Mesdames, Messieurs les Ministres,
Messieurs les Gouverneurs,
Monsieur le Gouverneur de la Banque Centrale des Philippines, Modérateur de cette session,
Monsieur le Vice-Gouverneur de la Banque de Zambie, Président du Comité de l’AFI pour l’égalité du genre et l’inclusion financière des femmes,
Monsieur le Vice-Gouverneur d’Egypte, panéliste de cette session
Monsieur le Directeur Exécutif de l’AFI,
Honorables invités, en vos rangs et qualités,
I – Enjeux de l’inclusion financière des femmes
La rencontre de Denarau a été l’occasion d’approfondir la question cruciale de l’inclusion financière des femmes dans le monde. Les diverses initiatives menées ici et là depuis la Conférence internationale des femmes à Mexico au cours de l’année 1975, l’accès des femmes aux services financiers demeure toujours une source de préoccupation. Les statistiques sont d’ailleurs éloquentes à ce sujet. Près de 1,1 milliard de femmes, soit 1/3 tiers d’entre elles dans le monde restent largement exclues du système financier classique. Dans les pays à revenu élevé, les femmes représentent 9% de moins que les hommes possédant un compte bancaire. Dans les pays en voie de développement, 46% des hommes disposent d’un compte courant contre 37% de femmes. Par conséquent, l’enjeu est de parvenir véritablement à réduire ces disparités, et relever les défis de l’inclusion financière qui ne saurait être durable sans ce facteur essentiel de cohésion économique et sociale. Malgré l’existence de programmes spécifiques, voire volontaristes conçus pour la population féminine et les engagements pris par les décideurs politiques au cours de ces dernières années, les défis restent nombreux et j’ai retenu d’en citer quatre (4) qui me paraissent importants.
Le premier défi a trait à la nécessité d’une adaptation des cadres juridiques et de supervision, pour lever les contraintes et encourager l’innovation sous toutes ses formes ainsi que les options alternatives de financement. L’objectif visé est de renforcer le développement des services financiers numériques et la croissance des petites et moyennes entreprises plus accessibles à cette catégorie d’opérateurs.
Le second défi concerne la nécessité d’une meilleure identification des femmes exclues du système financier, en vue d’un adressage plus conséquent de la clientèle féminine. Cette identification est un moyen incontournable de résoudre les problèmes d’inégalité persistants observés dans l’offre de services financiers vers cette frange de la population et de proposer des produits adaptés à leurs besoins. En effet, pour plusieurs raisons (absence de garanties foncières, niveau de risque élevé, faibles revenus), les femmes subissent des discriminations financières, qui ne se justifient plus de nos jours, compte tenu de leurs potentiels non négligeables en matière d’entrepreneuriat et de leadership.
La facilitation de l’accès des femmes à la technologie est le troisième défi. Il requiert de lutter contre les pesanteurs socio-culturelles qui agissent négativement sur leurs capacités à avoir accès aux nouvelles technologies dans la même proportion que les hommes. L’avènement des services financiers via la téléphonie mobile dans le monde et son essor fulgurant, notamment dans les pays africains, offre un cadre propice pour accélérer l’inclusion financière des femmes.
Le quatrième défi à prendre en compte concerne l’amélioration du niveau d’alphabétisation et d’éducation financière des femmes, afin de mieux tirer profit de leurs capacités entrepreneuriales et d’innovation.
II – Actions de la BCEAO en faveur de l’inclusion financière des femmes dans le cadre de la mise en œuvre du plan de Denarau
A la lumière de ces défis, certaines initiatives ont été prises par la BCEAO en matière de diversification de l’offre de produits financiers à l’endroit des femmes, en vue de promouvoir leur inclusion financière. Au nombre de celles-ci, il me plaît de citer :
• l’adaptation du cadre juridique et de supervision, pour le rendre plus accessible à l’innovation technologique et favoriser une plus grande inclusion financière des populations, y compris les femmes. A cet égard, il peut être relevé les récentes règles édicitées dans le domaine de la monnaie électronique, qui se sont traduites par de grandes avancées dans l’élargissement de l’offre de services financiers et l’extension des réseaux de distribution ;
• En second lieu, il y a l’amélioration des aspects liés à la protection des consommateurs, à travers le renforcement de la transparence dans la tarification des services financiers et la réduction des coûts. A ce titre, des initiatives telles que la gratuité de certains services bancaires offerts à la clientèle, le droit au compte, la réduction du taux de l’usure, la mise en place d’un bureau d’information sur le crédit (BIC) méritent d’être mentionnées ;
• la mise en place d’un dispositif de soutien au financement des PME/PMI, en vue d’inciter les établissements de crédit à financer davantage ces structures ainsi que les petites exploitations agricoles dirigées par les femmes. Il faut aussi citer la diversification des produits de financement bancaires, tels que le crédit-bail, l’affacturage et les produits de la finance islamique ; autant d’instruments devant permettre aux femmes de bénéficier de produits alternatifs pour surmonter les contraintes qui les empêchent de mobiliser des capitaux ;
• Enfin, la mise en place d’une stratégie régionale et nationale d’inclusion financière dans l’UEMOA qui cible les femmes parmi les groupes vulnérables. Cette stratégie vise à « assurer, sur un horizon de 5 ans, l’accès et l’utilisation d’une gamme diversifiée de produits et services financiers adaptés et à coûts abordables, à 75% de la population adulte de l’UEMOA », avec un accent particulier sur les principaux groupes cibles identifiés que sont les populations rurales, les jeunes, les PME, les personnes à faible éducation financière et les femmes, qui représentent, à elles seules, 50,1% de la population totale de l’Union. A cet égard, des axes entiers de cette stratégie régionale leurs ont été dédiés ;
L’ensemble de ces initiatives devrait permettre d’améliorer sensiblement la situation de l’inclusion financière des femmes dans notre zone. En effet, selon les dernières informations disponibles, le taux global d’inclusion financière dans l’Union se situe à 50,2% contre 48,3% un an auparavant et 25,9% en 2010.
Dans cette perspective, des investissements sont nécessaires dans :
1. l’élaboration de programmes d’éducation financière en faveur des populations exclues, avec un accent particulier sur le renforcement des capacités des femmes, en vue de les aider à agir en consommateurs informés et plus avertis ;
2. le développement de partenariats favorisant l’interopérabilité des échanges entre les acteurs, les réseaux, les différents instruments et canaux de paiements ;
3. la collecte et l’analyse approfondie des données ventilées par genre pour un meilleur suivi des progrès réalisés en matière d’inclusion financière des femmes.
Pour terminer, je n’oublie pas les réformes politiques et juridiques à entreprendre pour impulser les changements socio-culturels nécessaires à l’amélioration de l’accès et de l’utilisation des services financiers par les femmes, notamment en milieu rural.
Je vous remercie.