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Docteur Mounir Dia (cardiologue): ‘’24% des adultes sénégalais sont hypertendus’’
Publié le jeudi 18 mai 2017  |  Enquête Plus




L’hypertension dont la journée mondiale est célébrée aujourd’hui est la première cause évitable de maladie cardiovasculaire et d’Avc dans le monde. Au Sénégal, 24% de la population des adultes sont hypertendus. Docteur Mounir Dia rappelle que cette maladie est dangereuse, car elle peut endommager le cœur, les vaisseaux sanguins, le cerveau, les reins et même les yeux. Il invite ainsi tous les adultes à faire contrôler leur tension régulièrement.

Pouvez-vous nous définir l’hypertension artérielle ?

L’hypertension est une augmentation de la pression artérielle, au-delà d’une certaine valeur-seuil. Normalement, chez un sujet adulte qui a plus de 18 ans, sa tension ne devrait pas dépasser ni atteindre 14/9. Lorsqu’elle atteint ou dépasse ce chiffre, on considère que l’individu est hypertendu. C’est une maladie qui est potentiellement grave parce qu’elle augmente le risque de faire des accidents cardiovasculaires. C’est une affection cardiaque qui, en même temps, est un facteur de risque cardiovasculaire.

Qu’est-ce qui est à l’origine de cette maladie ?

Il y a, dans la plupart des cas, plusieurs facteurs qui favorisent l’hypertension, sans qu’on puisse dire que c’est un seul de ces facteurs qui en est la cause. Ce qui fait que lorsqu’elle se présente, le traitement ne pourra pas être arrêté. C’est essentiellement une mauvaise hygiène de vie et une mauvaise activité physique. Quand on parle de l’hygiène de vie, c’est l’alimentation. Lorsqu’elle est trop salée, trop sucrée, ou a trop de matières grasses, cela favorise l’hypertension artérielle. De la même façon, quand on ne fait pas d’activité physique, qu’on est sédentaire, cela favorise la maladie. Il y a également la prédisposition. Lorsqu’il y a des hypertendus dans une famille, il y a plus de risques d’avoir la maladie. Ce sont tous ces facteurs combinés qui peuvent augmenter la probabilité d’être hypertendu.

Est-ce que cela veut dire que c’est une maladie héréditaire ?

Pas totalement ! Une maladie héréditaire se transmet par des gènes. Mais lorsqu’un individu est hypertendu, ses enfants ont plus de risques, mais ils peuvent être hypertendus comme ils peuvent ne pas l’être. C’est une prédisposition ; ce qui est différent d’une hérédité qui se transmet. C’est pour cette raison que ceux qui ont des parents hypertendus ont plus de nécessité de prendre des mesures préventives.

Comment se manifeste-t-elle ?

L’hypertension a beaucoup de manifestations. Mais à ce niveau, je dois préciser une chose : dans la plupart des cas, elle ne donne aucune manifestation, pas de signes, ni de douleurs. Le jour où ça se manifeste, c’est un accident cardiovasculaire. Cela peut être la manifestation première alors que la maladie peut évoluer depuis plusieurs années. Maintenant, lorsqu’elle se manifeste, ce sont des douleurs, des maux de tête, des pulsations de la tête. Elle peut donner des brouillards. On a l’impression d’avoir des flous visuels ou des sensations de mouches volantes. Elle peut également donner des bourdonnements d’oreilles. Mais dans beaucoup de cas, elle ne se manifeste pas.

L’hypertension était une maladie inconnue en Afrique. Qu’est-ce qui explique sa subite expansion ?

Elle était inconnue en Afrique du fait de notre sociologie. Nous n’avions aucune sociologie des maladies chroniques. Nous ne nous intéressions qu’aux maladies infectieuses qu’il faut traiter pendant deux jours et c’est fini. Alors que les maladies chroniques suscitent un traitement long. C’est l’hypertension, le diabète entre autres. De plus en plus, on commence à être conscient de cela et les populations commencent également à s’en rendre compte. On les connaît, on les traite, mais on ne doit pas arrêter le traitement parce que la maladie est toujours là. Maintenant, avec la mondialisation et la vulgarisation des connaissances scientifiques, nous savons que ce sont des maladies très présentes et la prise en charge se fait correctement.

Y-a-t-il un âge pour être hypertendu ?

Dans la plupart des cas, l’hypertension touche les sujets âgés de plus de 35 ans. Il y a maintenant une rare proportion d’individus qui deviennent hypertendus à un âge beaucoup plus jeune. C’est ce qu’on appelle l’hypertension du sujet jeune. Dans ce cas, c’est une particularité ; souvent c’est une maladie qu’on peut traiter et qui guérit. C’est seulement quand il s’agit d’une maladie bien connue qu’on peut opérer et le malade est guéri. Cela arrive aux sujets jeunes, mais c’est très rare et c’est moins de 5% des cas. Le plus souvent, la maladie se manifeste au-delà de 35 ans.

Est-ce que la fréquence de cette maladie chez les jeunes est due à la mauvaise alimentation ?

C’est effectivement une mauvaise hygiène de vie de façon générale. Ce qui fait que ce qui touchait des sujets beaucoup plus âgés touche maintenant les Sénégalais plus jeunes. On s’alimentait mieux avant ; maintenant, les gens ne font pas d’activités physiques. On est tout le temps assis. Les enfants surtout sont souvent assis à l’école, même pour les jeux, ils sont assis. Ils ne font aucune activité physique. Ce qui fait que si la maladie pouvait toucher l’individu au-delà de 45 ans, elle touche des sujets de 35 ans ou même moins. La situation est encore beaucoup plus frappante en cardiologie.

Au-delà du sport et d’une alimentation saine, comment peut-on éviter concrètement l’hypertension ?

Il y a deux aspects pour éviter l’hypertension. Le premier, c’est l’alimentation. Il faut une alimentation équilibrée. L’aspect le plus important, c’est le sel. Une alimentation trop salée expose à l’hypertension. Il y a des populations qui ne consommaient pas beaucoup de sel. Elles n’avaient aucun hypertendu dans leur localité. Il faut diminuer le sel, c’est-à-dire les bouillons. Ce sont les éléments les plus salés dans notre composition culinaire. Si on écarte les bouillons, on règle le problème. Il faut également manger plus de légumes, de fruits et de poissons. Le deuxième niveau, c’est une activité physique. Si on peut faire une marche régulièrement chaque jour, l’équivalent de 30 minutes, c’est une bonne chose. Il faut faire cela de façon régulière et dès le bas-âge. Il ne faut pas attendre d’être hypertendu pour le faire. L’autre moyen de lutte est de dépister très tôt la maladie. Dès qu’un individu a plus de 30 ans, il doit connaître sa tension afin de pouvoir la contrôler.

Si on est déjà atteint comment doit-on se traiter ?

Il faut bien vérifier si on est réellement hypertendu. On peut penser qu’on est hypertendu alors qu’on ne l’est pas. Parce qu’il y a beaucoup de situations qui peuvent élever la tension alors que c’est momentané. Si c’est confirmé, on commence à se prendre en charge, à se traiter. Quand c’est au tout début, la tension n’est pas trop élevée, il n’y a pas vraiment de complication, on peut même ne pas prendre de médicaments. Parce qu’il y a des hypertendus qui sont traités par des mesures d’hygiène de vie. Les sujets qui sont traités par médicaments doivent les prendre. Si on ne les prend pas, alors qu’on en a besoin, on s’expose à beaucoup de complications.

Quel est le taux de prévalence de cette maladie ?

Au Sénégal le taux est assez disparate selon les régions. Dans la banlieue dakaroise, il est autour de 30% ; 48% à Saint-Louis. A Touba, il avoisine les 50%. Mais on a fait, il y a moins d’un an, une enquête Steps nationale pour voir la prévalence de l’hypertension de façon générale. On se rend compte que 24% des adultes sénégalais sont hypertendus. C’est-à-dire ¼ de la population adulte a l’hypertension artérielle. C’est énorme !

Quels sont les facteurs de risque liés à l’hypertension ?

L’hypertension est un facteur de risque cardiovasculaire. Les complications de cette maladie sont très nombreuses et vastes mais elles ciblent des organes particuliers. Quand elle touche le cœur, elle peut le faire de différentes manières. Elle peut affaiblir le cœur et celui-ci ne peut plus faire d’activités. C’est l’insuffisance cardiaque, quelqu’un qui se fatigue très rapidement. Elle peut également épaissir le cœur qui devient très gros. Ce qu’on appelle l’hypertrophie ventriculaire gauche. Ce cœur qui est très gros n’arrive plus à faire son travail et peut donner des arrêts cardiaques et des morts subites. Elle peut toucher le myocarde, c’est-à-dire le muscle du cœur qui n’arrive plus à bien se contracter, en bouchant les artères du cœur.

C’est ce qu’on appelle l’infarctus du myocarde. Tout cela est dû à l’hypertension artérielle. Elle peut toucher les vaisseaux. Cela peut être les vaisseaux des jambes qui sont bouchés. Et quand une jambe n’est plus irritée, c’est grave. Quand elle touche le cerveau, c’est les accidents vasculaires cérébraux (Avc) qui donnent des paralysies. L’hypertension peut toucher également les reins. Les insuffisances rénales sont dans beaucoup de cas liées à cette maladie. C’est dramatique parce que quand l’insuffisance rénale est chronique, le malade fait des dialyses et peut arriver à la transplantation rénale. En dehors de cela, elle peut toucher les yeux. C’est ce qu’on appelle la rétinopathie hypertension et cela peut aller jusqu’à une cécité définitive. Toutes ces complications sont dues à l’hypertension artérielle. Or, une prise en charge initiale bien faite permet d’éviter tout cela.

Compte tenu de tout ce qui précède, quelle est la politique que l’Etat est en train de mettre en œuvre pour aider dans la prise en charge ?

Actuellement, la première chose se fait à deux niveaux : chez la population générale et chez les praticiens. Il faut que la population soit bien éduquée dans la prise en charge de cette maladie, que le personnel soignant soit bien formé dans la façon de prendre en charge. Nous sensibilisons la communauté pour une meilleure hygiène de vie, mais également pour bien gérer leur tension.

Il faut aussi que les gens mangent bien, cela, quel que soit le budget dont ils disposent. L’autre chose, c’est d’arrêter la consommation du tabac. Le tabac devient plus dangereux pour le cœur quand il est associé à l’hypertension. La deuxième chose est une meilleure formation du personnel soignant. Nous formons des médecins pour une bonne prise en charge de l’hypertension. Il y a un organe de lutte contre les maladies non transmissibles au ministère de la Santé. Ils font des mises à jour pour que les médicaments soient accessibles. Beaucoup d’efforts sont faits, car les médicaments sont de moins en moins chers. Mais il y a du chemin à parcourir puisque le traitement coûte encore cher. Des politiques sont en train d’être exécutées dans ce cadre.

Le coût du traitement de l’hypertension reste toujours élevé. Que doit faire la population pour une meilleure prise en charge ?

La prise en charge commence par la prévention. Prenons le cas des enfants. Les maladies cardiovasculaires chez les benjamins sont dues à des angines qu’il faut traiter. Si on ne les traite pas, ça finit par toucher le cœur et le traitement demande beaucoup de moyens. Alors que l’angine est facile à traiter dans le poste de santé du coin. Il faut que nous apprenions à nos enfants, dès le bas-âge, à être actifs. Ce n’est pas une question de moyens mais plutôt d’éducation. Ce qui peut éviter d’en arriver aux complications.
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