Dakar, 8 mars 2017 (AFP) - Le maire de Dakar, Khalifa Sall, dissident de la majorité au pouvoir et probable candidat à la présidentielle de 2019 au Sénégal, a été inculpé et écroué pour détournement présumé de fonds publics, une arrestation visant selon ses avocats à l'écarter des élections.
Les chefs d'inculpation retenus à son encontre sont ceux "d'escroquerie portant sur des deniers publics, de détournement de deniers publics, d'association de malfaiteurs, et de blanchiment de capitaux", a affirmé à l'AFP un de ses avocats, Me Bamba Cissé.
Il a été inculpé et écroué avec cinq de ses collaborateurs par le juge d'instruction, selon Me Cissé.
Ancien ministre, Khalifa Sall dirige la capitale du Sénégal depuis 2009. Il est un des responsables du Parti socialiste (PS), formation membre de la coalition au pouvoir. Mais en dissidence au sein de son parti et dans la coalition présidentielle, il est perçu comme un probable candidat à la
présidentielle et potentiel adversaire sérieux de l'actuel chef de l'Etat Macky Sall.
Après avoir présenté à Dakar une liste dissidente victorieuse aux élections locales de 2014, Khalifa Sall s'est davantage ancré contre la coalition présidentielle en appelant d'abord à voter non au référendum pour la révision constitutionnelle proposée par Macky Sall en mars 2016.
Récemment, il a annoncé une liste distincte de celle de la majorité aux législatives prévues le 30 juillet.
Pour le collectif de ses avocats, son incarcération vise à le freiner "dans ses ambitions politiques en l'empêchant de se présenter" aux prochains scrutins.
Le 3 mars, le procureur de la République de Dakar, Serigne Bassirou Guèye, avait annoncé lors d'une conférence de presse qu'une information judiciaire allait être ouverte contre Khalifa Sall pour détournement de fonds présumé.
M. Guèye avait parlé d'un montant de 1,83 milliard de FCFA (plus de 2,7 millions d'euros) "pris des caisses" de la Ville de Dakar et demeurant "sans justification", se fondant sur un rapport de l'Inspection générale d'Etat (IGE).
Khalifa Sall a régulièrement réfuté ces derniers jours ces accusations. Pour ce dossier, il avait déjà été convoqué par la police judiciaire, qui l'a longuement entendu à deux reprises, les 21 et 22 février. Convoqué par lundi par le juge d'instruction, il avait vu son audition ensuite renvoyée à mardi après-midi.
- 'Prêt' -
Entre-temps, dimanche, il avait animé une longue conférence de presse, en présence de nombreux militants, en assurant qu'il allait répondre au juge sans exclure sa mise en détention. "S'il est écrit que je devrais aller en prison sur ce chemin de courage et d'honneur, alors j'y suis prêt", avait-il dit.
Mardi, les abords du Palais de justice de Dakar étaient quadrillés par les forces de l'ordre, qui y demeuraient déployées jusqu'à l'annonce, tard dans la nuit, de l'inculpation du maire de Dakar, a constaté un journaliste de l'AFP.
De plusieurs dizaines ayant afflué devant le Palais de justice mardi après-midi, les pro-Khalifa Sall n'étaient plus qu'une dizaine environ dans la soirée, à la sortie de ses avocats.
L'entourage du maire de Dakar dénonce régulièrement un "acharnement" contre Khalifa Sall et ses proches.
Un de ses soutiens, un député-maire du PS également dissident de la majorité présidentielle, Barthélémy Dias, a été condamné le 16 février à deux ans de prison dont six mois ferme pour "coups et blessures volontaires" lors de violences politiques meurtrières en 2011 à Dakar.
En outre, neuf militants du PS, tous proches de Khalifa Sall, sont accusés de violences au siège du PS et ont été inculpés en janvier de "tentative d'assassinat, destruction de biens appartenant à autrui" et écroués à Dakar à la suite d'une plainte du responsable du PS, Ousmane Tanor Dieng, fervent soutien du président Macky Sall.
Le parti du président Macky Sall, Alliance Pour la République (APR), a balayé les arguments de pro-Khalifa Sall, estimant normale la convocation du maire de Dakar par la justice dans un communiqué publié le 28 février.
Il doit "apporter les éléments de preuves et pièces justificatives de l'ensemble des dépenses exécutées" et "toute autre forme de victimisation ne peut prospérer", selon une des instances de l'APR.
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