A l’origine de cet ouvrage du cinéaste Maguette Diop, disons qu’il y a eu le «choc» de 2008. Car à l’époque, le Président Abdoulaye Wade, alors à la tête de l’Etat, veut rendre hommage à Sembene Ousmane, qui vient de décéder, mais les cinéastes sont absents, et les œuvres de l’homme à la pipe quasi introuvables. Maguette Diop creuse, «compile» plus qu’il ne «rédige», comme il dit lui-même. Intitulé «Cinéma sénégalais Sembene Le précurseur et son legs», le texte a été présenté ce mardi 28 février à Ouagadougou, en pleine 25ème édition du Fespaco.
C’est un ouvrage contre l’oubli, contre le vide et par devoir de mémoire, pour reprendre quasiment les mots de son auteur, qui a comme qui dirait eu la bonne idée de présenter son ouvrage sur le 7ème art sénégalais, pendant cette 25ème édition du Fespaco, où il ne passera certainement pas inaperçu. Et encore moins avec un titre comme celui-là : «Cinéma sénégalais : Sembene Ousmane Le précurseur et son legs». Si le texte n’a vraiment été dévoilé que dans la matinée de ce mardi 28 février à Ouagadougou, son histoire, de l’aveu de son auteur, le cinéaste Maguette Diop, remonterait à plusieurs années déjà. Nous sommes en 2008, autrement dit un an à peine après le décès de Sembene, à qui le Président Abdoulaye Wade cherche à rendre hommage. Mais les œuvres du maître sont quasi introuvables. Maguette Diop dit avoir tout simplement été «choqué» à l’époque. «On voulait honorer Sembene, les cinéastes étaient absents », et ce jour-là…
L’histoire commence donc par Sembene, mais ce n’est pas comme si on ne parlait que de lui. Maguette Diop s’en explique d’ailleurs très bien : «Je voulais tracer l’histoire de notre cinéma. Vous savez, un bâtiment ne se fait pas sans fondement. J’ai pris comme référence Sembene Ousmane, qui a fait notre cinéma sénégalais et africain », et qui lui aura fait traverser les «frontières», mais «il faut voir, derrière, des personnes comme Momar Thiam, Blaise Senghor, Yves Badara Diagne, et la deuxième génération, les Ababacar Samb, Djibril Diop Mambéty, qui ont pris le relais… »
On trouve dans ce texte, dit encore l’auteur, toute une histoire du cinéma sénégalais, «des Indépendances à nos jours», en plus de quelques précieuses informations sur les cinéastes, «ceux qui ont fait des films». A côté de ces données, le livre de Maguette Diop, que son auteur présente comme un «répertoire complet», propose un «bilan» de ce que l’Etat du Sénégal a fait de son cinéma, «des Indépendances à nos jours».
Edité chez L’Harmattan, Maguette Diop s’adresse aux spécialistes, aux chercheurs, aux étudiants, aux amateurs de cinéma comme aux journalistes, qui sont d’ailleurs les principales cibles de l’étude, dans le même ouvrage, que l’auteur lui-même a bien voulu confier au Professeur Maguèye Kassé. Une étude sur la critique des œuvres cinématographiques : «Parce que le handicap que nous avons pour nos œuvres en Afrique, c’est que la critique n’ose pas critiquer un cinéaste, ou l’œuvre d’un cinéaste. Je vous signale quand vous critiquez l’œuvre d’un cinéaste, vous lui rendez service, vous faites la continuité de l’œuvre. (…) C’est pour cela que nous avons besoin d’une critique. La critique n’est jamais négative, elle est toujours positive.»
Dixit un auteur qui vous racontera, en choisissant bien ses mots, comment il a humblement «compilé» son livre, plutôt qu’il ne l’a «rédigé», et sans avoir la prétention d’être un écrivain : «Je suis loin d’être un écrivain et je ne cherche pas à en être un. Je ne prétends pas être un écrivain (…) J’ai essayé de tracer les choses de façon technique, parce que je suis un homme de l’image et de la camera, pour qu’il y ait tous les renseignements nécessaires sur notre cinématographie. Vous y trouverez toutes les références, tous les repères. J’ai voulu lutter contre l’oubli. »