Le procureur de la République, Serigne Bassirou Guèye, est formel. L’affaire de la caisse d’avance de la mairie de Dakar aura une suite judiciaire. Pour cause, il a annoncé au cours d’une conférence de presse organisée hier, vendredi 3 mars 2017, la saisine instante du juge d’instruction pour diligenter cette affaire qui a valu au maire de Dakar, Khalifa Sall, une audition (de deux jours) devant la Division des investigations criminelles et qui a trait à l’utilisation non justifiée de plus d’1,8 milliards de fonds publics. A l’occasion de cette rencontre avec la presse, le maître des poursuites est également sorti de sa réserve pour évoquer diverses autres affaires pendantes devant la justice (affaire Bamba Fall, affaire Barthélémy Dias, mutinerie de Rebeuss…). Non sans avertir les auteurs des nombreuses critiques contre la justice qui semblent aujourd’hui un « effet de mode », selon ses propres termes.
C’est désormais officiel. Le dossier de la caisse d’avance de la mairie de Dakar sera, dès la semaine prochaine, sur la table d’un juge d’instruction. L’information est du procureur de la République, Serigne Bassirou Guèye, qui l’a révélée hier, vendredi 03 mars, lors d’une conférence de presse. Face aux journalistes, le maitre des poursuites a déclaré qu’il va saisir un juge d’instruction pour l’ouverture d’une information judiciaire contre Khalifa Sall pour les faits «d’escroquerie portant sur les deniers publics, de détournement de deniers publics, de faux et usage de faux en écritures».
En effet, selon le maître des poursuites, «On a tenté une diversion en posant le problème autrement» alors que l’affaire de la caisse d’avance de la mairie de Dakar n’est pas politique mais plutôt celle de la justification d’un «montant d’un milliards huit cents millions qu’on a pris des caisses de la ville de Dakar sur la base de faux documents ». Dans la foulée, Serigne Bassirou Guèye a réfuté la présence d’une main politique derrière la procédure enclenchée sur le rapport de l’Inspection générale d’État (Ige) relative à la gestion de la caisse d’avance de la mairie de Dakar.
Selon ainsi le procureur de la République : « Ce qui s'est passé dans l'affaire de la caisse d'avance de la mairie de Dakar est très simple. L'Inspection générale d'Etat (Ige) dans son rapport N° 12-2016 du 24 Mars 2016 m'a saisi pour me demander dans sa recommandation N°1, l'ouverture d'une information pour élucider la manière dont les fonds ont été gérés dans la mairie de Dakar. Il s'agit là, de la caisse d'avance. Cette inspection a relevé un montant de 1,800 milliards qui ont été dépensés sans aucune forme de justification. Devant cette recommandation, je ne pouvais que saisir l'enquêteur pour tirer au clair cette affaire. Alors, la Division des investigations criminelles (Dic) a été saisie et a commencé à mener son enquête. Depuis lors, on n’a plus de calme. On a traité la justice et le procureur de tous les noms d'oiseaux et on a fait beaucoup d'amalgames ».
Et Serigne Bassirou Guèye de poursuivre : «On a parlé de politique, on n’a pas répondu aux questions. Je crois que, dans cette affaire, la première question à laquelle il fallait répondre, c'était la question du Directeur des affaires financières (Daf). Le Daf qui est aussi un proche collaborateur des Inspecteurs généraux d'Etat, a écrit, et aussi devant les enquêteurs de la Dic, a dit et répété devant Khalifa Sall en confrontation que tous les papiers et toutes les pièces qui ont été confectionnés sont faux. Il a expliqué devant les enquêteurs que tout cela était faux et n'était destiné qu'à couvrir les 30 millions de F Cfa qu'il prenait et qu'il remettait en mains propres à Khalifa Sall. C'est ça le problème mais pas de la politique». Et Serigne Bassirou Guèye d’ajouter dans la foulée : «La question était de répondre au responsable des magasins de la mairie, alors qu’on lui a posé la question de savoir est-ce que vous receviez chaque mois, de 2011 à 2015, la valeur de quinze millions de francs en mille et quinze millions en riz. Ce magasinier a dit que, de 2011 à 2015, il n’a pas reçu un grain de riz, il n’a pas vu un grain de mil et c’est un proche collaborateur de Monsieur Khalifa Sall. C’est là où se situe le problème».
Par ailleurs, le procureur de le République a également balayé d’un revers de la main la thèse du maire de Dakar sur la liste des bénéficiaires de la caisse d’avance de la mairie de Dakar. Lors de cette rencontre de presse, Serigne Bassirou Guèye a indiqué qu’aucunement, il n’a été demandé au maire Khalifa Sall de donner les noms des bénéficiaires. «Je dis devant les Sénégalais que sur plus de vingt questions qui ont été posées par les enquêteurs de la Dic, il n’a été demandé aucunement au maire Khalifa Sall de donner les noms des bénéficiaires. Le débat ne se porte pas sur ça. On n’a jamais demandé qui sont les bénéficiaires. Ce qu’on a dit, c’est qu’un milliards huit cents millions lui ont été remis en mains propres par le Daf qui l’a reconnu et on demande à ce que ça soit justifié».
LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE SUR L’ARRESTATION DU MAIRE DE LA MEDINA : « Bamba Fall et cie sont en prison au terme d'une…plainte d’Ousmane Tanor Dieng »
Le procureur de la République a dédouané hier, vendredi, la justice dans l’affaire relative aux événements qui ont eu lieu à la Maison du Parti socialiste, le 5 mars 2016. Se prononçant en effet sur ce sujet, lors de sa conférence de presse, Serigne Bassirou Guèye qui a fustigé les propos de certains partisans du maire de la Médina, accusant la justice d’être instrumentalisée, a réfuté tout relent politique derrière la procédure en cours. Face aux journalistes, le maître des poursuites a indiqué qu’il n’a fait que jouer son rôle après avoir été saisi d’une plainte par Ousmane Tanor Dieng. Lequel dénonçait, selon lui, «des violences qui auraient été commises par des éléments armés de gourdins et de machettes contre sa personne et d’autres membres du bureau politique du Parti socialiste».
Et le procureur de poursuivre : « J’ai saisi la Division des investigations criminelles (Dic) pour mener une enquête. Une enquête qui fut minutieuse et de qualité et qui a abouti à l’interpellation des sieurs Abdourahmane Mbaye, Bira Kane Ndiaye, Amath Diouf, Bassirou Samb, le maire Bamba Fall et autres. Suite à leur déferrement à mon parquet, ils furent présentés à un juge d’instruction du premier cabinet qui les a inculpés et placés sous mandat de dépôt. L’enquête suit son cours», a renseigné le maitre des poursuites. Poursuivant son propos, Serigne Bassirou Guèye a soutenu qu’il était dans l’incapacité de s’autosaisir sur cette affaire de saccage de la Maison du Parti socialiste (voir par ailleurs).
Abordant l’affaire du meurtre de Ndiaga Diouf, le 22 décembre 2011, aux alentours de la mairie de Mermoz Sacré cœur, le maitre des poursuites a confirmé sa décision d’interjeter appel au verdict prononcé par le juge du tribunal de première instance hors de classe de Dakar. Un verdict ayant pratiquement libéré le maire Barthélémy Dias de toute menace pénale.
ENQUETE SUR LA MUTINERIE DE REBEUSS : Le meurtrier d’Ibrahima Mbow toujours introuvable
Face à la presse, le procureur de la République Serigne Bassirou Guèye a révélé que l’enquête ouverte après la mutinerie de Rebeuss du 20 septembre 2016 n’a pas permis de trouver le meurtrier d’Ibrahima Mbow, le détenu décédé au cours des évènements. « Je dois l’avouer. A ce stade de l’enquête, l’auteur des faits n’a pas été identifié. Mais l’enquête se poursuit et toute personne pouvant contribuer à la manifestation de la vérité sera la bienvenue ». Serigne Bassirou Guèye appelle cependant la famille des victimes à la compréhension. Il estime en effet que l’évènement au cours duquel Ibrahima Mbow a perdu la vie est un mouvement de masse. Et en pareille situation, a-t-il dit, « il n’est pas toujours évident de connaitre l’auteur précis des faits ». Le procureur de la République a tenu toutefois à préciser « qu’aucune entrave, qu’aucun blocage, qu’aucune protection ne sera apportée à ce dossier ».
RAPPORT DE L’OFNAC INCRIMINANT DES MEMBRES DU POUVOIR EN PLACE : 11 dossiers entre les mains des collaborateurs du procureur
Interpellé par les journalistes sur l’ouverture d’enquêtes après le rapport de l’Office national de la lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac), incriminant la gestion de certains responsables politiques et particulièrement du pouvoir en place, Serigne Bassirou Guèye s’est voulu clair. « J’ai remis les dossiers que j’ai reçus aux membres de la section financière du parquet. Ils sont en train de les étudier. Ils font faire des rapports et, très bientôt, je reviendrai pour aborder la question». Néanmoins, le maître des poursuites a tenu à rajouter : «Je sais qu’il y a beaucoup de bruits qui ont été distillés sur le rapport de l’Ofnac mais je vous en parlerai et vous verrez que c’est comme un mauvais gruyère. Il y a plus de trous que de fromage ». Sans commentaires !
CRITIQUES PORTEES CONTRE LA JUSTICE ! Serigne Bassirou Guèye siffle la fin de la récréation
Gare à ceux qui s’aventureront désormais à dire du mal de la justice sénégalaise ! Pour cause, le procureur de la République est sorti de sa réserve hier, vendredi 03 mars, pour remettre les pendules à l’heure et…avertir. En conférence de presse, Serigne Bassirou Guèye a estimé en effet qu’aucune tolérance ne sera accordée aux détracteurs de la justice. « Je ne vais plus permettre à qui que ce soit, de quel bord qu’il puisse se situer, de continuer à invectiver les magistrats, à atteindre l’honorabilité des magistrats et à jeter le discrédit sur la justice. C’est terminé. Il faut que cela cesse ». Le chef du parquet est de fait sorti de ses gonds pour dénoncer ce qui est devenu, à son avis, « un effet de mode ».
Revenant sur les faits qui sont à l’origine de cette sortie musclée contre les détracteurs de la justice, Serigne Bassirou Guèye citera la polémique issue de l’arrestation du maire de la Médina Bamba Fall et ses co-accusés, poursuivis dans le cadre de l’enquête liée au saccage de la Maison du Parti socialiste. « On a tout entendu : une justice manipulée, une justice politique, une justice partiale, alors qu’il ne s’agit que d’une affaire de violence dont certains ont prétendu être les victimes ». Et de poursuivre : « le procureur de la République que je suis n’a fait que suivre l’affaire. On a parlé d’acharnement, Or, là aussi, on peut dire qu’il ne s’est agi que d’une affaire de droit commun dénoncée par un citoyen qui se trouve être à l’occasion le secrétaire général d’un parti politique ». A ceux qui se demandent pourquoi les événements du Parti socialiste ont fait l’objet de poursuites judiciaires alors que d’autres ne le sont pas, Serigne Bassirou Guèye répondra : « C’est parce que je n’ai pas été saisi. Aucune plainte, et je défie quiconque de me prouver le contraire, n’a été déposée par un parti politique pour des faits de violences ». Or, a dit le maître des poursuites, « L’auto saisine doit reposer sur des indices. Et aucun indice n’a été produit pour me permettre d’agir où que ce soit et d’ailleurs aucune victime n’a été signalée ou s’est plainte de violence de ce genre ».
Parlant dans la foulée de la politisation supposée de l’affaire Abdoul Mbaye, du nom de l’ex-Premier ministre attrait devant Dame justice pour faux et usage, Serigne Bassirou Guèye a soutenu qu’il ne s’agit nullement d’un règlement de compte politique. « Deux actes différents qui constatent un même mariage, l’un parlant de la séparation des biens, l’autre de la communauté des biens, ont été produits. La réaction du parquet ne pouvait être autre que d’essayer d’établir l’authenticité des documents produits par les deux protagonistes », a-t-il dit. Mieux ajoutera-t-il, l’ex-chef du gouvernement n’a pas été arrêté encore moins gardé à vue.
Selon Serigne Bassirou Guèye également, l’acharnement supposé contre des proches du maire de Dakar dont Barthélémy Dias n’est pas fondé. Et le procureur d’estimer que la vérité devait être élucidée dans le meurtre de Ndiaga Diouf. Parlant de même de l’affaire Khalifa Sall et des enquêtes concernant la caisse d’avance de sa mairie, le procureur de la République a tenu aussi à faire savoir qu’il ne s’agit nullement d’attaques contre l’édile de la capitale, mais d’enquêtes menées après qu’un trou de plus d’un milliard a été décelé par le rapport de l’Inspection générale d’Etat (Ige) dans les fonds en question.