Les députés ont adopté vendredi à l’unanimité le projet de loi sur la déclaration de patrimoine, tout en déplorant l’absence de certains acteurs nationaux dans le champ d’application du texte.
Les parlementaires, qui ont tous reconnu l’importance de ce projet de loi, ont souligné la nécessité de soumettre certains acteurs nationaux à cette nouvelle loi.
Ils estiment que la déclaration de patrimoine est nécessaire dans la mesure où elle permet de sauvegarder les ressources publiques, tout en protégeant les hommes politiques et les cadres de l’administration contre toute suspicion.
Le ministre chargé de la Promotion de la bonne gouvernance, Abdou Latif Coulibaly, qui défendait le projet de loi devant les députés, a tenu à préciser que la déclaration de patrimoine est un mécanisme qu’il convient d’intégrer dans la vie publique nationale.
"L’objectif du présent projet de loi est de promouvoir d’une part la responsabilité, la probité et l’intégrité des autorités dans l’exercice de leurs hautes fonctions, et d’exclure d’autre part toute tentative d’accaparement des moyens et des ressources qui leur sont affectés", a expliqué M. Coulibaly.
Il signale que cette loi n’est pas dédiée à la lutte contre la corruption. Cependant, elle facilitera le travail de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (OFNAC), a-t-il souligné.
Abdou Latif Coulibaly affirme qu’à l’instar des pays anglo-saxons et de l’Europe, le Sénégal a décidé d’inclure cette loi dans sa législation. "La déclaration de patrimoine vise à protéger la crédibilité des hommes publics honnêtes", a-t-il ajouté. ’’Cette loi, initialement, concerne l’élu, sans autre précision de sa qualité ou de son statut."
Il précise que le gouvernement a décidé d’exclure les députés de la liste des personnes assujetties à la loi, en raison du grand nombre des personnes concernées par la loi et du faible effectif de l’organisme chargé de recueillir et de vérifier les déclarations de patrimoine.
Le ministre de la Promotion de la bonne gouvernance a aussi rassuré les parlementaires qui s’étonnaient de l’exclusion des maires du champ d’application de la loi.
Ces derniers seront soumis à la déclaration de patrimoine lorsque leurs recettes et leurs dépenses atteignent un milliard de francs CFA, a-t-il encore précisé, ajoutant que "les agents de l’OFNAC sont exemptés de déclaration de patrimoine".
Si par exemple les représentants de l’Etat administrant avec un budget de 250 millions de francs CFA devaient déclarer leur patrimoine, le nombre d’assujettis serait d’environ 12.000, ce qui emmènerait les agents de l’OFNAC à devoir traiter 200 dossiers par jour, soit environ 8.000 dossiers dans l’année, a-t-il fait valoir.
"L’OFNAC serait dans l’incapacité de procéder au traitement de tant de demandes. C’est la raison pour laquelle il a été prévu une population éligible de 3.000 personnes. Avec l’évolution, le président de la République pourra augmenter ce nombre par décret", a expliqué M. Coulibaly.
"Toutes les personnes assujetties à la nouvelle loi seront tenues de se soumettre à cet exercice, dans un délai de trois mois, en lieu et place de la proposition de loi qui avait prévu un mois", a-t-il souligné.
Plusieurs députés se sont étonnés de l’absence de certains acteurs nationaux dans le champ d’application de ce texte.
Selon eux, ce projet du gouvernement ignore les parlementaires et les maires de commune, alors que ces derniers constituent un maillon de taille dans la promotion de la transparence dans la gestion des affaires publiques.
"J’appuie les députés qui souhaitent que cette loi soit élargie aux députés", a dit Aïssatou Sabara, à l’instar de Elène Tine. Cette dernière considère que les maires et les députés devaient être parmi les acteurs concernés par la déclaration de patrimoine.
El Hadji Diouf est allé dans le même sens que ses collègues de l’Assemblée nationale. Mieux, il a suggéré que certains magistrats, dont les procureurs généraux, soient concernés par la déclaration de patrimoine.
L’ancien ministre Djibo Kâ estime que les députés devraient figurer en première ligne parmi les acteurs publics qui seront tenus de faire l’état des lieux de leurs biens pour clarifier l’évolution de leur patrimoine durant leur mandat.
En revanche, la députée Sokhna Dieng, une ancienne directrice de la Télévision publique, a salué le texte du gouvernement tel qu’il a été présenté à l’Assemblée nationale, avec l’absence des parlementaires parmi les concernés.
D’autres députés ont partagé son opinion, estimant que si les parlementaires devaient être concernés par la déclaration de patrimoine, les agents des régies financières de l’Etat ne devraient pas être en reste, dans le souci d’élargir le spectre de prévention de l’enrichissement illicite.