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Art et Culture

Mansour Seck (chanteur): ‘’S’il y a quelqu’un qui doit être le roi du Yela, c’est bien moi’’
Publié le lundi 27 fevrier 2017  |  Enquête Plus




Il est le binôme de Baaba Maal. Ensemble, ils ont fait du Daande Leñol ce qu’il est devenu. Ensemble, ils ont bâti une carrière autour de la promotion de la culture africaine, mais surtout fait valoriser et moderniser le ‘’Yela’’. Dans cet entretien accordé à EnQuête, Mansour Seck, l’un des plus grands griots puular du Sénégal et guitariste, revient sur les origines du ‘’Yela’’. Mais aussi pourquoi son ‘’jumeau’’ Baaba Maal est appelé ‘’roi du Yela’’ alors qu’il n’est pas de lignée griotte.



Quelle est l’origine du Yela ?

Le ‘’Yela’’ est né avec les femmes ‘’Sébbé’’ qui le chantaient et le dansaient pour donner de l’énergie à leurs braves époux qui partaient en guerre. Par la suite, elles ont légué leurs chansons aux femmes griottes. Car, pendant les veilles de combats, ces femmes chantaient pour revigorer leurs époux en les encourageant à aller en guerre. Elles passaient toute la nuit à chanter et à glorifier leurs maris. À ces moments, il y avait les femmes griottes qui les aidaient à chanter et à encourager, elles aussi leurs conjoints. A un moment, les femmes ‘’Sebbés’’ ne chantaient plus. C’est ainsi que le ‘’Yela’’ est revenu aux griottes. Mais jusque-là, elles ne font que chanter et relater des histoires.

Qui doit chanter le ‘’Yela’’ et dans quelle circonstance ?

Seules les griottes en ont le droit. Les hommes ne chantent pas le ‘’Yela’’ mais il y a quelques partitions qu’ils peuvent interpréter. Ce sont eux qui se chargent de chanter tout ce qui a trait aux arbres généalogiques des familles et qui détiennent ce pouvoir. Le Yela ne relate que le passé ainsi que la bravoure des guerriers.

Est-ce qu’on retrouve le Yela dans les autres ethnies ?

Le ‘’Yela’’ ne peut pas être chanté par d’autres griots que ceux pulaar. Mais on peut le trouver chez d’autres et sous une autre appellation. Nous, notre ‘’Yela’’ ne relate que la bravoure des guerriers. Vu sous cet angle, il y a d’autres ethnies qui le font sous d’autres formes et d’autres genres suivant des rythmiques différentes.

Pourquoi Baaba Maal en tant que Thioubalo (pêcheur) a le pouvoir de chanter le yela ?

C’est parce qu’il partage la scène avec moi qui suis griot. Il a beaucoup appris de moi. C’est moi qui l’ai inspiré. À nos débuts, on chantait d’autres chansons populaires du Fouta. Du moment que je suis né griot, je m’intéressais beaucoup au ‘’Yela’’ car ayant grandi avec. J’ai trouvé que mes parents et mes grands-parents ne vivaient que du ‘’Yela’’. Mais surtout j’avais cet amour de chanter. Donc, je détenais toutes les chansons de ce registre. Et lors de nos veillées amicales, quand on chantait du ‘’Wango’’ ou du ‘’Taara’’, on chantait le ‘’Yela’’ aussi et les gens approuvaient. C’est à partir de là que Baaba Maal a fait du Yela son dada.

C’est un répertoire aussi vaste et original que les autres chansons populaires du Fouta. Il a pu exploiter le ‘’Yela’’ avec moi et ensemble, on a fait des recherches très profondes aussi bien sur le Yela du Fouta que sur celui du Boundou. Ces deux Yela sont similaires parce que les familles du Fouta et celles du Boundou ont toutes la même origine. La différence, c’est le timbre, la voix, mais ce sont les mêmes chansons. Elles relatent l’histoire ancienne. Mais à partir de là, Baaba Maal et moi, nous avons pu exploiter cela en profondeur et on a su qu’il y avait beaucoup de rythmes dans le Yela, surtout si on pouvait le moderniser. Ensemble, on a pu quitter le traditionnel pour aller vers le moderne. En plus, Baaba Maal a une voix perçante et adorable. Donc ceux qui ne connaissent pas comment se passent les choses chez les griots disent que Baaba Maal est le roi du Yela. Mais vu que cette musique est connue grâce à lui, on peut le lui concéder. Il a pu l’amener là où les griots n’ont pu le faire. Il l’a chanté sur des scènes où les griots n’auraient pu accéder, même si c’est avec moi qu’il l’a fait. Et lui-même le dit et le précise partout que s’il chante aujourd’hui le ‘’Yela’’, c’est grâce à Mansour Seck.

Est-ce que cela lui permet d’être nommé roi du yela ?

Cette appellation est une nomination populaire parce qu’il n’est pas griot pour être roi. S’il s’agit d’être roi du Yela, je suis le mieux placé parce que moi, je suis déjà Farbabaguel (chef chez les griots ou Buur Guewel en langue wolof) donc, je détiens tout l’historique du ‘’Yela’’. C’est la communauté africaine et sénégalaise qui voit en Baaba Maal le roi du ‘’Yela’’. Dans la communauté haal pulaar, il y a une classification sociale qui veut que ce soit les ‘’Gawlo’’ qui chantent le ‘’Yela’’ et Baaba Maal n’en est pas un. C’est grâce à sa popularité et sa voix que le Yela est arrivé là ou il est aujourd’hui.

Dans votre jargon, qui doit être appelé Farba ?

Farba est un titre. Et les Farbas sont de ma famille. C’est mon clan. C'est-à-dire les ‘’Farbabaguel’’ ; nous sommes venus avec Koly Tengala du Mandé au Fouta. En l’an 512, nos arrière-grands parents ont quitté le Mandé pour venir conquérir le Fouta. Quand Koly Tenguela est venu, il s’est installé a Guédé Village où il a trouvé le ‘’Lamtooro’’ Aly Yéli Bana qui l’a reçu et lui a donné en mariage sa fille Fayole Aly. Il est donc venu renforcer l’armée du ‘’Lamtooro’’. C’est ce qui a amené Farbabaguel à Guédé où tous nos grands-parents sont nés et ont grandi. C’est pourquoi, on dit que les griots viennent de Guédé. Les Farbabaguel, c’est les familles Seck mais pas tous les Seck. Aujourd’hui dans les familles griottes, si on demandait qui était le plus authentique d’entre nous, qui était le diamant de ces familles, je lèverais ma main pour dire que c’est moi. De père et de mère, je suis Farba. C’est nous qui portons le titre de ‘’Farba’’.
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