Pour l’investiture de la tête de liste de la coalition présidentielle, Bennoo Bokk Yaakaar, le chef de l’Etat, Macky Sall, risque d’être confronté à un dilemme cornélien. En effet, comprimé entre l’obligation de pérenniser sa collaboration avec ses alliés politiques, l’appétit sans cesse grandissant des ténors du parti présidentiel, et la nécessité d’annihiler les forces d’une opposition décidée à aller aux législatives sous la bannière d’une liste commune, le président de la République et chef de file du parti au pouvoir pourrait se retrouver devant un véritable casse-tête chinois. Obligé qu’il est de trouver la bonne formule pour conserver sa majorité, au niveau de la 13ième législature.
Les élections législatives du 30 juillet prochain, devant consacrer la 13ième législature du Sénégal, demeurent d’une importance capitale pour les deux camps protagonistes. Que ce soit pour le régime en place, obligé d’avoir une majorité absolue afin de poursuivre la politique du chef de l’Etat, Macky Sall, ou pour le camp de l’opposition, décidé à imposer une cohabitation au régime en place, les prochaines joutes recoupent des enjeux de taille. Pour ces raisons, comme pour tant d’autres, le président de la République se voit dans l’obligation de trouver la bonne formule pour concilier trois éléments capitaux, afin d’être à mesure de conserver son pouvoir et éventuellement d’obtenir un second mandat.
En effet, l’une des équations majeures à laquelle devra se confronter le chef de la mouvance présidentielle, c’est celle de la conservation de sa collaboration politique avec ses alliés de Bennoo Bokk Yaakaar. Comme l’a si bien évoqué le Docteur en Science politique, enseignant-chercheur à l’Université Gaston Berger de Saint Louis, Maurice Soudieck Dione, «ne pas reconduire Moustapha Niasse comme tête de liste, c’est rompre ce pacte tacite ou explicite entre le Président et ses alliés». Une pérennité et une stabilité de la coalition présidentielle qui semble tenir sur le partage des pouvoirs et privilèges, et qu’il importe de ne pas déstabiliser quoiqu’il advienne. Encore que les leaders des partis politiques tiennent, tant bien que mal, leur promesse de maintenir leur parti politique dans ladite coalition, en dépit des différentes frondes constatées ça et là.
Toutefois, cette volonté de préserver la dynamique unitaire de Bennoo Bokk Yaakaar pour conserver le pouvoir et bénéficier ainsi d’un second mandat risque de se heurter aux longues «dents de loups» de ses ténors au sein de l’Alliance pour la République (Apr). En effet, même si de manière audible, personne n’affiche clairement ses ambitions d’être porté à la tête de la liste présidentielle, il n’en demeure pas moins que des bruits de couloirs font état de la convoitise de ce poste de président de l’Assemblée nationale, par certains camarades du président de la République. En atteste la sortie des jeunes de ladite formation politique de Rufisque, si l’on prend en considération l’adage qui dit que «ce que le petit maure dit en public, il l’a appris sous la tente».
D’ailleurs, la question de la présidence de l’hémicycle s’était posée avant le 3ième renouvellement du bureau de la 12ième législature, en 2015. Des responsables politiques de l’Apr avaient soutenu mordicus que la 2ième institution du pays ne pouvait qu’être dirigée par une personnalité issue du parti au pouvoir. Pour mettre un terme aux différentes attaques de ses partisans, le chef de l’Etat a fait changer les règles du jeu en portant à 5 ans le mandat du président du parlement. Ce qui n’a vraisemblablement pas calmé les ardeurs de certains de ses camarades de parti qui nourrissent encore un appétit grandissant pour le perchoir.
A cela, s’ajoute la dynamique unitaire du front de l’opposition, regroupée autour de Manko Wattu Senegaal, à ne pas occulter. La question de la liste commune de l’opposition aux prochaines législatives est de plus en plus agitée, même si certains analystes semblent réduire au néant la chance de voir cette diversité et cette hétérogénéité politique s’allier, lors de ces élections législatives. Cependant, force est de constater que leur volonté commune d’imposer une cohabitation parlementaire au régime actuel, ou à défaut, de disposer d’une forte présence de l’opposition dans cette 13ième législature, peut jouer sur la balance et amener les membres de l’opposition à mettre de coté leurs intérêts personnels et partisans. Cela dit, le président Macky Sall doit prendre sérieusement en compte cette composante, dans le choix de la tête de liste de Bby. D’où l’impératif pour le patron de Bennoo Bokk Yaakaar de concilier 3 facteurs importants : impératif de consolidation de la coalition Benno, nécessité de trouver la bonne formule pour calmer les ardeurs de ses camarades de parti, et enfin, exigence de dénicher la personne susceptible de porter les voix des Sénégalais face aux adversaires politiques.