Le fondateur de la confrérie khadrya, Cheikh Saad Bouh (1848-1917), occupe ’’une place centrale dans la tradition de mise en cause du jihad’’, la guerre sainte telle que vulgarisée actuellement par les groupes islamistes, ont indiqué plusieurs experts, à l’ouverture d’un colloque international consacré au centenaire de la disparition de ce chef spirituel.
Prévu pour deux jours, ce colloque se tient à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD), avec l’ambition de "faire connaitre l’immense production de Cheikh Saad Bouh et permettre (…) de diffuser son patrimoine spirituel, éducationnel, social et scientifique" explique Cheikh Abdou Sow, porte-parole de Chérif Mamoune Aidara, petit fils de Cheikh Saad Bouh.
Selon le recteur de l’Université Cheikh Anta Diop, Ibrahima Thioub, Cheikh Saad Bouh "a développé une opposition radicale au jihad, non dans le principe mais au regard de la conjoncture du contexte et des rapports de force" de son époque.
"La position de Cheikhna Cheikh Saad Bouh a exercé une influence certaine sur les cheikhs soufis qui s’affirment dans cette période de rupture et dont il est l’un des plus grands théoriciens", a soutenu Thioub, historien de formation.
Ainsi a-t-il rappelé que Cheikh Saad Bouh avait rédigé en 1906 sa "fameuse lettre" dans laquelle il formulait des conseils à son frère ainé Malaynine qui deux ans auparavant avait déclaré licite le jihad contre le système colonial.
"Cette lettre est un chef d’œuvre de fidélité à la doctrine de la Fadhiliya en matière de guerre sainte, car il y construit un solide argumentaire adossé sur des références historiques précises dans l’expérience de l’islam", explique M. Thioub, selon qui cette lettre a ensuite été "vite traduite, publiée et largement diffusée" par la colonie pour contrer les projets de jihad.
Le professeur Iba Der Thiam, agrégé d’histoire, est lui aussi revenu longuement sur le contexte de la propagation de la khadriya en Afrique noire notamment.
Il a rappelé que "Cheikh Saad Bouh avait la réputation d’être un chef religieux prestigieux, respecté, honoré, un auteur de prodige disposant d’une influence certaine sur ses fidèles et la population particulièrement celle de Saint Louis, Louga, Casamance, Guinée Bissau et Conakry, Gambie etc.’’
"Le rôle que la khadrya a joué dans l’islamisation de la Sénégambie a en effet été vital", a souligné Iba Der Thiam non sans évoquer les "relations particulières" que le guide entretenait avec El Hadj Malick Sy, l’un des propagateurs de la tidjania en Afrique de l’Ouest, et Cheikh Ahmadou Bamba, fondateur du mouridisme.
Plusieurs experts venus des Etats-Unis, d’Europe, d’Afrique du Nord et du Sénégal participent à ce colloque international qui devrait permettre de revisiter la vie et l’œuvre de Cheikh Saadbouh et de mettre en exergue "l’actualité de ses messages".