La mosquée est un endroit dévoué au culte. Mais il y a certains fidèles, notamment les retraités, qui le prennent pour un lieu de commerce. C’est cette recherche de gain qui est avancée comme principale raison de la bataille de leadership.
‘’N’allez pas chercher midi à quatorze heures, l’argent, le nerf de la guerre, est la cause des bagarres dans les mosquées.’’ Cette phrase est largement revenue des différentes interviews qui ont été menées auprès de personnes qui ont des postes de responsabilités et ou qui fréquentent les mosquées. ‘’Imaginez dans certaines mosquées, les dirigeants ont des quotas de l’argent que donnent les fidèles. Souvent comme le dit l’adage : les bandits se disputent à l’heure du partage du butin. C’est le cas dans les mosquées. Ce qui fait qu’à chaque fois, on peine à savoir par où passe l’argent que les fidèles donnent’’, fait remarquer un habitué d’une mosquée de la capitale sénégalaise.
A la question de savoir comment se fait ce partage, il déballe : ‘’Après la prière du vendredi, ils se rencontrent dans un coin de la mosquée pour apporter toutes les recettes. Ils s’éloignent par la suite pour revenir annoncer une somme comme étant la collecte, sans que personne ne puisse les démentir. On rit sous cape et on ne dit rien. Et bizarrement, plus les gens donnent, plus ils font la quête, et rien dans ce qui est dépensé dans la mosquée ne peut servir de justificatif. C’est regrettable vraiment !’’ déclare notre interlocuteur.
Pourtant, les acteurs de la pagaille semblent être bien identifiés. Tous s’accordent sur le fait que ce sont les retraités qui sont à l’origine de cette mauvaise image des mosquées. Le doyen des prêcheurs et président de l’Association des Imams et Oulémas du Sénégal, El Hadji Moustapha Guèye, a l’habitude de dire que les retraités sont à l’origine du problème. ‘’Lorsque l’Etat avait besoin d’eux, la mosquée ne les voyait pas. Maintenant que l’Etat n’a plus besoin d’eux, ils viennent envahir la Maison de Dieu’’, répète-t-il dans ses prêches.
Une thèse que partage parfaitement ce fidèle qui a presque les mêmes mots que lui. ‘’Quand ils travaillaient, ils n’avaient pas le temps pour la mosquée. Une fois qu’ils sont inactifs et que l’entreprise n’a plus besoin d’eux, ils viennent dans les mosquées pour semer la pagaille. Ils sont tellement organisés que personne ne peut rien contre eux. Soit tu fais partie d’eux, soit tu te tais ou tu seras combattu au sein de la mosquée. Ces gens-là nous imposent leurs Imams, ils organisent tout sans même prendre en compte ce que dit la religion’’, a confié une personne trouvée dans une mosquée dans une localité du département de Guédiawaye. Notre interlocuteur de pousser le bouchon un peu plus loin : ‘’ils ne bénéficient que d’une pension de retraite largement insuffisante pour leurs besoins. Et puisqu’ils sont peu croyants, ils volent l’argent de la mosquée pour s’occuper de leurs familles ou épouser de belles nymphes. La plupart des retraités qui sont dans les mosquées et qui se tapent une nouvelle épouse l’ont fait avec l’argent de la mosquée. Ils sont organisés pour voler l’argent mais pas pour une bonne gestion de la Maison du Dieu ’’, peste-t-il.
Au banc des accusés figurent également les vieux qui s’autoproclament imams sans aucune maîtrise du saint Coran. ‘’Dans notre mosquée, l’Imam récite toujours les mêmes versets. C’est comme s’il n’avait mémorisé que ceux-là. Je me suis renseigné et on m’a dit qu’il n’est pas allé très loin dans la mémorisation du Coran’’, a confié un adepte d’une mosquée de la Médina. Dans cette catégorie d’Imams sans science islamique, il y a des personnes qui, parce qu’elles ont construit la mosquée ou qu’elles payent les factures, se croient désignés par l’on ne sait qui pour diriger les prières. ‘’Dans notre quartier, un vieux qui a eu un passé pas trop clean a eu de l’argent, je ne sais par quel moyen. Il a construit une mosquée dans sa maison.
Maintenant, il veut s’imposer aux gens, alors que nous doutons de sa foi. A cause de cela, il compte moins de dix personnes dans sa mosquée ; les gens le fuient’’, a confié un jeune qui habite non loin d’une mosquée à Saint-Louis. Même cas de figure dans la région de Fatick où un vieux a trouvé de l’argent pour construire une mosquée. Les notables lui proposent alors de prendre un jeune qui était allé faire ses études dans les pays arabes. Mais le vieux y oppose un niet catégorique. ‘’Je ne vais pas me mettre derrière un enfant qui a l’âge de mon fils’’, rétorque-t-il. Que dire alors de ce vieux sérère qui, après avoir acheté les moquettes de la mosquée, menace de les reprendre s’il n’est pas désigné imam !
‘’Nous sommes tellement organisés qu’un comité a été mis sur pied pour gérer la mosquée’’
Toutefois, ce n’est pas dans toutes les mosquées que l’on trouve des pratiques qui n’honorent pas la religion musulmane. EnQuête a visité des mosquées sur invite des responsables qui ont cependant tenu à garder l’anonymat. Le constat fait est que tout est bien géré dans ces lieux. Il en est de même d’une autre mosquée sise à Pikine. Selon l’un des responsables, l’argent collecté reste toujours en de bonnes mains. Il est utilisé pour les besoins des lieux et des œuvres de bienfaisance. ‘’Nous sommes tellement organisés qu’un comité a été mis sur pied pour gérer la mosquée. On a mis sur pied une structure ou des personnes aisées s’occupent des questions financières. Elles n’ont pas besoin d’un seul sou de la mosquée. Elles restituent tout ce qu’on leur donne. Grâce à ce système, on n’est jamais déficitaire en ce qui concerne le paiement des factures. Nous venons même en aide à des personnes qui sont dans le besoin mais de la façon la plus discrète. Tout est bien géré, contrôlé. Nous disposons d’un compte bancaire pour les grosses sommes’’, détaille M. Faye. Selon lui, ils ont appris de l’expérience des autres mosquées pour arriver à ce stade.
Dans d’autres endroits, les caisses sont confiées à des spécialistes pour éviter des soucis liés à l’argent. C’est le cas de cette mosquée située au centre ville de Dakar. Selon plusieurs indiscrétions, dans le passé, une histoire de vol d’argent avait pollué l’atmosphère et pour s’en sortir et éviter qu’un tel problème ne se reproduise, l’argent est mis entre les mains d’un banquier épaulé par un comptable. ‘’Tout est calculé, et des mécanismes ont été mis avec des contrôles inopinés pour éviter un quelconque détournement aussi minimum soit-il. Je pense que cela nous a porté chance depuis que nous avons commencé à le faire’’, a dit avec un large sourire notre interlocuteur.