Hier, au moment où la plupart des Sénégalais accomplissaient leur devoir civique, une bonne partie des populations de Touba était dans le plus grand désarroi. Le scrutin a été sauvé de justesse dans certaines contrées à Touba mosquée. Mais un nombre important d’électeurs n’ont pu voter pour diverses raisons. Récit d’une folle journée.
Où se trouve donc l’Administration ? C’est la question qu’on est tenté de se poser vu la situation désastreuse qui sévit dans la Commune de Touba mosquée. Nous sommes à Darou Marnane. Juste en face de la Sous-préfecture. Ici, il existe plus de 80 bureaux de vote. Jusqu’à 11 heures, aucun bureau n’a démarré les opérations. Certains superviseurs, représentants de l’Administration, font le pied de grue devant le domicile du sous-préfet transformé en quartier général. Ils réclament du matériel. L’agent préposé à la sécurité, debout devant le salon leur répond : ‘’Les camions sont dans les autres centres. Ils ne vont pas tarder. Attendez un peu’’. Ce superviseur qui a préféré garder l’anonymat dit ne pas comprendre ce qui se passe. ‘’Je pense que l’Administration devait commencer par ici avant de transporter le matériel ailleurs, car Darou Marnane fait partie des plus grands centres avec 87 bureaux de vote. En plus nous sommes tout prêts de là où étaient conservés ces matériels (la sous-préfecture). Avant de transporter le matériel il fallait nous servir d’abord’’, rouspète-t-il, désemparé.
Vers les coups de 12 heures, la situation commence à se décanter dans certains bureaux. Mais c’est encore très timide. Au bureau numéro 19, le président Abo Dieng revient sur les désagréments : ‘’Nous avons tardé à démarrer parce que le matériel n’était pas disponible. Il y avait aussi des bulletins qui manquaient. Mais actuellement tout est rentré dans l’ordre et les populations sont en train de voter régulièrement’’.
Au moment où certains acteurs déplorent un ‘’manque criard de matériels’’, d’autres regrettent l’absence même de leurs bureaux. Il est 14 heures à Darou Marnane. Au moins 20 bureaux sur les 87 restent non fonctionnels. C’est le cas des bureaux 32, 39, 41, 74, 77, 82, 81, 72… Devant l’inertie des autorités administratives, certains présidents de bureaux se sont débrouillés comme ils peuvent pour tenter de sauver les meubles. Abdou Thiam, représentant de de la Coalition gagnante Wàttu Senegaal, s’est porté volontaire pour présider le scrutin au bureau 37. ‘’Le président n’est pas venu. C’est pourquoi je me suis porté volontaire. J’en ai parlé au sous-préfet qui m’a remis le matériel. Là, le vote se déroule bien. Nous avons démarré aux alentours de 12 heures’’, précise M. Thiam. Contrairement à beaucoup de bureaux, ici les opérations se déroulent normalement. Mais à notre passage à 14H26, il n’y avait plus personne. Certains électeurs, découragés étant rentrés chez eux. ‘’Néanmoins, note le président, 83 personnes sur 480 inscrits ont déjà voté’’.
Le vieux Matar Seye, assis à même le sol ne sait pas à quel saint se fier. Très en colère, il déclare : ‘’C’est un manque de respect notoire. Jusqu’à 15 heures on n’arrive pas à voter. C’est du jamais vu’’. Pendant ce temps, Cheikh Mbaye et certains électeurs, se débrouillent pour installer eux-mêmes leur abri provisoire. ‘’Nous voulons voter’’, peste-t-il avant d’ajouter. ‘’C’est du n’importe quoi mais on n’installe pas les tentes nous-mêmes, personne ne va le faire. On est obligé de le faire pour accomplir notre devoir. C’est vraiment du sabotage’’.
‘’Tout ce qu’ils veulent c’est que la population ne vote pas’’
Hier donc, c’était le chaos général à Touba. Partout c’est le grand désordre. Pendant que l’Administration évoque la pluie pour expliquer les lenteurs, certains électeurs l’indexent de vouloir saboter les opérations. Pour Cheikh Abdou Mbacké de la Coalition gagnante Wàttu Senegaal, le Sous-préfet de Ndame doit tout bonnement démissionner. ‘’Tout ça, c’est à cause de lui. Ils (gens du pouvoir) savent qu’ils n’ont aucune chance à Touba. Tout ce qu’ils veulent c’est que la population ne vote pas’’, s’emporte-t-il très en colère, à sa sortie de la maison du préfet. Finalement, il trouve un compromis avec l’autorité. Il explique : ‘’Je lui ai proposé de payer des personnes pour qu’ils s’occupent du boulot puisque ses hommes ne sont pas là. Il est d’accord. Je vais sortir mon argent pour le faire. Ce n’est pas normal mais on n’a pas le choix’’. Ainsi, acteurs politiques, électeurs et membres des bureaux de vote se sont donné les mains pour sauver le scrutin à Darou Marnane. On les voit installer des tentes, poser les bulletins à même le sol. Dans certains bureaux, il n’y avait même pas de chaise. Les membres sont restés debout pendant très longtemps. ‘’C’est difficile pour tout le monde. Les électeurs sont debout nous aussi c’est normal qu’on fasse le sacrifice’’, déclare Mandela Thiam, remplaçant du président absent jusqu’à 15 heures.
Si à Darou Marnane on a pu sauver les meubles, à Darou Khoudoss, le plus grand lieu de vote, les électeurs n’ont pas pu s’acquitter de leur devoir civique. Des individus non identifié ont saccagé les bureaux de vote. A notre arrivée vers les coups de 16 heures, c’est le désastre total. Des bulletins de vote éparpillés, des populations perdues, une Administration introuvable. L’Université Baye Lahad, sise à côté de la Corniche de Madiyana ressemble à un tas de ruines. Plusieurs versions ont été avancées pour expliquer la situation plus que désastreuse. Ce superviseur chargé des bureaux de vote de 1 à 30 informe : ‘’C’est du n’importe quoi. Moi j’avais déjà fait la situation et il y avait tous les bulletins. Mais une rumeur, selon laquelle, il manquait ceux de Abdoulaye Wade a poussé certains électeurs hors d’eux-mêmes. Ils ont tout saccagé’’. A cause de ces actes de vandalisme des responsables de la Coalition gagnante Wattu Senegaal dont la tête de liste Cheikh Bara Doli Mbacké, Cheikh Abdou Bara Doli Mbacké et Assane Mbacké ont été arrêtés, selon un communiqué de la Police.
Abdou Lahad Seck : ‘’On a tué mon père en 1984. Je ne laisserai personne me tuer’’
Le même chaos a été noté à Tindody où le député de la majorité Abdou Lahad Seck a été arrêté. Sorti avec des nervis armés de machettes, d’armes blanches de toutes sortes, il a failli être à l’origine de l’irréparable en tirant des coups de feu en l’air, selon certains témoins. Interrogé, il fait la déclaration suivante : ‘’Ils ont des armes. Ils voulaient m’attaquer. C’est pourquoi je me suis armé. Certains disent que j’ai érigé ici des bureaux de vote fictifs. On a tué mon père en 1984. Je ne laisserai personne me tuer. Ils savent que c’est moi qui contrôle Touba.
C’est Amadou Lô qui m’a attaqué. Je ne sais pas pourquoi on ne peut pas encore démarré les opérations, il faut le demander aux autorités administratives. Moi j’habite ici. Je ne peux pas me prononcer sur les manquements qui ont été notés. Que les Sénégalais sachent que moi je ne suis pas quelqu’un qui crée des histoires’’. Quelques, instants plus tard, quatre pick up de la Gendarmerie sont venus le cueillir sous les applaudissements d’électeurs qui scandaient : ‘’Goor Gui moo bari doolé’’. Au départ des forces de l’ordre, le domicile où logeait le représentant du peuple, a été complètement saccagé et pillé par les populations. Machines à coudre, tuyaux, plafonniers, même les bols et les balaies ont été emportés comme des trophées de guerre.