2012-2017. 5 ans de cohabitation heurtée entre les autorités étatiques et les syndicats d’enseignants, malgré la signature d’un protocole d’accords entre les deux parties en février 2013. Les syndicats d’enseignants continuent de mener le combat pour la matérialisation des accords, allant jusqu’à ne pas restituer les notes des élèves et bloquer, par ricochet, tout le système éducatif. Le gouvernement brandit le sabre et menaça de révocation avec suspension du droit à la pension, pour le fonctionnaire ; de licenciement sans préavis, ni indemnité autre que, le cas échéant, l’indemnité compensatrice de congés, pour l’agent non-fonctionnaire, de plus de 5000 enseignants. C’est le début d’une tension permanente entre les deux parties, accentuée par l’affaire des 690 élèves maitres.
1981. Une année inscrite dans l’histoire de la vie scolaire du Sénégal. Le gouvernement d’alors suspendit 38 militants du SUDES, procède à la rétention de l’intégralité du salaire de 35 enseignants, la révocation de 88 enseignants, le licenciement 31 enseignants et une mutation d’office de 200 professeurs. La nouvelle tomba comme un couperet et plaça le pays dans une crise sans précédent. Ce même scénario a failli se reproduire l’année dernière après un long mouvement de grève des syndicats d’enseignants. Plus de 5000 enseignants sont ainsi menacés de révocation avec suspension du droit à la pension, pour le fonctionnaire ; de licenciement sans préavis, ni indemnité autre que, le cas échéant, l’indemnité compensatrice de congés, pour l’agent non-fonctionnaire.
Dans un communiqué en date du vendredi 10 juin 2016, le gouvernement donne aux enseignants 24 heures, à compter du lundi 13 juin à 8 heures, pour se conformer à l’ordre de réquisition. Il aura fallu l’intervention des foyers religieux, notamment Tivaouane et Touba pour éviter que le pire se reproduise et apporter un climat d’apaisement dans l’espace scolaire. Serigne Abdoul Aziz Sy Al Amine, alors porte-parole du Khalife général des Tidianes, avait obtenu une levée des sanctions prévues par les autorités qui exigent par ailleurs une restitution des notes des élèves.
Sentant l’étau se resserrait contre eux (syndicalistes), les « jusqu’auboutistes» «impliquent» les autorités religieuses, nous confiait une source proche du département de l’éducation nationale. Et d’informer que : «le ministère a fait le décompte. Jusqu’à hier (samedi, Ndlr), 2500 voire 3000 sur les 7000 enseignants avaient rendu les copies». Les syndicats d’enseignants font profil bas grâce aux interventions des guides religieux. Ils diffèrent leur combat pour la matérialisation des accords signés.
A part les événements de 1981, jamais les syndicats d’enseignants n’ont été contraints à boire le calice jusqu’à la lie. De 2012 à 2017, le gouvernement, en dépit de la signature du protocole d’accords au terme d’âpres et de longues négociations, le 17 février 2014, a réussi à tenir tête les syndicats d’enseignants. En dépit d’une application timide des points du protocole d’accords, la tension entre le gouvernement et les syndicats d’enseignants atteignent le sommet. Les décisions présidentielles sur les Assises nationales de l’éducation et de la formation auront été vaines, car n’ayant pas pu décrisper le climat de tension scolaire.
Les interventions d’une pléiade de médiateurs pour apaiser la tension entre syndicats d’enseignants et autorités étatiques ont eu un air de déjà-vu.
Si le régime de Macky Sall a eu la prouesse de tenir des rencontres nationales pour l’éducation, la formation et l’enseignement supérieur, il n’en demeure pas moins qu’il n’y a toutefois pas une cohabitation sereine entre les autorités et les enseignants.
L’affaire très controversée des 690 élèves-maîtres
L’affaire très controversée des 690 élèves-maîtres en 2014, exclus des Centres régionaux de formation des personnels de l’éducation pour fraude, portée devant la justice par ces derniers, vient s’ajouter aux menaces de radiation des enseignants en 2016. Le ministre Serigne Mbaye Thiam décèle 690 cas de fraude sur les 2.545 candidats admis au concours de recrutement des élèves-maîtres (CREM) 2013-2014. Le ministre de l’Education décida d’annuler leur admission et les faire remplacer par la liste d’entente.
Constitués en collectif, les 690 élèves maitres incriminés décidèrent de porter l’affaire devant la Cour suprême pour attaquer l’arrêté n°38 16 du 24 juillet 2014 annulant leur admission après 5 mois de formation dans les Centres régionaux de formation du personnel de l’Education (Crfpe).Les élèves-maîtres ont eu raison devant leur ministre de tutelle. En effet, la Cour suprême a pris la décision, le 23 septembre, d’annuler l’arrêté pris en Conseil des ministres.
«Les conclusions de la décision de la Cour ont relevé que le ministre de l’Education est allé trop vite en besogne. Il n’était pas suffisamment entouré de garanties judiciaires pour prendre cette décision. On ne dit pas qu’il n’y a pas de fraude, mais la procédure utilisée par le ministère ne respectait pas l’orthodoxie dans ce domaine», avait souligné Me Aliou Sow, avocat du collectif des élèves-maîtres.
La décision de la chambre administrative de la Cour suprême en est une, son application, notamment l’intégration des 690 élèves maitres en est une autre. Car, les autorités étatiques ont montré leur détermination pour ne pas intégrer les «fraudeurs», pour, disent-elles, la promotion de la qualité des enseignements. En plus de l’Exécutif, Serigne Mbaye Thiam obtint le soutien de taille des députés.
Lors du vote du budget de son département en décembre 2015, l’Assemblée nationale «casse» l’arrêt de la Cour suprême et exhorta le gouvernement à être ferme à l’égard des élèves-maitres exclus et de ne jamais envisager leur réintégration ni dans la formation, ni dans la fonction enseignante. Le président du groupe parlementaire de la majorité, Moustapha Diakhaté, lança un front national pour lutter contre la fraude et annonça la réouverture d’une résolution de soutien pour la lutte contre la fraude, déjà signée par plus de 60 députés.
«Vous avez la représentation nationale avec vous pour sortir l’école sénégalaise de la fraude et des fraudeurs», soutenait Moustapha Diakhaté.
Le président de la République revient à la charge pour soutenir son ministre de l’Education en le félicitant de son combat contre la non transparence dans le secteur éducatif. «Vous avez tout mon soutien Monsieur le ministre sur cette question. Donc, soyez rassuré que nous ne saurions tolérer que l’avenir de la jeunesse de ce pays soit compromis par des comportements indignes», disait Macky Sall lors de l’inauguration d’un bloc scientifique et technique de Tivaouane, le vendredi 11 décembre 2015.
Au moment où les élèves maitres continuent d’exiger leur intégration, Serigne Mbaye Thiam pour se conformer à la procédure, réunit, à nouveau, le jury qui confirma la fraude. Pour poursuivre sa politique de gouvernance transparente, dit-il, le ministre jette de l’huile sur le feu en indiquant que «seuls 9% des enseignants peuvent enseigner le français, 39% peuvent enseigner en français, 7% des enseignants testés sont des utilisateurs novices du français et que les autres ont un niveau qui mérite d’être renforcé».
Il fait cette sortie à la suite d’un test de connaissance du français, effectué sur un échantillon d’enseignants, en juin dernier 2014, par le ministère.
Baisse du recrutement des enseignants
Pendant ce temps-là, le gouvernement procède à la baisse du recrutement des enseignants. En 2015, les autorités recrutent 2300 élèves maitres contre 2 568 en 2014, soit une baisse de 10,43%. Le nombre de professeurs recrutés est passé de 1930 en 2014 à 1446 en 2015, soit une baisse de 25%, au niveau du moyen secondaire générale. Un recul net est noté au niveau des vacataires (57 en 2015) contre 525 (dont 368 de la Formation payante de la FASTEF) en 2014, soit 89,14 %. Cette tendance baissière se poursuit au niveau des professeurs contractuels.
En effet, ils sont passés de 1389 en 2015 contre 1405 en 2014, soit une baisse de 1,13 %. En 2015, le gouvernement annula l’admission au Concours d’entrée à la Faculté des sciences et technologies de l’éducation et de la formation (Fastef). Ils étaient 17 000 candidats à subir les épreuves du Concours d’entrée en octobre 2015. Les autorités parlent de suspension provisoire.