La bataille de la mobilisation et de la massification, en perspective des Législatives du 30 juillet prochain, aurait-elle démarré sans le coup d’envoi officiel de la Direction générale des élections (Ministère de l’Intérieur) ? En tout cas, tout porte à le croire au niveau du camp présidentiel dont le chef de file, Macky Sall, semble profiter de sa tournée économique dans le nord du pays pour battre le rappel des troupes dans son propre camp.
Entre bains de foule, audiences calfeutrées de responsables politiques, conciliation des positions en vue des prochaines investitures aux législatives, le patron de l’Apr abat le travail de terrain en perspective des joutes de juillet. Comme la tête de liste «officieuse» de Bby aux législatives ! Le verdict des urnes révélera, au lendemain de l’élection des 165 membres de la treizième législature si cette séquence de campagne électorale qui ne dit pas son nom et qui se fait sur le dos de l’opposition est porteuse d’un quelconque dividende politique.
La bataille de la treizième législature entre un camp présidentiel invité à renouveler sa majorité parlementaire et une opposition soucieuse d’imposer, vaille que vaille, une cohabitation au niveau de l’hémicycle, semble bien engagée pour le chef de file de l’Apr et de la coalition au pouvoir. Entre bains de foule, audiences calfeutrées, visites de proximité, conciliation des positions des uns et des autres dans son propre camp, Macky Sall donne l’impression de profiter de sa tournée économique dans le nord du Sénégal pour ratisser large, en termes de massification et de mobilisation en perspective des législatives du 30 juillet prochain. Des joutes devant consacrer l’avènement de 165 élus au niveau de l’institution parlementaire.
A Saint-Louis, Podor, Matam comme dans les localités environnantes, le chef de file de Bennoo Bokk Yaakaar n’a pas seulement drainé les foules, il s’est également investi dans une campagne dynamique de rassemblement et de séduction des populations autour de la matérialité des politiques publiques exécutées par l’entremise du Programme Sénégal émergent (Pse) et autre Programme d’urgence de développement communautaire (Pudc). Une précampagne électorale avant l’heure, avant même le coup d’envoi officiel de la Direction générale des élections (Dge) du ministère de l’Intérieur.
A quelques 04 mois des élections législatives, Macky Sall s’évertue, en vérité, à doubler l’opposition dans la quête de l’électorat sénégalais. Le prétexte certes républicain, une tournée économique qui vise à constater l’état d’avancement des projets régionaux et/ou le lancement de certains travaux (axes Ndioum-Ourossogui-Bakel) ou de leur inauguration, n’en reste pas moins une séquence de campagne électorale qui ne dit pas son nom. Après les Conseils de ministres décentralisés et la première vague des tournées économiques, Macky Sall a encore repris subrepticement son bâton de pèlerin, voire de… héraut pour mobiliser les troupes et revigorer les forces, surtout adoucir la guerre des tranchées qui se profile entre responsables départements de son camp en perspective des investitures aux législatives.
Au nez et à la barbe d’une opposition qui a toujours qualifié ces tournées économiques de campagne électorale déguisée, le chef de file du parti au pouvoir massifie et mobilise dans le nord du pays, concilie les positions en prêchant l’unité des responsables de la mouvance présidentielle et clarifie le jeu auprès de ses leaders locaux en route vers les législatives.
En véritable tête de liste de Bennoo Bokk Yaakaar aux législatives, Macky Sall balise le terrain pour celui-ci là-même (Moustapha Niasse ou autre) qui sera appelé à conduire la coalition présidentielle aux joutes de juillet prochain.
Revêtu de la toge de fin stratège, le maître du jeu qui anticipe la campagne électorale aux Législatives est en passe de réussir virtuellement, en attendant le verdict des urnes, son coup. Même si ces mobilisations et bains de foule monstres constatés dans le Nord du pays, de Saint-Louis à Matam, en passant par Podor, se font par des décaissements massifs d’argent sur le dos d’un «Gorgorlu» en butte à la flambée des prix des denrées de première nécessité. Mais, l’air de rien, Macky Sall est aussi en passe de répliquer de manière forcenée aux multiples tournées nationales des divers leaders de l’opposition qui s’investissent, depuis plus de trois années, à rassembler leurs forces dans les moindres recoins du pays. Au soir du 30 juillet prochain, le citoyen lambda dira si cette campagne électorale anticipée aura été à la base d’un quelconque dividende pour le maître du jeu politique, de surcroît quatrième président du Sénégal. Au nez et à la barbe de son opposition !
ECLAIRAGES DE SPECIALISTES
MOMAR SEYNI NDIAYE, ANALYSTE POLITIQUE : «Macky n’a pas eu le bon réflexe d’engager cette tournée au moment où ces affaires judiciaires ont éclaté»
auaiaD’abord, c’est une occasion pour eux de mesurer leur niveau de popularité et d’impopularité mais aussi une opportunité pour réunir les responsables à la base afin de pouvoir tenter une sorte de médiation. Les élections sont un moment difficile car elles sont marquées par beaucoup de tensions, des divergences parfois très violentes et à peu près compréhensibles pour le chef de l’Etat comme pour tous ses prédécesseurs. On peut constater que, très souvent, les chefs de l’Etat commencent leurs tournées dans le Fouta parce que c’est plus commode de commencer dans le nord, ensuite de descendre vers le centre et le sud. Cependant, je pense que le fait de coïncider la tournée avec la mise en détention de Khalifa Sall ne me parait pas être un bon choix. D’abord, l’attention des medias va être focalisée davantage sur l’affaire Khalifa Sall que sur la tournée du chef de l’Etat. Du point de vue des intérêts, les medias auront plus tendance à s’orienter sur les péripéties de la détention provisoire de Khalifa Sall que sur le bilan économique que le président va présenter aux populations de cette zone. Parce que l’objectif de ces tournées, c’est d’effectuer un état des lieux des promesses faites mais aussi faire de nouvelles promesses en direction des élections. Si ces promesses ou bilans ne sont pas visibles ou audibles parce qu’il y a des événements qui les plombent, je peux dire que le président a fait un coup presque pour rien parce qu’en vérité, on ne retiendra pas grand-chose de sa tournée. Pour la simple raison que l’actualité est focalisée sur les événements politico-judiciaires qui sont en train de se dérouler actuellement. Et je ne pense pas que le président ait le bon réflexe d’engager cette tournée au moment où ces affaires judiciaires ont éclaté.
MAURICE SOUDIECK DIONE, DOCTEUR EN SCIENCE POLITIQUE ET ENSEIGNANT-CHERCHEUR À L’UNIVERSITÉ GASTON BERGER DE SAINT-LOUIS : «Le Président Sall engrange un dividende politique dans cette campagne prématurée mais non déguisée»
Effectivement, le Président Sall engrange un dividende politique, car cela lui permet prématurément de descendre sur le terrain politique, sans tomber sous le coup des dispositions de l’article L 61 de la loi n° 2014-18 du 15 avril 2014 portant Code électoral, en ses alinéas 1 et 2, qui disent que : « Durant les trente (30) jours précédant l’ouverture de la campagne officielle électorale, est interdite toute propagande déguisée ayant pour support les médias nationaux publics et privés. Sont considérés au sens de la présente loi comme actes de propagande électorale déguisée, toute manifestation ou déclaration publique de soutien à un candidat ou à un parti politique ou coalition de partis politiques, faite directement ou indirectement par toute personne ou association ou groupement de personnes quels qu’en soient la qualité, nature ou caractère. Sont assimilées à des propagandes ou campagnes déguisées, les visites et tournées à caractère économique, sociale ou autrement qualifiées, effectuées par toutes autorités de l’État sur le territoire national et qui donnent lieu à de telles manifestations ou déclarations». Mieux, cette campagne prématurée donc mais non déguisée, offre au président de la République l’opportunité de mener une vaste opération de communication et de propagande à l’échelle nationale, par le biais des médias publics, notamment la Radio télévision sénégalaise (Rts), et des médias privés à travers des publi-reportages. Ce qui n’est pas possible pendant la campagne électorale où le Conseil national de régulation de l’audiovisuel veille à l’équité des candidats et listes de candidats, dans l’accès aux organes médiatiques.