En décidant d’annuler l’audition du juge Souleymane Téliko devant le Conseil de discipline, le chef de l’Etat, en même temps président du Conseil supérieur de la magistrature, désavoue son ministre de la Justice et évite aussi de rendre davantage exécrables les rapports entre l’Exécutif et le Judiciaire.
C’est le soulagement. Le président du Conseil supérieur de la magistrature (Csm) a décidé d’arrêter le processus de traduction du juge Souleymane Téliko devant la Conseil de discipline. Macky Sall, qui n’était pas informé, a demandé que l’audition du conseiller à la Cour d’appel de Dakar, qui était prévue ce matin à Saint-Louis, soit annulée. Même s’il vient de désavouer son ministre de la Justice qui avait enclenché la procédure, il met fin à l’affrontement annoncé entre l’Ums et le pouvoir exécutif, car l’Union des magistrats du Sénégal (Ums), qui s’était réuni vendredi, avait condamné «fermement la démarche du ministre». Elle invitait ainsi «l’ensemble des collègues à se mobiliser pour toutes démarches tendant à renforcer l’indépendance de la justice» et soulignait qu’elle «mènera toutes actions appropriées pour la sauvegarde des intérêts matériels, moraux et professionnels des magistrats». L’association des magistrats considérait la convocation de M. Souleymane Téliko comme une «vaine tentative d’intimidation et de musèlement d’un membre légitimement élu par ses collègues et qui n’a fait qu’exercer son mandat». In fine, l’Ums avait même demandé à ses membres élus de démissionner du Csm «si une telle pratique perdure». Le Président Sall a décidé de dégonfler la polémique en annulant la convocation de M. Téliko et évitant en même temps de donner une image peu reluisante d’une justice qui lave son linge sale en public.
Il faut savoir que le juge a dénoncé à travers un mail les affectations de certains magistrats via les consultations à domicile. Cette sortie avait poussé la Chancellerie à saisir le Conseil de discipline pour violation de l’obligation de réserve. La sortie de l’ex-secrétaire général de la Cour suprême est de la même eau que celle de Ibrahima Hamidou Dème qui avait démissionné du Csm pour dénoncer le fonctionnement de l’organe présidé par le chef de l’Etat. Les juges Téliko et Dème ont répété des propos franchement critiques qu’avait déjà ressassés le regroupement des magistrats. Il est utile de savoir que le monde de la justice garde un fort mauvais souvenir de la réforme judiciaire qui avait porté l’âge de la retraite de certains hauts magistrats à 68 ans et la «systématisation des consultations à domicile», introduites par celle-ci.