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Amadou gaye (président de la fédération nationale des boulangers du sénégal):‘’Les boulangers sont pris en otage par les redistributeurs’’
Publié le lundi 5 juin 2017  |  Enquête Plus
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© aDakar.com par DF
Des boulangeries équipées pour la valorisation des céréales locales
Dakar, le 06 Février 2015 - La Fédération nationale des boulangers du Sénégal (FNBS) a reçu, vendredi à Dakar, 150 pétrins d’une valeur de 450 millions de F Cfa pour l’incorporation des céréales locales dans la panification et les viennoiseries. Photo: Amadou Gaye, Pdt Association des boulangers




Le secteur de la farine connaît des remous ces derniers temps. Après un ‘’réajustement’’ du prix du sac de farine qui est fixé par les meuniers à 17 200F, des boulangers avaient menacé d’aller en grève pour dénoncer cette hausse. Cependant, le président de la Fédération nationale des boulangers du Sénégal (FNBS) soutient qu’on n’a rien à reprocher aux meuniers parce que le prix du sac de 50 kg de farine a été homologué à 18 000F. Dans cet entretien, Amadou Gaye dénonce le manque d’organisation du secteur de la boulangerie. Une absence d’organisation qui, dit-il, profite aux redistributeurs.



La Fédération nationale des boulangers du Sénégal (FNBS) a rencontré lundi dernier le ministre du Commerce, qu’est-ce qui a motivé cette rencontre ?

Le 19 mai (2017) nous avons organisé la nuit de la boulangerie. Donc lors de cette rencontre, nous avons évoqué avec le ministre tous les problèmes du secteur. Nous lui avons carrément expliqué que nous sommes fatigués. Le secteur rencontre des problèmes. Entre-temps, il y avait un réajustement du prix de la farine par les meuniers. Cela avait poussé certains boulangers à menacer d’aller en grève alors que la raison n’était pas exacte. Pour cela, nous avons dit au ministre que pour résoudre définitivement le problème de la boulangerie, il faut régler deux choses : l’application du décret 102-2004 qui régule la distribution et l’autorisation d’ouverture de boulangeries. Beaucoup de boulangers perdent de l’argent à cause de cette distribution. Les boulangers sont pris en otage par les redistributeurs. Cela a fait que beaucoup de boulangers sont en train de souffrir. Même si la farine coûtait 1000 F, si le système continue comme ça, nous allons toujours avoir des problèmes. Il faut qu’il y ait des points de vente spécifiques pour vendre le pain. Il est temps qu’on puisse appliquer ce décret. Nous avons constaté que des boulangeries ouvrent sans être aux normes. Il faut avoir le numéro d’établissement classé, faire les déclarations. Tout cela ne se fait pas.

Sur ce point, est-ce à dire qu’il y a une ouverture tous azimuts de boulangeries au Sénégal ?

Justement ! C’est cette ouverture que nous voulons réguler maintenant. Nous aimerions qu’il y ait une autorisation préalable. Avec la loi 94-63, le secteur a été libéralisé. Tout le monde peut ouvrir une boulangerie sans faire une déclaration comme avant. Nous voulons maintenant encadrer cette libéralisation parce qu’il y a une suroffre. L’encadrement des ouvertures de boulangeries serait une manière de réguler le secteur. Aujourd’hui, nous avons constaté qu’il y a plusieurs plaintes au niveau du voisinage par rapport à l’installation de certaines boulangeries qui ne sont pas aux normes. Souvent, ce sont les voisins qui gagnent ces procès. On ne peut pas venir installer une boulangerie dans un quartier sans savoir l’impact négatif que cela peut poser sur le voisinage. Tout cela est écrit mais n’est pas appliqué.

Ensuite, nous avons voulu que cette disposition soit maintenant mieux encadrée et le ministre a accepté cette proposition. Il va saisir le Premier ministre pour un conseil interministériel pour cela et avant le 10 juillet, nous allons tenir les assises de la boulangerie. C’est une procédure d’urgence. Il faut aujourd’hui que les gens n’ouvrent pas n’importe comment et n’importe où une boulangerie.

Mais qu’est-ce que l’application de ce décret 102-2004 peut changer ?

Déjà il faut qu’on applique les lois et règlements de ce pays. Nous sommes pris en otage par les distributeurs. Le prix du pain est de 150F. Pourtant, certaines boulangeries donnent le pain à 100 ou 105 F Cfa parce qu’il y a des redistributeurs qui l’exigent. Le pain sorti du four est vendu directement à 100F et le revendeur vend à 150F. Donc le boulanger ne gagne rien. Cela détériore même la qualité du pain. Impérativement, l’application de ce décret s’impose.

Vous avez parlé d’un ajustement du prix de la farine, ce qui avait poussé certains boulangers à menacer d’aller en grève. Est-ce à dire qu’ils ne peuvent pas supporter le prix actuel fixé par les meuniers ?

Nous, nous sommes des légalistes. Le prix de la farine au Sénégal est homologué le 22 mai 2013 à 18 000F et qu’à la même période, on a homologué le prix du pain à 150F pour un poids de 190 grammes. À l’époque, nous avions dénoncé le fait que la baguette de référence soit ramenée de 210 grammes à 190 grammes. À ces temps-là, l’Etat voulait simplement baisser le prix du pain parce que ça coûtait 175F pour 210 grammes. C’est-à-dire avant le 22 mai 2013, le prix de la farine coûtait 20 000F et la baguette 175F avec un poids de 210 grammes. Après le 22 mai 2013, le prix de la baguette coûte 150F avec un poids de 190 grammes et la farine coûte 18 000F. Entre-temps, il y a eu l’ouverture de certaines minoteries. Ce qui fait qu’il y avait une concurrence entre ces meuniers. Un boulanger peut acheter à 13 000F, l’autre à 14 000F ou 15 000F. Déjà, cela créait une concurrence déloyale entre boulangers parce que l’un achète à 13 000F et l’autre à 15000F et pourtant, ils ont le même prix du pain. Finalement, les meuniers se sont réunis, disant que la concurrence qui se faisait entre eux leur cause des soucis de rentabilité. Ils ont trouvé un accord avec le ministre du Commerce pour dire qu’ils vont vendre le prix de la farine à 17 200F.

Est-ce que cette entente entre meuniers est légale ?

Cela est contre les lois de la concurrence. Ils ont fait une entente entre eux pour dire qu’ils vont arrêter la concurrence et qu’ils vont vendre à 17 200F. Cette entente entre eux doit cesser. Le boulanger qui n’est pas bien informé et qui achète sa farine à des prix variant entre 14 000F et 15 000F, si la farine revient à 17 200F fixe, il va se dire que le prix a augmenté. Mais aujourd’hui, on ne peut rien reprocher aux meuniers parce qu’ils sont dans leur droit par rapport aux prix. C’est pourquoi nous avons simplement dit au ministre que les boulangers sont fatigués. Ce n’est pas le prix de la farine qui pose problème.

Qu’est-ce qui pose problème alors ?

C’est le manque d’organisation qui pose problème. C’est la distribution. Le boulanger perd beaucoup d’argent mais il a les mains liées. Il faut que l’Etat l’appuie pour l’application de ces décrets qui vont faire en sorte qu’on puisse dire que le prix du pain à la boutique va coûter 150F mais à l’extérieur il coûte 125F, mais pas 100F ou 105F. Il est important que le décret soit appliqué pour avoir une traçabilité des produits livrés. Le pain est vendu dans les boutiques. Et dans une boutique vous pouvez trouver 5 pains différents.

Même le boutiquier ne peut pas dire où se trouve cette boulangerie. S’il y a problème sur un pain, il ne pourra rien vous dire parce que des fois, les pains se ressemblent. S’il y a avait des kiosques bien établis, dans ce cas on pourrait avoir une traçabilité et contrôler la qualité. Ce qui est important pour une sécurité alimentaire de ce pays. Les kiosques aussi peuvent créer des emplois. Notre fédération est dans un programme de valorisation de nos céréales locales. Cela va permettre de mieux vendre le pain de mil, de maïs. Ensuite, dans certains de ces kiosques, nos femmes pourront vendre de la farine de mil, de maïs pour une disponibilité suffisante de la farine pour le boulanger. C’est un programme qui va être étudié durant les assises.

Mais est-ce qu’il n’y a pas un manque de sensibilisation des boulangers pour que tout le monde soit au même niveau d’information, parce que malgré cette augmentation, les meuniers n’ont pas encore atteint le prix plafond qui est de 18 000 F Cfa ?

Ils n’ont pas atteint le prix homologué mais le problème est qu’aujourd’hui, nous, nous sommes en train de faire des études de comparaison pour demander s’ils vont aller dans ce sens d’augmenter encore les prix. Dans ce cas, nous, à notre niveau, nous allons demander de revoir l’homologation. Jusqu’à 17 200F, c’est raisonnable par rapport à nos calculs. Mais s’ils dépassent ce seuil, ce sera un autre combat que la fédération va engager.

Donc 18 000F sera un prix difficile à supporter pour les boulangers ?

Oui, ce sera très compliqué pour certains boulangers de pouvoir supporter cela. Nous avons même demandé, en attendant que les assises soient tenues, qu’il y ait un petit ajustement des prix. Nous savons la structure des prix de la farine, les cours mondiaux du blé, donc s’il y a la possibilité que les meuniers puissent faire un geste par rapport à une baisse…

Parlant de baisse, le prix du gasoil a baissé de 92F, l’électricité de 10%. Est-ce que toutes ces baisses n’ont pas eu une répercussion sur le coût de production de la baguette ?

J’ai dit tantôt que même si le prix de la farine baissait jusqu’à atteindre 1000F, si le système continue comme ça, les boulangers auront toujours des problèmes. Quels que soient les coûts, les boulangers vont avoir des problèmes parce que c’est le système qui est ainsi. Donc il faut qu’on lutte pour régler définitivement ce problème.

Mais une baisse de 10% sur le prix de l’électricité, c’est quelque chose d’important quand même ?

L’électricité a baissé, pour moi, c’est de la théorie. Je peux vous assurer que même si elle a baissé, elle n’a pas d’impact sur la facture du boulanger. Moi qui vous parle, je suis boulanger, ma facture n’a pas bougé. Ma facture n’a bougé qu’une seule fois et ce n’est plus arrivé. Même ce mois-ci, elle n’a pas connu de baisse. Donc je ne crois pas à cette baisse.

Aujourd’hui, est-ce que les prémices d’une grève des boulangers sont définitivement écartées ?

La Fédération nationale des boulangers du Sénégal a exclu, à la suite de la réunion de tous les présidents de région, toute forme de grève. Elle rassure la population. Nous sommes des musulmans. Nous n’avons jamais fait de mouvements de grève pendant ce mois béni de Ramadan. Les boulangers, nos membres, ont décidé même de donner une qualité supérieure à ce qu’ils font malgré les problèmes.

Qu’est-ce que les boulangers comptent mettre sur la table de négociation pour les assises de la boulangerie qui vont se tenir en juillet ?

Les urgences sont l’application du décret 102-2004 et la mise en place d’une commission qui va regrouper l’Hygiène, le Commerce, les boulangers surtout, l’Environnement. Nous voulons qu’au sortir de ces assises, quand une boulangerie s’installe, qu’il y ait une assurance multirisque qui lui permettra de se sécuriser. Si ces deux points essentiels ne sont pas appliqués immédiatement, rien ne va changer.

PAR ALIOU NGAMBY NDIA
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