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Bilan justice: Entre emprisonnements et réformes
Publié le lundi 27 mars 2017  |  Enquête Plus
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© aDakar.com par DR
Me Sidiki Kaba, Garde des Sceaux, ministre de la justice




Lors de sa conquête du pouvoir en 2012, le candidat Macky Sall avait promis d’importantes réformes en vue d’avoir une justice indépendante et moderne. Cinq ans après son arrivée à la magistrature suprême, la rupture qu’il a tant prônée semble être une chimère. Même si certaines réformes ont été réalisées, beaucoup de promesses tardent à être concrétisées, à deux ans de la fin de son mandat. Sans compter les nombreux cas d’emprisonnements d’opposants.

Justice indépendante et moderne. C’était l’une des promesses phares de Macky Sall, lors de sa conquête du pouvoir en 2012. Dans son programme Yoonu yokkute, l’actuel Président soulignait : ‘’Mis sous tutelle du pouvoir exécutif, instrumentalisé par ce dernier et insuffisamment doté en ressources humaines et matérielles, le pouvoir judiciaire n’est pas toujours en mesure d’assurer pleinement ses missions dans l’impartialité et l’indépendance.

Mettre fin à cet état de fait exige de renforcer l’indépendance du Conseil Supérieur de la Magistrature par sa composition, son organisation et par son fonctionnement. Nous engagerons des réformes de fond de nos textes de lois afin de moderniser notre code civil et pénal, revoir nos procédures afin de garantir une plus grande diligence, agilité et rapidité de la justice et rendre effective la garantie d’un procès juste, équitable et dans un délai raisonnable’’.

Cinq ans après, une certaine opinion pense qu’en lieu et place d’une modernisation, il y a plutôt une ‘’instrumentalisation de la justice pour des règlements de comptes politiques’’. Ceci compte tenu du déroulement de la traque des biens mal acquis. En fait, considérée comme une demande sociale, la reddition des comptes a pris les relents d’un règlement de comptes politiques, aux yeux de beaucoup d’observateurs. En effet, en novembre 2012, aux premières heures de la traque, l’ex-Procureur spécial Alioune Ndao annonçait l’ouverture d’une instruction contre Karim Meïssa Wade, Oumar Sarr, Abdoulaye Baldé, Tahibou Ndiaye (ancien directeur du Cadastre), Doudou Diagne (ex-directeur de l'Urbanisme), Madické Niang et Samuel Sarr par la Cour de répression de l'enrichissement illicite (CREI).

Sur cette liste de 25 personnalités de l’ancien régime ciblées dans le cadre de la traque des biens mal acquis, seuls Karim Wade, Tahibou Ndiaye, Abdoulaye Baldé et Aïda Ndiongue sont poursuivis. Cependant, outre l’ex-directeur du Cadastre, le fils de l’ex-Président a été le seul à être jugé et condamné par la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) à 6 ans ferme et à payer...138 milliards F CFA d’amende. C’était le 23 mars 2015. Encore que le fils de l’ex-Président Wade n’a pas purgé sa peine. Le 24 juin 2016, il a été gracié et extradé vers Dubaï nuitamment, au moment où tout le peuple sénégalais était plongé dans les bras de Morphée.

Cette libération en catimini n’a fait que raviver la suspicion des Sénégalais d’autant plus qu’entre-temps, certains libéraux comme Awa Ndiaye et Ousmane Ngom, qui faisaient l’objet de poursuites, ont fini par être lavés de tout soupçon de malversations à la faveur d’une transhumance vers le parti présidentiel, l’Alliance pour la République (APR). Pourtant le 3 avril 2012, d’un ton ferme, le président Macky Sall disait : ‘’À tous ceux qui assument une part de responsabilité dans la gestion des deniers publics, je tiens à préciser que je ne protègerai personne. Je dis bien personne.’’ Mais pour ceux qui sont restés dans les prairies bleues, l’action judiciaire se poursuit, mais avec une instruction qui avance à pas de caméléon. Alors que certains, comme Abdoulaye Baldé et Oumar Sarr, font l’objet d’une interdiction de sortie de territoire.

Entre 2012 et aujourd’hui, ils sont des dizaines d’opposants à avoir été emprisonnés. Appartenir à l’opposition semble être érigé en délit. La preuve, plusieurs membres du Comité directeur du Parti démocratique sénégalais ont été envoyés en prison pour des délits d’opinion ou sur la base de l’article 80. Oumar Sarr, Bara Gaye, Samuel Sarr, Me El Hadj Amadou Sall, Toussaint Manga pour ne citer que ceux-là. Après le Parti démocratique sénégalais soumis au rouleau compresseur de la Justice pendant trois ans, c’est désormais au tour de la coalition Taxawu Dakar de passer sous la guillotine.

Des avancées et des réformes

Le leader de ladite coalition n’est pas épargné, puisque le maire de Dakar est en prison, depuis le 7 mars dernier, avec cinq de ses collaborateurs, pour association de malfaiteurs, détournement de deniers publics, escroquerie portant sur des deniers publics et blanchiment. Khalifa Sall est accusé de mauvaise gestion de la caisse d’avance de la ville. Mais il semble faire les frais de son conflit ouvert avec le secrétaire général du PS, Ousmane Tanor Dieng. Les mêmes raisons justifieraient l’emprisonnement du maire Bamba Fall et d’autres élus socialistes. Le maire de la Médina et ses coïnculpés en prison, depuis le 9 janvier dernier, sont accusés de tentative d’assassinat.

En dehors de cette série d’arrestations, des acquis ont été notés au cours de ces cinq années, même si certaines réformes ont mis du temps à prendre forme. En effet, l’objectif de modernisation de la Justice a amené les pouvoirs publics à réaménager l’organisation du service public de la Justice pour une meilleure distribution et une plus grande efficacité afin d’accroître ses performances. C’est dans ce sens que, le 27 octobre 2014, l’Assemblée nationale a voté la loi 2014-26 du 03 novembre 2014 portant réforme de l’organisation judiciaire du Sénégal. Ladite loi consacre la création des tribunaux de grande instance et des tribunaux d’instance à la place des tribunaux régionaux et départementaux.

Elle décrit ainsi la nouvelle carte judiciaire du Sénégal avec comme corollaire : la création de tribunaux d’instance à la place des tribunaux départementaux et de tribunaux de grande instance à la place des tribunaux régionaux. La nouvelle loi modifie en même temps celle n°65-61 du 21 juillet 1965 portant code de procédure pénale. Elle consacre en même temps l’institution des Chambres criminelles en lieu et place des Cours d’assises. L’implantation de ces Chambres criminelles répond au souci de lutter contre les longues détentions préventives. Pour autant, le problème n’était pas encore résolu, puisque la Chambre ne siégeait que tous les 4 mois, ou bien même au-delà. Mais depuis quelques mois, elle est devenue permanente et siège tous les mois, à la faveur de modifications.

Le régime de Macky Sall aura également le mérite de concrétiser la réforme du Code pénal et le Code de procédure pénale qui était en gestation depuis longtemps. Et c’est en 2016 que les projets de loi n°25/2016 modifiant la loi n°65-60 du 21 juillet 1965 portant Code pénal et celle n°26/2016 modifiant la loi n°65-61 du 21 juillet 1965 ont été adoptés par l’Assemblée nationale, avant d’être promulgués par le président de la République.

Selon l’exposé des motifs, les modifications au Code pénal permettent la création de nouvelles incriminations, telles que l’atteinte à la vie privée et à la représentation de la personne par captation d’image ou de son, la mise en danger d’autrui et la fausse alerte. La lutte contre le terrorisme préoccupe beaucoup, puisque les actes en lien avec ce fléau sont désormais incriminés. Quant à la réforme sur le Code de procédure pénale, elle répond à une vieille revendication des avocats qui ont toujours exigé le respect de règlement n°5 relatif à la profession d’avocat. Ainsi la réforme autorise-t-elle la présence de l’avocat dès l’interpellation de la personne. Mais l’application est loin d’être effective, car des policiers et gendarmes font encore de la résistance.

Par ailleurs, il faut également inscrire dans ces acquis la réforme de la magistrature, de la loi organique portant organisation du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) et celui abrogeant et remplaçant la loi organique n°2008-35 du 8 août 2008 sur la Cour suprême. Ces changements sont considérés comme une révolution par le gouvernement, dans la mesure où ces innovations majeures sont censées consacrer plus de transparence dans la gestion de la carrière des magistrats. Sauf que l’Union des magistrats sénégalais a décelé une discrimination au niveau de ce nouveau statut des magistrats, puisque l’âge de la retraite passe de 65 à 68 ans pour exclusivement certains magistrats, en l’occurrence le Premier président, le Procureur général, les présidents de chambres de la Cour suprême, les Premiers présidents et Procureurs généraux près les Cours d’appel.

Toujours dans cette dynamique de ‘’révolution’’, les renseignements évoluent désormais dans un cadre juridique grâce au pouvoir en place. Qui, il y a un an, notamment le 20 mars 2016, a soumis au peuple une réforme constitutionnelle répartie en 15 points. Bien que peuple ait voté massivement OUI, certains points tardent à être traduits en acte. C’est le cas du renforcement des droits de l’opposition et de son Chef, la désignation par le Président de l’Assemblée nationale de 2 des 7 membres du Conseil constitutionnel.
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