A moins de 24 heures de l’arrêt des inscriptions sur les listes électorales, de nombreux Sénégalais de la commune de Grand Yoff sont assurés de leur non-participation aux prochaines législatives en tant qu’électeur.
Les nombreuses nuits perturbées, les longues files rallongées, la ponctualité et l’assiduité, rien n’a permis leur inscription sur les listes.
Le Foyer des jeunes de Grand Yoff est pris d’assaut ce samedi plus que tous les autres jours. A quelques heures de l’arrêt des inscriptions sur les listes électorales, les rangs sont plus serrés, les demandes plus pressantes, les nerfs plus tendus. Les préposés à la sécurité ont beau crier, leurs menaces sont à peine audibles. Le foyer dont ils tentent d’empêcher l’accès est envahi.
Les nombreux habitants de cette commune parmi les plus peuplées et les plus pauvres de la capitale sénégalaise qui ne se sont pas inscrits, tiennent, par tous les moyens, à le faire. Des groupes sont constitués ça et là et partout autour et à l’intérieur dudit foyer qui abrite deux commissions d’inscription. L’image de ces dames allaitant leur bébé et de ces mécaniciens portant toujours leur tenue est des plus saisissantes. «Je suis là depuis 6 heures 30. Et c’est comme cela depuis une semaine. Je ne sais même pas à quoi je ressemble. Vraiment il faut que les gens-là aient pitié de nous. Personne ne doit subir autant d’épreuves pour juste avoir une carte nationale d’identité ou pour s’inscrire sur les listes électorales », s’insurge Alimatou NDIAYE, habitante de Grand Yoff qui indique avoir arrêté son commerce pour pouvoir s’inscrire. Ses complaintes sont largement partagées. A côté d’elle, une autre dame, la quarantaine, adepte de produits éclaircissant, n’attend qu’un signe pour vociférer. Très en colère, elle indique ne pas pouvoir pardonner le manque à gagner considérable que cette inscription lui cause. «Vendeuse de petit déjeuner », comme elle se définit, B. SAGNA ne comprend pas pourquoi le processus est aussi lent. «Du matin au soir, ils ne peuvent même pas prendre cent personnes. Nous, on est là chaque jour à faire des rangs qui recommencent le lendemain », explique-t-elle.
En fait, il y a deux groupes. Le premier, qui est admis à l’intérieur du Foyer, est constitué par ceux qui ont des jetons, numérotés de 1 à 100, que les vigiles distribuent avant d’ouvrir les bureaux. Ces derniers se basent sur une liste que ceux du deuxième groupe, qui sont en dehors du Foyer, ont constituée et qui compte des centaines et des centaines d’inscrits. Alimatou NDIAYE, B. SAGNA et beaucoup d’autres sont dans ce dernier groupe. Un vigile est venu leur dire que c’est à 16 heures seulement qu’ils donneront des jetons aux cent premiers de leur longue liste. Une information qui sonne comme un coup de massue sur leur tête. Ils sont presque assurés que ce samedi ne sera pas leur jour d’inscription. «Je vais revenir la nuit. Il y aura certainement des gens avec qui constituer une liste », lance Souleymane qui tourne les talons visiblement dépité.
A l’intérieur du Foyer, ceux qui ont eu la chance d’avoir des jetons ne rigolent pas. Sur les visages se lit la fatigue. Ces cartes d’identité biométrique CEDEAO auront, à en pas douter, de vilaines photos. Dès leur entrée, ils déposent leur jeton dans une vase avant de présenter une copie de leur carte d’identité. Ils sont accueillis par les membres de la commission qui occupent la grande salle du Foyer. D’un côté, autour d’une grande table, des agents récupèrent les photocopies, remplissent une fiche qu’ils remettent à l’intéressé. D’un autre côté, autour d’une autre grande table, deux agents se tiennent. L’un se charge de la photographie et de la prise des empreintes, l’autre exploite la fiche et enregistre les données avec un ordinateur. La taille n’est pas prise en compte. C’est celle mentionnée sur la photocopie de la carte d’identité qui est renouvelée même si on a gagné quelques centimètres.
Masséne SENE est le président de l’une des deux Commissions. Il explique que celle qu’il dirige travaille de 8 à 16 heures et est relayée par l’autre qui gère de 16 à 22 heures. Interpellé sur les nombreuses populations qui seront, à coup sûr, laissées en rade, il indique comprendre et donne une information de taille. Selon lui, leurs deux commissions sont prises d’assaut parce que les quatre autres de Grand Yoff ont été fermées. «Je ne sais pas pour quelle raison, mais les autres sont fermées. Seules les deux commissions installées au Foyer sont opérationnelles. C’est pourquoi nous sommes assaillis », assure-t-il. Pour lui, il n y a qu’une alternative : prolonger les inscriptions. Mamadou NDIAYE, représentant la Coalition Benno Bokk Yaakaar au sein de la Commission, a, lui, une autre lecture. Selon lui, ce sont les wolofs, adeptes de la dernière minute, qui viennent d’arriver. Pour ce membre de l’AFP, responsable du parti de Moustapha NIASS à Grand Yoff, ceux qui sont dehors, ce sont les wolofs. «Ils attendent toujours la dernière minute pour venir, tout le monde s’est inscrit sauf eux. A part ça tout s’est bien passé comme le président Macky SALL le voulait», soutient-il.
En attendant de savoir si prolongement il y aura ou pas, de nombreux habitants de cette populeuse commune de Dakar risquent d’être laissés en rade et privés de remplir leur devoir de citoyen. Une citoyenneté qu’ils ne peuvent affirmer sans carte d’identité.