Tête de liste de la coalition Mànkoo Taxawu Senegaal à Guédiawaye, le leader du Grand parti, Malick Gakou, déborde d'optimisme. Il croit à la victoire de son camp aux législatives de ce dimanche. À l'en croire, l'achat de consciences auquel se livreraient, selon lui, ses adversaires de Benno Bokk Yakaar, la coalition au pouvoir, n'y fera rien. "Les fils de Guédiawaye qui ont un vrai sens de l'honneur resteront dignes et debout. Rien ni personne ne peut les acheter", pronostique-t-il.
À 48 heures de son terme, avez-vous le sentiment d'avoir mené votre campagne comme vous le souhaitiez ?
Nous avons toutes les raisons d'être satisfaits du déroulement de la campagne de notre coalition. Et ce, sur l'ensemble du territoire national comme à l'étranger auprès de nos compatriotes de la diaspora. Partout, nos responsables et militants se sont fortement mobilisés pour porter le message de Mànkoo Taxawu Senegaal et indiquer aux populations les réformes en profondeur que nous comptons introduire une fois que nous aurons la majorité à l'Assemblée.
Quelles sont ces réformes ?
Il s'agit de réformes visant globalement à améliorer notre démocratie aux plans politique, économique et social et renforcer nos institutions, en particulier l'Assemblée nationale dont les fonctions de représentation, de législation, de contrôle et d'évaluation des politiques publiques devront être orientées exclusivement vers la satisfaction des besoins des Sénégalais. Ce message a été entendu et compris des populations si bien que je ne doute pas qu'elles le traduiront par leur choix le 30 juillet prochain. Voilà un premier motif de satisfaction.
Nous avions également décidé, face à la détresse de nos populations, de ne pas mener une campagne folklorique et onéreuse. Un pari que nous avons tenu. Enfin en maintenant notre tête de liste Khalifa Sall en prison, le pouvoir de Macky Sall pensait lui porter ombrage et le réduire au silence. Mais, tout le monde a pu constater qu'il a été l'absent le plus présent dans cette campagne. Chacun des leaders de Mànkoo Taxawu Senegaal s'est fortement impliqué comme s'il était lui-même la tête de liste. C'est donc pour toutes ces raisons que nous sommes entièrement satisfaits du déroulement de notre campagne.
On a noté beaucoup de dysfonctionnements dans la délivrance des cartes d'électeurs. Comment analysez-vous cette situation ?
C'est pire que des dysfonctionnements car on a vu des défaillances sans précédent. Je dirai même qu'il s'agit d'un sabotage organisé tellement le processus électoral a été chaotique depuis le début.
C'est de manière unilatérale et hasardeuse que le régime de Macky Sall s'est lancé en octobre 2016 dans une opération de refonte du fichier électoral. Dix mois plus tard et en dépit de la cinquantaine de milliards engloutis dans l'opération, voilà que de nombreux de compatriotes sont ballotés de commission en commission sans parvenir à entrer en possession de leur carte d'électeur. Alors qu'au même moment, un circuit parallèle de distribution a été mis en place pour ceux qui sont supposés être leurs militants ou sympathisants.
Il s'y ajoute un lot important de cartes qui sont inutilisables en raison d'erreurs de toutes sortes dans leur confection. Sans oublier l'aveu du ministre de l'Intérieur qui a reconnu lui-même que l'intégralité des 6 250 000 cartes prévues ne sera pas produite. Tout ceci renvoie à l'intention première du régime de Macky Sall qui, vous vous en rappelez certainement, avait voulu conditionner la délivrance de la carte d'électeur à la confirmation par l'intéressé de son désir de voter. C'est dire qu'ils ont voulu d'emblée avoir un nouveau fichier électoral qu'ils pouvaient entièrement contrôler.
Mais, ils ont été surpris par l'engouement des Sénégalais à s'inscrire massivement pour disposer de la carte d'identité mais aussi de la carte d'électeur. Et comme ils appréhendent la sanction populaire, ils ont multiplié les couacs dans la production et la distribution des cartes juste pour décourager les populations. Vous voyez bien que toutes ces défaillances ont été donc volontairement orchestrées.
Le Sénégal qui a une longue tradition électorale ne mérite pas d'être ainsi la risée du continent.
Que pensez-vous de la saisine par le Président Macky Sall du Conseil constitutionnel pour permettre à ceux qui n'auraient pas à temps leur carte d'électeur de voter avec un récépissé, un passeport ou un permis de conduire (les 7 sages ont autorisé le vote avec ces documents administratifs pour les électeurs inscrits et ne disposant pas de leur carte biométrique, Ndlr) ?
Croyez-vous vraiment que tout cela est sérieux ? Franchement, le Sénégal qui a une longue tradition électorale ne mérite pas d'être ainsi la risée du continent. C'est un recul de plusieurs décennies que nous allons faire si jamais cette idée se concrétisait.
C'est avec le large consensus de 1992 qu'il a été décidé de ne plus permettre l'utilisation de pièces comme le permis de conduire ou le passeport par souci de transparence. Je me demande même comment Macky Sall peut faire une telle proposition alors même que les services des transports font état de la circulation de 2 millions de faux permis de conduire. On a également entendu un responsable de la DAF, vantant la fiabilité des nouvelles cartes biométriques, dire que les anciennes cartes d'identité sont falsifiables. Tout cela montre que cette trouvaille ne fera qu'ajouter à la situation déjà chaotique du processus électoral.
Mais je n'imagine pas un instant que le Conseil constitutionnel puisse aller dans le sens souhaité par Macky Sall au risque de mettre sens dessus-dessous les prochaines élections. Et, même si par extraordinaire, il irait dans ce sens, il sera tenu pour responsable d'une deuxième violation par Macky Sall du protocole additionnel de la Cedeao après la modification de l'article L 78 et sans consensus, il y a juste quelques semaines. Il y a manifestement une entreprise de sabotage organisé qui témoigne de l'affolement au sein de l'actuelle majorité.
Vous parlez d'affolement à propos de vos adversaires mais, personnellement, n'avez-vous pas pris un gros risque avec votre investiture à Guédiawaye ?
Au contraire, je brûlais d'envie d'avoir une occasion de montrer tout mon attachement à Guédiawaye, et l'occasion se présente aujourd'hui avec ces législatives. Jamais un choix politique ne m'a procuré autant de fierté et de bonheur que celui que j'ai fait de diriger la liste de Mànkoo Taxawu Senegaal à Guédiawaye.
Je comprends qu'en parlant de risque, vous faîtes sûrement allusion aux moyens financiers impressionnants déployés par nos adversaires et à l'achat de consciences à laquelle, ils se livrent de manière éhontée pour parvenir à leurs fins. Mais sauf à voler ces élections, la coalition de Macky Sall ne peut pas me battre à Guédiawaye.
Il est vrai que l'argent du pétrole circule en veux-tu-en-voilà. On achète par-ci, par-là des transhumants, des délégués de quartier et l'on finance à tour de bras des groupements de femmes que ceux-là même qui distribuent aujourd'hui de l'argent ont laissées en détresse pendant cinq longues années. Bref, l'argent du pétrole sent à Guédiawaye. Il n'empêche que les populations dont la dignité n'est plus à démontrer, feront librement leur choix le 30 juillet prochain.
L'argent du pétrole ne peut pas acheter la dignité des fils de Guédiawaye. Il n'y a rien de plus indécent que de laisser ces populations végéter dans la pauvreté et la détresse depuis cinq ans qu'ils sont au pouvoir pour venir, aujourd'hui, espérer acheter leur conscience. Ce sera peine perdue car j'ai la conviction que les fils de Guédiawaye qui ont un vrai sens de l'honneur resteront dignes et debout. Rien ni personne ne peut les acheter.
Est-ce que vous ne pensez pas qu'il aurait mieux valu reporter le scrutin pour le tenir plus tard dans de meilleures conditions ?
Ce n'est même pas envisageable. On n'a encore jamais vu des élections reportées dans la dernière semaine de campagne. Le régime en place n'a qu'à assumer sa gestion unilatérale et chaotique du processus électoral. Ils ont toujours "mackyller" leur machination en prétendant discuter avec une certaine opposition et en ignorant totalement l'opposition représentative. On en a vu la conséquence avec la pléthore de listes à ces législatives dont beaucoup ont été suscitées par la majorité juste pour divertir l'électorat et favoriser la dispersion des voix de l'opposition.
Rattrapés par cette pratique vicieuse et éhontée, ils ont dû faire un forcing avec la modification de l'article L 78 pour sortir de l'imbroglio qu'ils ont eux-mêmes créé. Mais, cette fois-ci, il n'y a aucune issue possible si ce n'est la tenue des législatives ce 30 juillet et qu'elles qu'en soient les conditions. Ils seront en tout cas tenus pour responsables de tout ce qui adviendra et le moment venu, on appréciera.
C'est depuis sa cellule de Rebeuss que Khalifa Sall et tous ceux qui sont épris de justice battront la coalition du pouvoir. Et pas seulement à Dakar.
Revenons à la coalition Mànkoo Taxawu Senegaal. Est-ce que le fait que votre tête de liste soit en prison n'a pas été quand même un handicap ?
Pas du tout. Il est vrai qu'on aurait aimé battre campagne en compagnie de Khalifa Sall. Car, ne serait-ce qu'au plan humain, on ne peut se réjouir du sort de quelqu'un qui est en prison. Sauf Macky Sall qui espère tirer profit de son emprisonnement et ne s'en est même pas caché en disant clairement à sa coalition qu'il ne peut admettre de perdre à Dakar dès lors que leur principal adversaire est en détention.
Mais, ils ne savent même pas ce qui les attend. Car, c'est depuis sa cellule de Rebeuss que Khalifa Sall et tous ceux qui sont épris de justice les battront. Et pas seulement à Dakar. Car, tous ceux qui se sont indignés du cas de Khalifa Sall voteront Mànkoo Taxawu Senegaal pour combattre d'abord l'injustice et permettre l'installation d'une nouvelle majorité qui aura pour vocation de promouvoir l'éthique, le culte du travail, le mérite et l'égalité entre les citoyens.
Certains observateurs redoutent que la présence de Wade et de la coalition Wattù Senegaal soit plus préjudiciable à votre coalition qu'à Benno Bokk Yaakaar. Partagez-vous cet avis ?
Chacun est libre d'analyser l'échiquier politique et de dégager ses hypothèses. Mais, personnellement, je ne suis pas de cet avis. Il est vrai qu'on ne doit pas faire la fine bouche, nous sommes principalement trois grandes coalitions à prétendre à la majorité. Et je suis tout à fait ravi de voir Mànkoo Taxawu Senegaal et Wattù Senegaal aller toutes les deux à l'assaut de la majorité Benno Bokk Yaakaar.
Les Sénégalais ont déjà vécu des législatures où les composantes de ces deux coalitions ont été tour à tour majoritaires. Or, je ne crois pas qu'ils gardent une image positive de ces législatures. J'ai même entendu dire, y compris de voix émanant de Benno Bokk Yaakaar, que cette dernière législature est la "plus nulle" qu'on n'ait jamais connue. Il me semble aussi que les Sénégalais n'ont pas particulièrement apprécié les législatures à majorité libérale.
À partir de ce moment, vu l'offre nouvelle que nous présentons aux populations et le profil des députés que nous leur proposons, il n'y a pas de doute que leur choix ira majoritairement à Mànkoo Taxawu Senegaal. Car la comparaison est toujours salutaire en matière d'offres politiques et sur ce plan-là, il n'y a pas photo entre les autres et nous.