations à aller voter malgré les dysfonctionnements, les problèmes organisationnels.
L’autre difficulté est qu’il semblait y avoir un écart entre les discours des hommes politiques et ce que pensent les populations. Il y a une maturité politique au niveau des citoyens, c’est ce qui les a motivé à aller se rendre aux urnes de façon massive. Donc, les craintes qui planaient dans le déroulement des intentions de vote n’ont pas eu lieu. Maintenant l’élection s’est bien déroulée malgré ces couacs là et il va falloir réfléchir sur ces dysfonctionnements là afin de les résorber. Parce que cette élection, c’est aussi un enjeu considérable puisque nous nous acheminons vers les prochaines échéances électorales (présidentielle de 2019, ndlr).»
LE ROLE DE L’ARGENT ET LES ACHATS DE CONSCIENCES
«C’est vrai qu’au niveau des zones rurales, en dehors des grandes villes, le fort c’est de mener une campagne de proximité. Et, vous savez aussi, ce sont des zones qui sont confrontées à beaucoup de problèmes. Vous savez que la politiques c’est aussi l’argent. On sait bien que… dans les zones rurales, la majorité a misé là-dessus et la présence sur le front. Quand on a la volonté, on a les moyens. Et je pense que la victoire de Benno Bokk Yaakaar (Bby) dans le reste du pays s’est jouée au niveau de la présence, au niveau des moyens mobilisés dans l’entretien de la clientèle dans ces régions gagnées par la coalition Benno Book Yaakaar.
En plus, dans ces zones rurales ces pratiques là fonctionnent bien par rapport aux zones urbaines. Dans ces zones urbaines, les gens prennent leurs distances par rapport à leurs formes d’achats de consciences. Vous savez, il y a des mécanismes de maillages que Bby a mis en place et c’est pour rien que Moustapha Diop a gagné Louga. Cela est très influençable dans ces zones là ainsi que les autres qui sont dans cette coalition. Les militants et les citoyens qui sont confrontés à la pauvreté votent carrément pour eux et c’est évident.»
LES EXPLICATIONS DES DEFAITES DE CERTAINS RESPONSABLES POLITIQUES DANS LEUR FIEFS
Un autre enseignement à tirer de ces élections, c’est la défaite de certains ténors politique dans leurs bases. Entre autres, Idrissa Seck à perdu de le département de Thiès, Abdoulaye Baldé à Ziguinchor, Malick Gackou à Guédiawaye… et Dakar ?
THIES ECHAPPE A IDRISSA SECK
«S’il a perdu le département, à mon avis, c’est en rapport avec son manque de présence dans la région de Thiès. Il y a quand-même une adhérence à son mouvement, mais le fait qu’Idrissa Seck soit tout le temps absent, ça le pénalise alors que les autres sont présents sur le terrain. En plus, il n’a plus la mairie, il l’a cédé à Talla Sylla et les relations ne sont plus bonnes entre les deux. Donc il y a des conflits. Et cette situation fait qu’il n’a plus la mise sur cette localité. Vous savez comment ça fonctionne sur le terrain politique. Il y a beaucoup de clients et il faut avoir des ressources nécessaires pour justement pérenniser ses relations. Idrissa Seck ne me semble pas détenir tout seul ces ressources là, même s’il est encore au niveau de la région du rail. Mais il a perdu beaucoup sur le terrain pour la simple raison qu’il n’a plus les moyens d’entretenir sa clientèle. Mais, il faut être plus présent sur le terrain, et ça c’est important quand on veut mener une politique de terrain et quand on veut faire en sorte que les populations adhérent à votre politique et à votre action.»
ZIGUINCHOR TOURNE LA PAGE ABDOULAYE BALDE
«Au départ, Baldé avait misé sur Ziguinchor parce qu’il n’y avait pas les autres partis. Mais maintenant, il y a une ramification des autres partis. Et il y a beaucoup de concurrents dans cette espace là. Et, pour preuve, la compétition sur le terrain fait qu’il a perdu beaucoup d’espace. Il n’a plus beaucoup de ressources. Vous savez, dans ce pays pauvre, l’argent compte au niveau de la politique. Il y a une gestion de la clientèle et des rivalités sont dures sur le terrain. Ce qui fait qu’il a perdu une bonne parti de la région du Sud et aujourd’hui il doit tirer des leçons. Il n’a plus le monopole de cette espace là à Ziguinchor et cela va l’affaiblir certainement dans le domaine de la politique.»
RIVALITE A DAKAR
Dakar constitue un enjeu et un symbole. On dit souvent: «celui qui gagne Dakar, Thiès et Touba gagne les élections». C’est pourquoi il y a une forte mobilisation pour Dakar, il y a des rivalités en ce moment. Je ne sais pas encore l’aboutissement de ces rivalités. Une batille des chiffres sur Dakar et je ne sais pas encore quelle est la coalition qui a gagné Dakar. En tout cas, c’est très important que la capitale symbolise le pouvoir en quelque sorte. Et, si jamais l’opposition gagne, il y aura une perte de vitesse pour la majorité concernant Dakar comme c’est la capitale...
LA PERSEE DU PUR
«On a vu des forces qui ont fait irruption dans le paysage politique Sénégalais, le Parti de l’unité et du rassemblement (Pur) qui a pu mobiliser un nombre important d’électeurs. C’est un parti qui est aussi nouveau et qui n’est pas très connu même s’il est né il y a quelques années. C’est la première fois qu’on le voit dans ces compétitions électorales. Mais il était présent à travers sa mobilisation, sa capacité de mobilisation, surtout les jeunes, pour la simple et bonne raison que c’est un parti aussi qui est basé sur la croyance, sur des principes, sur de nouvelles valeurs et qui constituent un fondement de la société, les relations sociales de la solidarité de la transparence et aussi le respect des règles. C’est un parti dont le discours diffère complètement de ceux qu’on a l’habitude d’entendre de nos hommes politiques. Je pense que celui-ci est fondé sur une idéologie religieuse, c’est ce qui fait d’ailleurs la force de ce parti et les résultats qu’ils sont obtenus hier.»