Hier, le célèbre détenu de Rebeuss, Modou Fall alias Boy Djinné, a comparu devant la chambre criminelle de Dakar pour association de malfaiteurs, vol en réunion commis la nuit avec escalade, effraction, et usage d’arme et de véhicule, évasion et usurpation d’identité. Toutefois, ‘’Ndama Bajan’’, ‘’Serigne Mourtalla Mbacké’’ ou encore ‘’Abdou Lèye’’ n’a pu être jugé. Son procès a été renvoyé jusqu’au 16 mai prochain pour le retour des citations de la partie civile.
A pas lents, tranquille, Baye Modou Fall alias Boy Djinné se dirige tout droit vers le prétoire. Tous les regards sont braqués sur lui. Mais le célèbre détenu à la Maison d’arrêt de Rebeuss (Mar) garde son sang-froid. Il est vêtu d’un tee-shirt Lacoste rouge assorti d’un pantalon vert mousse. Le crâne rasé. Boy Djinné est impliqué dans plusieurs affaires criminelles. ‘’L’As de l’évasion’’ intrigue, de par son attitude devant la barre. D’un calme olympien, les mains au dos, il donne l’impression de ne pas vouloir être dérangé. Chose impossible puisqu’il a été appelé par le président de la Chambre criminelle de Dakar pour répondre des faits d’association de malfaiteurs, vol en réunion commis la nuit avec usage d’escalade, d’effraction, d’arme et de véhicule, d’évasion et d’usurpation d’identité. Lesquels faits se sont déroulés entre 2008 et 2009.
Né le 25 novembre 1990 et domicilié à Keur Goumack (Diourbel), l’électronicien Baye Modou Fall est face à son destin. Il écoute religieusement le juge Seck Diouf inviter les parties civiles à le rejoindre à la barre. Mais Mariama Sall, Diogoye Yaye Gning, Assane Demba Bâ, Mbaye Gning, Jean Gabriel Senghor et Baba Guèye ne répondent pas présent. Les 6 plaignants n’ont pas répondu à la convocation. Sur ce, le dossier a été renvoyé à l’audience du 16 mai prochain pour le retour des citations concernant les parties civiles. A cette date, on saura si elles vont comparaître ou pas, pour que l’affaire soit retenue et jugée au fond.
Evasion à la prison de Ziguinchor et au commissariat central de Dakar
Dans cette affaire, tout commence avec les vols perpétrés dans deux chambres de l’hôtel Savana, le 26 décembre 2008. Il résulte de l’ordonnance de non-lieu partiel, de mise en accusation et de renvoi devant la Chambre criminelle que c’est à la suite d’une saisine du directeur de l’exploitation dudit établissement que la Division des investigations criminelles est entrée en action. Sur les lieux, aucune trace d’effraction n’a été relevée. Les victimes Dina Fourneret, Jean Gabriel Senghor, Emma Lucie Leroux font état de la disparition de leurs effets personnels, de numéraires, d’ordinateurs et de téléphones portables. La dernière nommée précise avoir bien fermé la porte de sa chambre avant de se coucher. Les réquisitions de téléphones permettent de découvrir que l’un des appareils volés a été utilisé par un certain Ndongo Mbow. Interpellé, ce dernier soutient l’avoir reçu de son ami Baye Modou Fall et que l’appareil avait une puce française que celui-ci a récupérée. Non sans accepter de coopérer avec les enquêteurs pour procéder à l’arrestation du susnommé. Le 14 janvier, il est appréhendé au domicile de son dénonciateur sous le nom d’Abdou Lèye.
Soumis à un interrogatoire serré, Boy Djinné passe aux aveux. Il reconnaît être l’auteur du cambriolage des hôtels Lagon 2 et Savana, respectivement dans les nuits des 23 au 24 octobre et 25 au 26 décembre 2008. Mieux, il révèle s’être déjà évadé de la prison de Ziguinchor et cite le nom de Mourtalla Mbacké comme étant son acolyte. Les aveux sont corroborés par les éléments de la Sûreté urbaine du commissariat central de Dakar qui informent la Dic que Baye Modou Fall alias Serigne Mourtada Mbacké a été arrêté dans la nuit du 11 au 12 janvier 2009 pour association de malfaiteurs, vol en réunion avec usage de véhicule et d’armes à feu et qu’il a réussi à s’évader de leurs locaux où il était gardé à vue.
9 millions de F CFA, 2 pistolets, des cartes de recharge téléphoniques, 2 téléphones portables trouvés dans sa chambre
Mise au courant de cette procédure d’enquête, Mariama Sall se présente à la Dic pour déclarer les faits de vol avec effraction portant sur la somme de 5 millions de F CFA commis dans son magasin ‘’Diwane Electronic’’ à la même date. Sans tarder, les limiers effectuent un transport sur les lieux. Là-bas, ils aperçoivent devant le magasin un véhicule à bord duquel se trouve un individu qui est interpellé. Il déclare se nommer Serigne Mourtada Mbacké, né le 10 octobre 1989 à Touba de Serigne Moustapha et de Faty Diop. C’était Boy Djinné qui tentait de récupérer sa voiture après son forfait.
Fouillé, il est découvert par devers lui la somme de 297 000 F CFA, 3 téléphones portables et une clé de la chambre numéro 11 de l’auberge ‘’Le Fouta’’. Une perquisition est effectuée dans ladite chambre. Elle permet de trouver sous la table de chevet la somme de 9 millions de F CFA, 2 pistolets, des cartes de recharge téléphoniques, 2 téléphones portables et divers autres objets à l’effigie du magasin ‘’Diwane Electronic’’. Interrogé, Boy Djinné renseigne qu’il s’est introduit dans ledit magasin le dimanche à 6 heures, pour n’en ressortir qu’à 23 heures. A l’aide de tournevis, d’une scie à métaux et d’un pied de biche, il a réussi à défoncer le coffre-fort avant d’y soustraire la somme de 3 millions de F CFA, des clés Usb, des Mp4, et un ordinateur portable.
Egalement, il confie avoir, la même nuit, visité la boutique d’à côté appartenant à Ibra Ndiaye où il a pris 297 000 F CFA. L’inculpé ajoute qu’il a voulu s’enfuir en passant par le toit, mais au moment de descendre, il a aperçu des personnes. Paniqué, il a laissé tomber le sac qui a finalement été ramassé par les individus qui se trouvaient sur place. Toujours dans sa déposition, il souligne que l’argent ainsi que le matériel trouvé dans sa chambre sont le fruit d’un cambriolage perpétré le jour de la Tamxarit à Mbour, dans deux magasins, en compagnie de Mourtalla Mbacké à qui il a remis 500 000 F CFA et 10 téléphones portables.
Les vérifications faites au commissariat de ladite localité révèlent l’existence de deux plaintes formulées par les sieurs Mbaye Gning et Assane Demba Ba. Entendu, le premier soutient avoir perdu 100 cartes de recharge. Tandis que le second déclare que les malfrats ont emporté avec eux la somme de 10,5 millions de F CFA, des cartes de crédit, un pistolet ‘’Rhoner’’ et des téléphones portables. A l’en croire, les malfaiteurs ont fracturé la grille de protection de la fenêtre pour accéder à la cantine, en passant par la cour de la maison. Dans le cadre de ce double cambriolage, le témoin Hussein El Hachem révèle avoir donné l’alerte lorsqu’il a vu deux personnes dont Boy Djinné sur le toit. Souleymane Diaw de renchérir avoir accouru et vu sur ce même toit un individu qui prétendait être un policier avant de brandir un pistolet et tirer en l’air, avant de prendre la fuite.
Boy Djiné devient Ndama Bajan, le Gambien
Finalement, Baye Modou Fall est arrêté par la police, le 13 février 2009 à Touba, suite à une information anonyme. Il est trouvé sur lui une carte nationale d’immigrant sénégalais en Gambie, établie au nom de Ndama Bajan et supportant sa photographie et un permis de conduire gambien. Devant le juge d’instruction, Boy Djinné réitère certaines de ses déclarations faites à l’enquête, notamment, les vols commis à Mbour, aux hôtels Savana et Lagon 2. Cependant, il conteste les faits de réunion, d’effraction et d’usage d’armes à feu, de même que l’association de malfaiteurs. Ce faisant, il explique avoir cité le nom de Mourtalla Mbacké comme son complice, dans le seul dessein de reprendre son téléphone qui avait été saisi par les policiers. En sus, il fait remarquer s’être évadé du commissariat central de Dakar, dans la nuit du 20 au 21 janvier 2003, avec l’aide du Commissaire à qui il a remis 5 000 pounds.
Mourtalla Mbacké bénéficie d’un non-lieu partiel, car aucune information n’a permis de l’identifier. De même que Boy Djinné pour le chef de corruption au commissariat central. En effet, le juge considère que la procédure n’a révélé aucun élément objectif pouvant asseoir qu’il a donné de l’argent pour planifier et faciliter son évasion de la police.
Me ABDOULAYE TALL, AVOCAT DE BAYE MODOU FALL
‘’Boy Djinné n’a jamais été poursuivi pour une affaire de meurtre’’
‘’On n’attendra absolument rien de ce procès. Maintenant, vu les charges qui pèsent sur Baye Modou Fall et la complexité du dossier, il est dans l’intérêt de tout le monde que la lumière se fasse. Ce, aussi bien pour mon client qui a eu à contester certains éléments de la procédure, que dans l’intérêt des parties civiles qui ont eu à se plaindre devant la justice. Dans l’intérêt de la loi et du parquet, il faut effectivement que toutes les conditions d’un procès équitable soient réunies pour que les droits de la défense soient bien respectés. Il faut préciser que c’est une affaire qui date de 2009 dans laquelle il est accusé d’avoir commis des vols plus ou moins aggravés dont il conteste la gravité. Il a toujours soutenu que c’est des vols simples.
A l’audience du 16 mai, on démontrera que si on doit retenir une qualification de vol, peut-être ce sera le vol simple. J’attire l’attention de tous les Sénégalais que Baye Modou Fall surnommé Boy Djinné n’est jamais poursuivi pour une affaire impliquant mort d’homme. Il n’a jamais été poursuivi pour une affaire de meurtre. Il n’a aucune de ses mains tachetées de sang. Quand j’entends par hasard par voie de presse qu’il s’agit de meurtre, franchement je tombe des nues. C’est une affaire de vols aggravés. Lui, de son côté, il cherche à les simplifier. Lors de ce procès, je baserai ma plaidoirie sur la Sourate 39 Az-Zumar (Les Groupes) Verset 53’’.