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Fonctionnement des tribunaux de commerce et des chambres commerciales d’appel: La loi divise
Publié le vendredi 21 juillet 2017  |  Enquête Plus
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© Autre presse par DR
Salle d`audience du tribunal de commerce




L’Apix et le ministère de la Justice ont organisé hier, un atelier de partage sur la loi n°2017-24 portant création, organisation et fonctionnement des Tribunaux de commerce et des Chambres commerciales d’appel. Si les opérateurs économiques se réjouissent, le barreau sénégalais a soulevé des griefs contre cette nouvelle loi.

Le 19 juin dernier, l’Assemblée nationale a voté le projet de loi portant création, organisation et fonctionnement des Tribunaux de commerce (TC) et des Chambres commerciales d’appel (CCA). Cette loi destinée à l’amélioration de la protection des investissements et à la réduction des délais d’exécution des contrats a fait l’unanimité chez les députés. Mais, elle divise au sein de la famille judiciaire. Hier, lors de l’atelier de vulgarisation de la nouvelle loi organisé par l’Apix et le ministère de la Justice au profit des opérateurs économiques, les avocats ont fait part de leurs inquiétudes. ‘’La loi présente un danger pour une bonne administration de la justice, mais également pour les intérêts des justiciables’’, a lancé d’emblée Me Sadel Ndiaye.

Ce représentant du Bâtonnier considère que l’article 8 ne garantit pas un procès équitable, dès lors qu’il stipule que ‘’les tribunaux de commerce statuent en premier et en dernier ressort sur toutes les demandes dont le taux du litige n’excède pas 25 millions FCFA’’. ‘’Le monde des affaires est dominé par les PME. Vous êtes en train de les étrangler, car, le premier juge peut se tromper. Or, 25 millions n’est pas un petit montant’’, souligne Me Ndiaye, tout en indiquant que le droit d’appel est un principe fondamental. Il s’y ajoute, d’après son argumentaire, que le Sénégal fait partie du pacte international relatif aux droits civils et politiques qui prévoit la garantie à un procès équitable.

L’article 31 comporte également des griefs, de l’avis des avocats. D’après leur représentant, ledit article ne garantit pas suffisamment une bonne administration de la Justice, puisqu’en matière de référé, le système de collégialité n’est plus de mise en appel, car le président statue seul. Or, en l’espèce, relève le conseil, ‘’il peut se tromper, mais, lorsque vous êtes 2 ou 3, les chances de commettre une erreur sont minimes’’.

Egalement, la composition du Tribunal de commerce n’est pas vu d’un bon œil par l’Ordre des avocats. ‘’Le choix des juges consulaires pose une grande difficulté’’, fustige Me Ndiaye qui semble douter de la compétence des juges consulaires qui seront adjoints aux magistrats professionnels. Les premiers sont des commerçants choisis pour une durée déterminée par la Chambre nationale de commerce, d’industrie et de services et par les Chambres régionales de commerce, d’industrie et de services, après consultation avec les associations d’opérateurs économiques légalement constituées. Mais, pour ces acteurs de la justice, la matière commerciale relève du droit communautaire, notamment, de l’Ohada. ‘’C’est un droit très fin, très subtil, qu’il faut connaître. Un juge professionnel, c’est différent d’un juge au petit bonheur la chance qui pense à ses affaires, le soir, contrairement au magistrat qui n’a pas de répit. Le jour et la nuit, il pense à ses dossiers’’, tente de convaincre Me Ndiaye.

Face à tous ces griefs, le Bâtonnier prévoit, à l’en croire, une réunion interne pour dégager un point de vue définitif sur la question. Au demeurant, il considère que l’Etat devait procéder à une évaluation de toutes les réformes opérées ces dernières années en matière commercial, plutôt que de chercher à engranger des points avec le Doing business.

‘’Il n’y a aucune violation dans le texte’’

Cependant, cette position du Bâtonnat n’est pas partagée par le ministère de la Justice. D’après Bienvenu Moussa Habib Dione, directeur adjoint des Affaires civiles et des Sceaux, le texte ne viole pas la loi et on aurait parlé de violation, s’il interdisait l’appel. ‘’Le droit d’appel existe très bien. Il a été consacré. Le problème, c’est à quel taux ? Sous ce chapitre il n’y a aucune nouveauté, car lorsque le Tribunal d’instance est saisi d’un litige qui ne dépasse pas 1 million F CFA, il statue en premier et dernier ressort. Il n’y a pas d’appel’’, rectifie le magistrat. Concernant le choix des juges consulaires, il a expliqué que le pari ‘’c’est d’associer à la rigueur du juge technicien du droit, un professionnel qui permettra au magistrat de connaitre l’environnement de l’entreprise’’. Car, poursuit-il, ‘’derrière un dossier, il y a des enjeux économiques, sociaux, familiaux et il faut prendre une décision favorable à l’environnement des affaires’’. M. Dione a aussi réfuté l’argument de l’absence de collégialité pour expliquer que les présidents du tribunal d’instance ou de la Cour d’appel ont, en matière de référé, une compétence présidentielle qu’ils peuvent déléguer. ‘’ C’est le même choix qui a été fait en désignant le président de la Chambre commerciale’’, renseigne-t-il.

Mais, d’après Alioune Ndiaye, le secrétaire général du ministère de la Justice qui a présidé la rencontre, ‘’les inquiétudes seront dissipées à travers le conseil de surveillance’’ chargé du suivi et de l’évaluation des TC et CCA. Il a ajouté que les délais seront courts et permettront aux justiciables d’avoir des décisions qu’ils pourront exécuter à temps.

Toujours est-il que malgré les craintes des avocats, le secrétaire général de l’Apix, Oumar Sarr, estime que cette nouvelle va sécuriser l’environnement juridique et rendre plus performant les investissements au Sénégal. Les opérateurs économiques présents à cet atelier ont salué la réforme. ‘’C’est une vielle revendication qui vient d’être satisfaite, car nous avons toujours demandé qu’on dissocie les affaires sociales, civiles et autres des affaires commerciales’’, se réjouit Moustapha Tall. A ses yeux, les contentieux commerciaux sont très mal gérés, car les magistrats prennent leur temps, sans tenir compte des enjeux et l’avocat n’est pas tenu à une obligation de résultat. ‘’Avec cet environnement, j’avais décidé de ne plus faire des affaires, mais cette loi donne envie de rester’’, soutient l’importateur de riz.

S’inscrivant dans cette logique, Dr Alioune Thiam a laissé entendre que la Chambre de commerce, d’industrie et d’agriculture de Dakar ne ménagera aucun effort pour la vulgarisation de la loi.

FATOU SY
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