La prestation – à guichets fermés - du musicien sénégalais Wasis Diop, jeudi soir à l’Institut français de Dakar, a tenu toutes les promesses d’un événement artistique que les nombreux mélomanes ont apprécié.
Il fallait se lever tôt pour avoir une place au théâtre de verdure et assister à cette manifestation organisée dans la cadre de la Journée internationale de la Francophonie : au programme un film intitulé ‘’Galerie nationale’’, consacrée par le musicien à une exposition.
Le public s’est donc pressé pour un spectacle particulier, tant il est rare de voir Wasis Diop se produire à Dakar et exceptionnel d’assister, à l’Institut français, à un mariage réussi entre le cinéma et la musique, entre les images et sons, les mouvements de la caméra et le jeu des instruments (trois guitaristes, un batteur et accordéoniste).
‘’Galerie nationale’’, le court-métrage de 26 minutes projeté en ouverture de la soirée est certes consacré à une exposition exceptionnelle de l’artiste et agitateur d’idées Issa Samb alias Joe Ouakam, mais il est surtout une vraie balade dans l’univers intellectuel d’un homme à l’allure iconoclaste mais très profond dans sa démarche.
Joe lâche quelques mots sur la création du laboratoire Agit’Art, la genèse du Festival mondial des arts nègres de 1966, se promène au milieu de ses œuvres à la Galerie nationale, chez lui. Le tout constituant une vraie performance artistique.
Le second acte du rendez-vous de Wasis Diop avec le public dakarois a consisté en un concert intimiste, sur un vrai air de famille. Sur la scène, Diop donne l’impression de s’amuser, de prendre un grand plaisir à ‘’célébrer l’histoire’’.
Sur le fond, il se pose de véritables questions existentielles liées à la marche d’un ‘’monde turbulent’’ : ‘’Que faut-il faire des enfants quand les grands font la guerre, quand on sème la misère ?’’ ; ‘’Que faut-il faire de la nuit quand on se sait dormir ?’’.
Et juste après avoir repris Serge Gainsbourg en wolof, il soutien qu’il faut ‘’avoir le cœur léger pour parcourir le monde’’, allusion à la propension des Sénégalais, grands voyageurs, à s’adapter aux situations les plus compliquées.
Wasis Diop, il faut le suivre jouer de la guitare. Il faut surtout l’écouter et l’entendre dire des mélodies et des mots dans un wolof d’une rare poésie, le regarder bouger ses jambes, ses lèvres, ses bras, des membres de sa longiligne silhouette avec lesquels il prend visiblement plaisir à faire des figures presque enfantines.
Pour ceux qui ont du mal à entendre et à comprendre ce qu’il dit – il tend plutôt à couvrir sa voix -, il faut se concentrer sur les mélodies qu’il sert entre influences country, pop, rock ou autres rythmes hérités d’une enfance culturellement riche.
Quelques minutes avant la fin de son concert, Wasis Diop invite sur scène El Hadji Ndiaye dont la voix s’élève magistralement vers le ciel et s’articule à celle de la vedette du jour qui, lui, cherche à s’enraciner dans la terre comme pour aller chercher les sources d’une inspiration féconde.
A 23 heures, le millier de mélomanes qui a eu le bonheur de vivre cette soirée finalement très spéciale – sans compter les dizaines d’autres n’ayant pas pu accéder au spectacle - repart satisfait, rempli d’émotions et d’ondes positives. Lesquelles, en fin de compte, procure une certaine fierté de voir un artiste sénégalais installé depuis des années à l’étranger réussir à convaincre des compatriotes attentifs à ce qu'il fait.