Le conseiller juridique du Président Macky Sall minimise l’hypothèse de la cohabitation soulevée souvent dans l’espace politique sénégalais. Samedi dernier, lors de la rencontre du Groupe de recherche et d’appui du conseil pour la démocratie participative et la bonne gouvernance (Gradec), Ismaïla Madior Fall et ses collègues juristes n’ont pas émis sur la même longueur d’onde par rapport à cette question.
‘’Aujourd’hui, au Sénégal, on parle beaucoup de cohabitation. Mais en principe, si on s’inscrit dans l’avenir, les chances de survenance de cette dernière sont devenues plus faibles. Parce qu’autrefois, ce qui rendait facile la cohabitation, notamment dans des pays comme la France, c’est que le Président est élu pour un mandat de sept ans et cinq ans pour l’Assemblée nationale. Avec l’harmonisation de la durée du mandat présidentiel et celle des députés, l’hypothèse d’une cohabitation me semble extrêmement faible’’, théorise le professeur Ismaïla Madior Fall, ministre conseiller juridique du Président Macky Sall.
Le professeur Abdoulaye Dièye lui, répond que la cohabitation est une ‘’hypothèse d’école’’. Le juriste, qui n’émet pas sur la même longueur d’onde que ses collègues, déclare : ‘’C’est une hypothèse d’école. Et mes deux collègues ont dit qu’elle est fausse. En tout cas, ils ont employé un mot très fort pour dire qu’elle est impossible. Moi, je considère que c’est possible. Dans ce cas, le président de la République qui définit la politique de la nation peut dissoudre le Parlement. Donc, on se retrouve dans un cycle d’instabilité. Et la Cnri a fait des propositions par rapport à cette hypothèse qui peut arriver’’, argumente-t-il
Mais le professeur Ismaïla Madior Fall n’en démord pas. Selon lui, le Sénégal n’a pas besoin de prévoir la cohabitation. D’ailleurs, ajoute-t-il, il faut la rendre impossible en organisant les élections en même temps. ‘’(…) S’il y a cohabitation, on en tire les conséquences d’une cohabitation. Il n’y a pas de problème à ce niveau (…). Il ne peut y avoir dans un pays une majorité parlementaire. Et le Président dit : ‘’Votre majorité parlementaire, ce n’est pas mon problème. Je nomme qui je veux.’’ Vous savez, au Sénégal, il y a quelque chose qu’on a perdu. De 1963 à 1988, on a organisé des élections législatives et présidentielles le même jour. C’était très intéressant. Par la suite, on a découplé pour créer des problèmes (…)’’, déplore-t-il.
M. Fall : ‘’Gardons la lucidité sur les institutions que nous avons’’
En outre, Ismaïla Madior Fall ne veut pas entendre parler de mandat unique qui, selon lui, n’est pas une hypothèse d’école. Pour donner étayer son argumentaire, le ministre conseiller signale que le Mexique a un mandat unique de six ans, depuis 1870. Et il est le pays ‘’le plus politique’’. ‘’Quand le Président arrive au pouvoir, ses amis lui disent : ‘’Vous allez faire un mandat. Il faut vous enrichir. Vous ne serez plus président de la République dans votre vie.
Donc, préparez vos réseaux, pensez à l’après-présidence et préparez celui qui va vous succéder pour assurer vos arrières. Le système est vicié au Mexique. Aujourd’hui, c’est ce qui est proposé au Bénin et les gens ont refusé’’, alerte le conseiller du chef de l’Etat. Fort de ce constat, le juriste pense que les ‘’problématiques de pouvoir’’ sont ‘’réelles’’ en Afrique. Et elles ne doivent pas amener les gens à imaginer à faire des règles qui, avance-t-il, vont ‘’fragiliser’’ et causer le chaos dans les Etats du continent. ‘’Même si nous avons des pouvoirs par rapport à notre rapport au pouvoir, gardons la lucidité sur les institutions que nous avons’’, plaide M. Fall. Qui invite à parier plus sur les hommes que sur les textes.
Pour lui, le dernier référendum a apporté une réponse très ‘’claire’’ sur la question du mandat, c'est-à-dire, nul Sénégalais ne peut désormais exercer deux mandats consécutifs. Il s’agit de l’article 27 de la Constitution. En 2016, rappelle-t-il, il n’y a pas eu une nouvelle Constitution. ‘’C’est une révision de la Constitution. Et la vocation d’une disposition transitoire ou son intérêt consiste à anticiper ou à régler une question juridique qui peut se poser. Ici, celle qui se posait était le problème du mandat. Et le Conseil constitutionnel a réglé le problème’’, détaille-t-il.