La réhabilitation du cinéaste et écrivain sénégalais Sembène Ousmane et de bien d’autres figures sénégalaises aujourd’hui disparues, doit procéder d’une démarche collective, a estimé, mercredi, à Dakar, son biographe Samba Gadjigo.
"La réhabilitation de Sembène Ousmane, Birago Diop, de Cheikh Anta Diop, est une œuvre collective", a-t-il déclaré lors de la projection, au Théâtre national Daniel Sorano, du documentaire "Sembène !", qu’il a coréalisé en 2015 avec l’Américain Jason Silverman.
Samba Gadjigo dit avoir fait sa part de travail à travers ce documentaire, de même que le cinéaste Ousmane William Mbaye, auteur du film "Kemtiyu, Seex Anta" (2016), en hommage au professeur Cheikh Anta Diop.
"C’est au tour des autres cinéastes et écrivains de jouer leur partition", a lancé M. Gadjigo, professeur de littérature africaine au Mount Holyoke College, aux Etats-Unis d’Amérique.
Selon son auteur, le documentaire "Sembène !", d’une durée de 87 minutes, ambitionne de contribuer à empêcher ’’un anéantissement" du travail de Sembène Ousmane, dont l’héritage était jusque-là "assez dormant", parce que "les films de Sembène n’étaient pas vus et sa maison (est) délabrée".
Le réalisateur Samba Gadjigo retrace ainsi la vie du "père du cinéma africain", décédé le 9 juin 2007 à Dakar, en revisitant la trajectoire et la filmographie de ce "militant de la cause africaine", avec des séquences entrecoupées d’entretiens avec son fils Alain Sembène, l’écrivain Boubacar Boris Diop et le professeur et cinéaste malien établi aux Etats-Unis, Mathias Diawara.
Le film "Sembène !" ne devrait pas manquer d’interpeller le cinéphile découvrant l‘œuvre écrite et réalisée de cet "autodidacte" renvoyé de l’école française à l’âge de 13 ans pour "insubordination", d’où le point d’exclamation du titre du film.
Le réalisateur ne cherche pas à montrer un film linéaire sur Sembène Ousmane, mais mettre en exergue l’engagement d’un homme "rebelle" à travers ses films.
Sembène Ousmane donne à voir à l’Afrique ses propres images à travers "La Noire de...’’ (1966), "Le Mandat" (1968), "Camp de Thiaroye" (tourné en 1988), "Guelewar" (1991), "Moolaadé" (2004), entre autres de ses œuvres.
Directeur d’Amnesty international pour l’Afrique, Alioune Tine, qui a participé à la projection du film de Gadjigo, a relevé l’actualité de l’œuvre de Sembène Ousmane.
"Sembène est actuel par les thèmes qu’il a toujours abordés, sur la déconstruction du post-colonialisme, sur le problème de la corruption, des libertés fondamentales, le combat contre l’oppression, les valeurs de courage qu’il a promues", a-t-il déclaré.
Selon M. Tine, Sembène Ousmane a surtout "vécu avec courage", à une époque caractérisée par le règne du parti unique au Sénégal, sous Léopold Sédar Senghor, le premier président du Sénégal.
Ses films étaient censurés à cette époque, souligne Alioune Tine, selon qui le défunt cinéaste sénégalais "a construit une esthétique cinématographique romanesque africaine à travers ses films".
Le film "Sembène !" a été projeté gratuitement à Sorano, grâce au soutien des pouvoirs publics sénégalais. Samba Gadjigo les en a remerciés "chaleureusement", saluant un ’’engagement’’ de leur part. "C’est un symbole fort" pour perpétuer l’œuvre de Sembène Ousmane, a-t-il dit.
Samba Gadjigo a de même salué "l’engagement de l’Etat pour la réhabilitation de la maison de Sembène Ousmane, +Gallé Ceddo+’’.
Le film "Sembène !" A été projeté 14 fois à travers le Sénégal, notamment à Thiès, Dakar, Saint-Louis, Ziguinchor, depuis vendredi dernier, jour de commémoration du dixième anniversaire du décès du cinéaste.
À travers le projet intitulé "Sembène à travers l’Afrique », il a été également montré dans 37 pays africains pendant 72 heures et sur Internet, dans le but de "nourrir le rêve panafricaniste de Sembène", selon Samba Gadjigo.