L’équipe du Sénégal dispute la plus prestigieuse coupe d’Afrique de rugby à XV, la Gold Cup, du 24 juin au 5 août 2017. Les Sénégalais espèrent y faire bonne figure face à des pays comme le Zimbabwe et la Namibie. Les « Lions de la Téranga » ont aussi le secret espoir de décrocher prochainement une qualification en Coupe du monde.
« Ça fait dix ans qu’on bataille pour en être là, pour goûter au haut-niveau du rugby africain. » La voix de Charles Ndiaye ne trahit pas la fatigue et la lassitude, malgré un long voyage de La Rochelle, dans l’Ouest de la France, à Dakar, en passant par Paris. Le capitaine du XV sénégalais est déterminé, à la veille d’un match face au Zimbabwe, prévu le 24 juin 2017 à Dakar.
Son équipe dispute en effet pour la première fois la compétition phare du continent, la Gold Cup [1]. Les « Lions de la Téranga » ont décroché leur place au sommet, la saison passée. « Aujourd’hui, on a la chance d’y être, savoure celui qui évolue au poste de Troisième ligne à Saint-Jean d’Angély. Ce serait vraiment dommage pour nous de redescendre dans la division inférieure. Notre première mission est donc de nous maintenir dans l’élite ».
Pour y parvenir, l’équipe du Sénégal devra éviter la dernière place au classement d’un mini-championnat à six. Un sacré défi puisqu’elle affrontera ensuite l’Ouganda (1er juillet), la Namibie (8 juillet), le Kenya (15 juillet) puis la Tunisie (5 août). Des adversaires davantage habitués à ce niveau de la compétition, en particulier les Namibiens.
La Coupe du monde dans un coin des têtes…
« Si l’écart s’est réduit avec ces nations, on le verra dès les prochains matches », glisse Charles Ndiaye. La performance du Sénégal pourrait toutefois être biaisée par le nombre important de joueurs forfaits. « On a beaucoup de blessés, déplore le sélectionneur Léon Loppy. Si on arrive à finir cinquième, ce sera bien, parce que les cinq premiers restent en Gold Cup ».
La saison prochaine, la coupe d’Afrique sera en outre qualificative pour la Coupe du monde 2019. Le champion d’Afrique 2018 ira donc au Japon. Une ambition qui n’a rien d’absurde pour le Sénégal, assure Léon Loppy : « C’est envisageable, si on se maintient et qu’on arrive à attirer beaucoup de joueurs qui évoluent dans les championnats français. Pour l’instant, peu d’entre eux savent que l’équipe du Sénégal est en première division et joue la qualif’ pour la Coupe du monde. Mais lorsqu’ils en prendront conscience, on pourra avoir toutes nos forces vives. »
… pour séduire les meilleurs binationaux
De fait, la sélection sénégalaise est composée majoritairement de binationaux jouant en troisième (Fédérale 1) ou quatrième division française (Fédérale 2), et de quelques rugbymans locaux. Elle peine encore à attirer les meilleurs Franco-Sénégalais. Les renommés Gaël Fickou (Stade toulousain), Benjamin Fall (Montpellier), Djibril Camara (Stade français) ou Ibrahima Diarra (Section paloise), ont par exemple préféré le XV tricolore.
La Fédération sénégalaise de rugby (FSR) garde aussi un œil sur les jeunes talents qui évoluent dans les clubs formateurs de la région parisienne, Bobigny, Massy, en attendant qu’une génération de joueurs de haut niveau émerge sur le sol sénégalais. Une perspective inimaginable il y a encore quelques années.
Le rugby a tracé son sillon au Sénégal...
Guédel Ndiaye, président de la FSR depuis plus de deux décennies, a eu l’occasion de voir l’ovalie grandir dans son pays. Au départ, il n’y avait que deux clubs et une organisation balbutiante. Ce n’est qu’en 1999 que la FSR a officiellement été affilée à la fédération internationale (World Rugby). Et il a encore fallu attendre 2006 pour que les « Lions de la Téranga » disputent les compétitions continentales et les éliminatoires de la Coupe du monde.
« Petit à petit, on a fait notre nid, résume Guédel Ndiaye, qui revendique environ 15.000 licenciés. Aujourd’hui, même si le rugby est encore un sport mineur, on figure quand même parmi les cinq premières disciplines au Sénégal ».
Les terrains manquent certes, mais la FSR peut compter sur le soutien de la municipalité de Dakar et des pelouses prêtées par les armées française et sénégalaise. « On joue désormais au rugby un peu partout, ajoute-t-il, même si Dakar concentre la majorité des pratiquant(e)s. On a privilégié les petites catégories, donc on compte énormément d’enfants, d’écoliers, parmi nos licenciés. Et, parmi eux, les filles sont légèrement majoritaires ».
...et veut gagner la reconnaissance du peuple sénégalais
Un exploit dans un pays où la lutte avec frappe est très populaire mais où l’on trouve paradoxalement le rugby trop brutal… « Il commence à être davantage perçu comme un sport viril que violent, estime Guédel Ndiaye. Les gens regardent un peu les matches du Championnat de France ou d’autres compétitions comme la Coupe du monde. Les Sénégalais s’intéressent à tous les sports, même si les règles du rugby sont un peu compliquées ».
Nul doute qu’une belle performance en Coupe d’Afrique piquerait la curiosité d’une partie du public. « C’est à nous de gagner ce respect-là, conclut Charles Ndiaye. Ça ne vient pas tout seul ».