Le rapport de l’Académie nationale des sciences et techniques du Sénégal sur les organismes génétiquement modifiés (OGM), remis hier au chef de l’Etat, analyse les avantages et inconvénients pour le Sénégal. La conclusion tirée par l’ANSTS est que le Sénégal peut tirer profit des OGM. Une idée à laquelle souscrit le chef de l’Etat.
Les organismes génétiquement modifiés (OGM) : opportunités ou inconvénients ? C’est à cette question que tente de répondre le rapport de l’Académie nationale des sciences et techniques du Sénégal (ANSTS). Le document a été remis hier au chef de l’Etat, lors de la Séance académique solennelle de l’ANSTS. Yaye Kène Gassama, biotechnologiste végétale, présidente de la section sciences fondamentales de l’ANSTS, qui a fait la présentation de cette étude scientifique, renseigne que les organismes génétiquement modifiés ‘’ne présentent aucun risque sur la santé humaine et animale’’. Mme Gassama fonde son argument sur les conclusions de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), la FAO et des académies américaine, française, australienne, allemande, anglaise ou chinoise.
Ces dernières, qui ont mené des études pendant une période de 20 ans, ont tiré la conclusion selon laquelle ‘’les aliments génétiquement modifiés ne présentent pas plus de risques sur la santé humaine et animale que les aliments conventionnels’’. Pour l’ancienne ministre de la Recherche scientifique sous Abdoulaye Wade, ces débats sur les OGM qui, souvent sont agités par des lobbies, sont le plus ‘’liées à de fausses images, des clichés’’. Pour elle, ‘’un débat serein et raisonnable’’ basé sur ‘’des réalités scientifiques ‘’peut permettre de lever toutes ces équivoques.
Ainsi, le Professeur Doudou Ba, par ailleurs président de l’Académie nationale des sciences et techniques du Sénégal, est d’avis que le Sénégal peut tirer beaucoup ‘’d’avantages’’ de la production d’organismes génétiquement modifiés. Parmi cela, il y a, selon lui, ‘’l’accroissement de la productivité agricole par l’utilisation de variétés à haut rendement’’, la ‘’culture sur les terres marginales salées’’, la ‘’résilience des cultures face aux changements climatiques’’…
Toutefois, à côté des avantages, il y a quelques inconvénients qui, selon le président de l’ANSTS, sont surtout liés à l’environnement et à l’économie. Parmi les risques, rappelle le Professeur Ba, il y a la ‘’dissémination incontrôlée de gènes dans l’environnement‘’, le ‘’risque de perte ou d’appauvrissement de la diversité biologique culturelle ou de ‘’dépendance du petit paysan vis-à-vis des firmes détentrices des semences’’.
Une législation faible
Cependant, malgré les nombreux avantages qu’offrent ces OGM, le gouvernement fait toujours dans le clair-obscur. D’après Yaye Kène Gassama, ‘’le Sénégal a un cadre législatif et réglementaire fondé sur la réponse du ‘’oui… mais’’. Cela parce que, renseigne-t-elle, le Sénégal qui est déjà conscient des avantages qu’il peut tirer de ces technologies, notamment dans le secteur de l’agriculture, est toujours dans le doute, parce qu’il ‘’reste vigilant sur les risques éventuels et les menaces réelles sur la biodiversité et l’économie des petits agriculteurs’’. Mme Gassama demande ainsi au gouvernement de ‘’renforcer les moyens du Comité national de biosécurité (CNB) et de l’Autorité nationale de biosécurité’’.
‘’Les dispositions de la loi en matière de biosécurité entravent tout effort de recherche en vue d’améliorer les ressources génétiques existantes. Mais, il est à craindre, surtout en raison des sanctions très lourdes imposées en cas de non-respect, que ces dispositions n’incitent les utilisateurs à les contourner par l’usage de fausses déclarations’’, déplore l’ancienne directrice générale de l’Agence nationale de la recherche scientifique appliquée (ANRSA).
‘’Franchir très vite le pas’’
En outre, la présentation de la vice-présidente de l’ANSTS sur les avantages et risques des organismes génétiquement modifiés a convaincu le président de la République. Macky Sall se dit être favorable à l’utilisation des OGM. Toutefois, le chef de l’Etat pose des conditions : tout doit se faire ‘’sur la base de précautions et d’une régulation dynamique’’. Pour lui, ‘’il faut décider et franchir très vite le pas’’. Le cas contraire, renseigne le Président Sall, ‘’on serait contre le progrès’’. ‘’Il nous faut avancer, parce que nous avons des impératifs en matière de sécurité alimentaire. Il s’agit d’un choix de société qui engage l’avenir de notre Nation. Il doit être pris en toute connaissance de cause, dans le respect des intérêts des générations actuelles et futures’’, invite le président de la République.
Pour mieux faciliter cette entrée dans l’ère des organismes génétiquement modifiés, le chef de l’Etat a indiqué à l’Académie nationale des sciences et techniques du Sénégal qu’il reste favorable à la modification de la loi de 2011 portant réglementation de la biosécurité. Pour cela, il demande au gouvernement, à travers le ministère de l’Environnement et du Développement durable, à ‘’engager, dans les meilleurs délais, des concertations’’ allant dans ce sens, tout en prenant en compte les recommandations de l’ANSTS.