L’économiste principal du bureau de la Banque mondiale à Dakar, a sonné, hier, l’alerte sur le niveau trop élevé de la dette publique du Sénégal.
Julio Ricardo Loayza, qui s’exprimait du lancement de la nouvelle édition du rapport Africa’s Pulse sur la situation économique de l’Afrique, confirme les préoccupations du Fmi de la semaine dernière sur le gonflement rapide de cette dette.
Avec son endettement trop élevé, le Sénégal a intérêt à maintenir son niveau de croissance s’il ne veut pas s’enfoncer dans des difficultés économiques. C’est l’alerte lancée, hier, par Julio Ricardo Loayza, économiste principal du bureau de la Banque mondiale à Dakar. Il s’exprimait en marge du lancement de la nouvelle édition du rapport Africa’s Pulse, rapport trimestriel de la Banque mondiale qui analyse l’état des économies africaines. «La dette du Sénégal est soutenable mais il y a des nuances. Elle ne met pas en danger la stabilité du cadre macro-économique mais coûte cher», souligne Julio Ricardo Loayza. Selon lui, si on compare la dette avec les revenus de l’Etat, elle se situe autour du 10 % des revenus de l’Etat. Donc, le gouvernement est obligé de payer la dette au lieu d’utiliser cet argent dans le financement des infrastructures de base comme les routes, les hôpitaux, les écoles, etc.
Le second point soulevé par l’économiste de la Banque mondiale, c’est le maintien du niveau de croissance. «On n’a pas de danger sur la dette si la croissance est maintenue. Parce qu’on a une dette qui pèse et un Pib qui grandit. Donc, le poids de la dette se dilue. Le problème, c’est ce qui va se passer si la croissance ralentit ou freine», s’interroge-t-il.
Un autre danger de l’endettement public relevé par M. Loayza est lié à la structure de la dette. «40 % de la dette est en dollar. La monnaie du Sénégal est le Franc Cfa et il est lié à l’Euro. Donc, si le dollar bouge, on ne peut pas se couvrir avec cette dette. Si le dollar augmente, le coût de la dette augmente. Il y a beaucoup de risques sur cette dette», fait-il savoir.
Cette alerte de la Banque mondiale vient conforter celle d’une autre institution de Breton Wood’s, le Fmi, la semaine dernière. Lors de la dernière revue de l’Instrument de soutien à la politique économique (Ispe), Ali Mansoor, le chef de la mission du Fmi étalait ses inquiétudes sur le surendettement du Sénégal. Mais, hier, le gouvernement a brandit un document de l’agence de notation Moody’s qui a procédé au rehaussement de la notation du crédit souverain du Sénégal qui passe de B1 positif à Ba3 avec une perspective stable. Laquelle note révèle, selon les autorités, que les indicateurs de la dette du Gouvernement sont globalement conformes à ceux des souverains classés Ba3. Ainsi, relève le texte, bien que le taux d’endettement du Sénégal (60% en 2016), soit plus élevé que celui des pairs comparables (médiane de 45%), le ratio de la dette sur les recettes de 220% est plus conforme à la situation des pairs et que le coût moyen de la dette est plus favorable (3,5% contre 4,1%). Mais, Moody’s indiquait néanmoins que le niveau de la dette reste élevé, même s’il devrait décroître dans les prochaines années à la faveur de la réduction continue du déficit et des perspectives de croissance.
Concernant le Plan Sénégal Emergent (Pse), nouveau référentiel des politiques publiques, l’économiste a tenu à noter quelques limites. «Dans le cadre du Plan Sénégal Emergent, l’investissement public est très important mais il n’est pas utile si l’investissement privé ne réagit pas. Cela ne sert à rien s’il y a plusieurs routes et s’il n’y a personne qui les utilise. Cela ne sert à rien s’il y a plusieurs productions en électricité s’il n’y a pas d’industries pour consommer cette électricité. Et dans l’esprit du PSE, il faut qu’il y ait les deux», affirme-t-il. Non sans signaler que les réformes sont biens mais elles doivent être maintenues. Et pour cela, dit-il, il faut une bonne gouvernance, moins de corruption dans les services de l’Etat, un partenariat entre le gouvernement et le privé national, etc. «Au niveau de l’investissement général, on observe un effort de l’Etat du Sénégal de donner des critères techniques à la sélection et à l’exécution des projets. Mais ces critères techniques ne s’appliquent pas à tous les projets. Il y a un peu de projets importants pour le gouvernement, pour des raisons politiques», souligne-t-il.