Le tribunal des flagrants délits de Dakar a condamné hier 7 « vendeurs » de médicaments : Saliou Ndiaye, Khadim Khouma, Djiby Diop, Diabel Sène, Babacar Diop, Fodé Diouf et Abdou Diop, à un mois de prison ferme. Ce, pour les délits d’exercice illégal de pharmacie et usurpation de fonction. Mamour Ndiaye et Moustapha Diagne ont été relaxés.
La lutte contre les médicaments de qualité inférieure, faussement étiquetés, falsifiés, contrefaits a pris une nouvelle tournure avec l’opération HEERA. Les 6 et 7 juillet, des éléments du groupement de recherches et d’interpellation de la Division des investigations criminelles (DIC) ont arrêté dix individus détenteurs de médicaments divers qu’ils proposaient à la vente sur la voie publique, sur l’Avenue Blaise Diagne, précisément sur le site communément appelé Keur Serigne bi, mais aussi, à Thiaroye Gare et à Niary Tally. 850 kg ont été saisis avant d’être mis à la disposition du Comité de la pharmacie nationale. Ainsi, les marchands ambulants, Saliou Ndiaye, Khadim Khouma, Djiby Diop, Diabel Sène, Babacar Diop, Fodé Diouf, Abdou Diop, Mamour Ndiaye et Moustapha Diagne ont-ils été traduits devant le tribunal des flagrants délits de Dakar, hier, pour les délits d’exercice illégal de pharmacie et usurpation de fonction.
A la barre, l’un d’eux, Mamour Ndiaye, dit avoir quitté Thiaroye pour se rendre en ville. C’est en cours de route que les policiers l’ont interpellé. « Ils n’ont rien trouvé sur moi », s’est-il défendu. Saliou Ndiaye, lui, détenait des baumes de massage. Et il ne connaît pas leur composition. Même argument servi par Khadim Khouma qui a été retrouvé avec 28 gels intimes. Quant à Moustapha Diagne, il a déclaré n’être qu’un vendeur de chaussures et de pâte dentifrice. Diakha Seck a de son côté nié les faits. Tout au plus, il reconnaît détenir un carton. Là où les enquêteurs ont parlé de 25 cartons composés de divers médicaments et de produits aphrodisiaques pour les hommes. Seuls Djiby Diop et Babacar Diop ont reconnu les faits. Le premier avait par devers lui 12 ampoules, des médicaments néoplancitines. L’autre, des lingettes et des produits aphrodisiaques.
En outre, le nommé Abdou Diop a été une fois emprisonné pour les mêmes délits. Factures à l’appui, il précise être en collaboration avec Delta médical. Il a ainsi reconnu être un vendeur de médicaments de la rue. « On m’a retrouvé avec des pétales rouges qu’utilisent les femmes pour décorer leurs chambres », se dédouane Fodé Diouf. Alors qu’à l’enquête préliminaire, il disait être en possession de médicaments Viamax, Vibratines, entre autres.
Me Masokhna Kane : ‘’Le médicament de la rue tue’’
Représentant les pharmaciens, le Docteur Youssou Ndao soutient que tous ces médicaments sont dangereux pour la santé, sauf les sparadraps trouvés par devers eux. « Ces médicaments peuvent affecter le foie et les reins. Ils peuvent créer aussi des antibiorésistances, cancers, insuffisances rénales. De même, les produits aphrodisiaques peuvent provoquer la stérilité’’. Un prévenu a pourtant avancé qu’il exerce ce métier depuis 10 ans. Un autre depuis 3 ans. L’Ordre national des pharmaciens, le syndicat national des pharmaciens et le Comité de lutte contre les médicaments de la rue se sont constitués partie civile dans cette affaire. Ils ont réclamé le franc symbolique, puisque le préjudice ne peut être évalué.
Pour leur avocat Me Massokhna Kane, tout médicament qui sort de la pharmacie devient corrompu et dangereux. « Les prévenus, pour la plupart, ont reconnu les faits. D’autres ont nié, mais des médicaments ont été trouvés chez eux. Le médicament de la rue tue. Il faut que la justice envoie un signal fort aux marchands ambulants. C’est eux qui prescrivent et vendent les médicaments. Le produit est libellé en anglais ou en chinois, alors que la loi exige à ce que les étiquettes en français soient mises dessus. » Selon Me Kane, les faits sont constants.
Le parquet relève, pour sa part, que les prévenus méritent d’être sanctionnés à la hauteur de la gravité des faits. Mais il y a des circonstances atténuantes, dans la mesure où ils sont des délinquants primaires. Il a requis 3 mois ferme et une amende de 100 000 F CFA pour chacun. Avocat de la défense, Me Babacar Mbaye précise que ces produits ne sortent pas du néant. Ses clients ont compris qu’ils ont fauté. Il a de ce fait requis l’application bienveillante de la loi. Me Ndiogou Ndiaye, avocat de Moustapha Diagne, a demandé l’indulgence du tribunal, tout en conseillant aux prévenus de s’éloigner de ce créneau. Défendant les intérêts de Khadim Khouma, Me Abdoulaye Djigo affirme qu’il s’agit d’un problème de santé publique. Il a demandé au tribunal de déclarer irrecevable la constitution des parties civiles, puisqu’ils n’ont pas porté plainte. ‘’C’est une opération de sécurisation’’, a-t-il précisé. Donc, l’agent judiciaire de l’Etat ou le ministère public devait se constituer partie civile.
Me Abdoulaye Tall, avocat d’Abdou Diop, considère que ces produits sont de bonne foi. Et que les prévenus ne savaient pas qu’il s’agissait de médicaments contrefaits. Me Bamba Cissé a enfin imploré la clémence du tribunal. Selon lui, l’objectif est juste d’avoir de la monnaie pour nourrir leurs familles. Rendant sa décision, le juge a condamné Saliou Ndiaye, Khadim Khouma, Djiby Diop, Diabel Sène, Babacar Diop, Fodé Diouf et Abdou Diop à un mois de prison ferme pour exercice illégal de pharmacie et usurpation de fonction. En sus, d’ordonner la confiscation et la destruction des médicaments saisis. Plus chanceux, Mamour Ndiaye et Moustapha Diagne ont été relaxés.