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Carence de spécialistes dans le secteur de la santé: La grande épidémie
Publié le samedi 8 avril 2017  |  Enquête Plus
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Le président Macky Sall inaugure l`unité de cardiologie de l`hôpital Le Dantec
Dakar, le 20 Janvier 2015 - Le président Macky Sall a inauguré l`unité de cardiologie interventionnelle et du service de radiologie de l`hôpital Aristide Le Dantec. C`est en présence du ministre de la santé et de l`action sociale.




Les ressources humaines ont toujours été un problème majeur du secteur de la Santé. Mais aujourd’hui, face à la montée de certaines maladies, le manque de spécialistes et leur mal répartition à travers le territoire sont plus que jamais mis à nu. Et dans la plupart des cas, ni la formation ni le matériel ne permettent d’être optimiste quant à l’avenir.

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OPHTALMOLOGISTES, PNEUMOLOGUES

La maladie de l’effectif

Au Sénégal, mieux vaut ne pas avoir mal aux yeux ou souffrir de maladies respiratoires si on n’a pas les moyens. Le nombre est insuffisant, le personnel vieillissant et les perspectives pas assez prometteuses du fait d’avancées timides.



Le secteur de la Santé est généralement observé sous l’angle des infrastructures, du plateau technique et de la qualité d’accueil. Il y a pourtant un point important qui impacte considérablement sur la qualité des soins : il s’agit du nombre et de la répartition des médecins spécialisés. Dans presque tous les domaines, le Sénégal connaît un déficit de spécialistes doublé d’une répartition inéquitable sur le territoire national.

Pour un organe aussi sensible que l’œil avec une prévalence de cécité de 1,42%, le pays dispose de 63 ophtalmologistes pour 14 millions d’habitants. Le ratio n’est pas mal, mais il est insuffisant pour faire face aux besoins de la population. Ce qui constitue des obstacles à la lutte contre les maladies oculaires. ‘’C’est vrai qu’avec un ophtalmologiste pour 230 000 habitants, le Sénégal est dans les normes de l’Organisation mondiale de la Santé qui préconise un ophtalmologiste pour 250 000 habitants’’, explique le coordonnateur du programme national de la santé oculaire, Dr Boubacar Sarr. Mais le ratio de couverture cache d’autres réalités. En effet, parmi les 63 ophtalmologues, seuls les 36 sont dans le public, les 27 autres étant dans le secteur privé. De ce fait, dans le secteur public, il y a un spécialiste pour 400 000 habitants, autrement dit, en-deçà des normes de l’OMS.

Au-delà de cette insuffisance de spécialistes de la vue dans le secteur public notamment, il y a la disparité en régions médicales. En effet, sur le total général (63), les 57 se trouvent à Dakar, laissant l’intérieur du pays presque totalement dépourvu. A ce jour, 8 régions sur 14 n’ont pas d’ophtalmologistes. Il s’agit des régions de Tambacounda, Kédougou, Kaffrine, Louga, Diourbel, Kolda, Sédhiou et Fatick. En d’autres termes, les localités centres et frontalières sont délaissées au profit de la zone côtière. Ainsi, Dr Sarr recommande le recrutement de 3 ophtalmologistes par année pendant 3 ans.

Personnel vieillissant

A la question du nombre s’ajoute celle de l’âge des spécialistes qui aujourd’hui sont vieillissants. D’où la nécessité de faire plus d’efforts dans le sens d’une formation intensive. ‘’Mais former ne suffit pas, il faut aussi s’assurer qu’il y a une bonne distribution. Il faut trouver des mesures incitatives pour ceux qui sont à l’intérieur du pays. Que le ministère s’attelle au relèvement du plateau technique dans certaines structures’’, préconise Boubacar Sarr.

De façon plus globale, ce spécialiste de l’œil souhaite que les gouvernants intègrent la santé oculaire dans leurs politiques sectorielles. ‘’Il faut que les gouvernements et les partenaires intensifient leurs actions. Nous voulons réduire à 1% la prévalence des maladies oculaires’’, relève-t-il.

Il reconnaît tout de même que beaucoup d’efforts ont été faits dans la lutte contre les maladies oculaires. Par exemple, avec la cataracte, les interventions sont passées de 5 000 chirurgies à 13 000. Mais même avec cette augmentation, ils sont loin de couvrir les besoins. Il reste beaucoup à faire dans la lutte contre le trachome. Depuis 5 ans, des efforts intenses sont menés en termes de traitement de masse, ce qui a permis d’avoir 5 000 cas de trachome opérés chaque année.

Bien qu’insuffisant, le nombre d’ophtalmologues est pourtant largement supérieur à celui des spécialistes du poumon. En tout et pour tout, le Sénégal compte 15 pneumologues, en dépit de ce qu’il y a comme maladies respiratoires dans le pays.

‘’Le ratio est largement insuffisant’’, admet le Professeur Yassine Dia Kane de l’Hôpital de Fann. Et il n’est pas sûr que les ‘’quelques étudiants’’ en formation puissent aider à combler le gap. Car le nombre est déjà insuffisant à Dakar, alors que la majorité des spécialistes s’y concentrent. Sur les 15, tous les 11 sont dans la capitale. Les trois restants sont respectivement à Saint-Louis, Thiès, et Ziguinchor. Ce qui n’est pas forcément l’exclusivité d’une spécialité. En réalité, ça va même au-delà des ressources humaines. ‘’Ce n’est pas une chose qui est propre à la discipline de la pneumologie, c’est généralisé. Il n’y a vraiment pas d’équilibre sur le plan matériel et humain’’, regrette-t-elle.

Si le patient est solvable, il est référé…

Et pourtant, les évacuations sanitaires ne sont pas légion si l’on en croit Dr Dia Kane. ‘’Très peu de gens font recours aux soins extérieurs. Parce que parfois, sur le plan financier, ils n’ont pas tous accès aux examens supplémentaires demandés’’, avoue-t-elle. Il faut donc faire avec les moyens du bord. Mais comment ? Car il existe des pathologies dont le diagnostic nécessite un matériel spécifique pas toujours disponible. Si le patient est solvable, explique-t-elle, il lui est demandé d’aller dans une autre structure où il pourra être pris en charge. Si c’est un pauvre par contre…

Rien que pour l’asthme, l’Hôpital de Fann est à 9,1% des consultations, sans compter la non-disponibilité du matériel adéquat pour le travail et ceux qui ne viennent pas se faire consulter pour une raison ou une autre. Et vu l’absence de statistiques nationales réparties selon les malades, il sera sans doute plus difficile de mener une politique plus ciblée pour faire face à la demande. ‘’Il y a beaucoup de travaux à faire, surtout dans l’estimation réelle des pathologies que nous rencontrons’’, soutient la spécialiste.

De la même manière, il reste d’énormes efforts à consentir pour faire face aux maladies les plus connues et s’orienter vers les nouvelles tendances. ‘’Nous voulons nous occuper des pathologies liées à l’environnement. Nous comptons aussi développer la prise en charge des pathologies respiratoires au cours du sommeil. Il reste encore beaucoup à faire’’, souligne Dr Kane.
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