Aujourd’hui, si le tribunal des flagrants délits de Dakar suit le réquisitoire du ministère public, les deux frères Serigne Abo Mbacké et Serigne Abibou Mbacké vont prolonger leur séjour carcéral pour une durée d’un an. Hier, ils ont été jugés pour avoir détourné des appels entrants de Tigo et d’Orange. La partie civile réclame la somme de 10 millions de F CFA en guise de dommages et intérêts.
Un an d’emprisonnement. C’est ce qu’encourent Serigne Abo Mbacké et Serigne Abibou Mbacké, originaires de Touba. Ils ont été jugés hier, pour association de malfaiteurs, utilisation frauduleuse d’un réseau de télécommunication, accès dérobé à un système informatique et blanchiment de capitaux. Ils sont placés sous mandat de dépôt, depuis le 9 février dernier. Les deux frères seront édifiés sur leur sort ce matin. Courant novembre 2016, Serigne Abo Mbacké, marié et père de 2 enfants, a fait la connaissance de Khani, un Egyptien vivant en Jordanie. ‘’Vu que je manie bien la langue arabe et connaît bien les outils informatiques, nous avons commencé à collaborer’’, a expliqué le maître coranique à la barre.
Son interlocuteur lui a proposé un travail de correspondance. Le boulot consistait à détourner les appels entrants des opérateurs de téléphonie d’Orange, de Tigo et d’Expresso. A la fin de chaque mois, il devait recevoir 230 000 F CFA en guise de salaire. Le marché conclu, l’Egyptien lui a envoyé de l’argent (4 millions en différents versements), sans compter tout le matériel nécessaire à bien mener la fraude. Ne pouvant pas réussir seul la mission, Serigne Abo Mbacké a ‘’recruté’’ son frangin également maître coranique à Touba. Ils ont acheté des Sim box de l’opérateur Tigo et 10 Sim box d’Orange pour faciliter le détournement des appels. Ceci, avant de venir s’installer au quartier Islam de Cambérène.
Tout marchait comme sur des roulettes jusqu’au 6 février, jour de leur arrestation par les éléments du Commissariat des Parcelles Assainies. C’est la Sonatel qui a découvert le pot aux roses. Ayant constaté la fraude sur son réseau, ses techniciens ont fini par localiser les terminaux espions réceptionnant les appels internationaux. Ils ont alors avisé leurs concurrents de Tigo pour mettre fin à cette arnaque. En effet, les deux Mbacké-Mbacké ont fait perdre des millions aux deux opérateurs de téléphonie mobile.
Pris la main dans le sac, les deux frères ont d’abord tout nié, avant de se raviser et de passer aux aveux. Hier, ils ont réitéré leurs déclarations tenues à l’enquête préliminaire. ‘’Avec mes maigres ressources tirées de l’enseignement du Coran, je ne parviens pas à satisfaire mes besoins. C’est la raison pour laquelle, lorsque Khani m’a proposé ce travail, j’ai immédiatement sauté sur l’occasion. Il s’était engagé à me loger et à me nourrir, en dehors de mon salaire mensuel’’, a raconté Serigne Abo Mbacké. Ajoutant qu’il partageait ses gains avec son jeune frère. L’enseignant a précisé que leurs activités délictuelles ont démarré juste après la fête de la Tabaski. Qu’il n’a jamais rencontré son généreux employeur. ‘’En dehors de mon salaire mensuel, il m’envoyait souvent de fortes sommes d’argent que je ne peux quantifier. L’argent provenait de la Jordanie via Western union’’, a révélé le Mbacké-Mbacké. Avant de jurer qu’il ignorait ‘’la gravité’’ de ses actes.
‘’Jeunes inconscients’’
N’empêche que l’avocat des parties civiles a réclamé 10 millions de F CFA à titre de dommages et intérêts et la restitution de la somme de 1,200 million de F CFA gardé sous scellé. Ses confrères de la défense ont, eux, déclaré que les opérateurs de téléphonie mobile sont ‘’des voleurs qui crient au voleur’’. Parce qu’ils utilisent même le système des Sim box pour ne pas payer de taxes à l’Etat. Ils ont aussi critiqué la demande du substitut du procureur qu’ils jugent ‘’lourde’’. ‘’Nos clients n’ont jamais eu maille à partir avec la justice et ils sont des soutiens de famille.
Pour 230 000 F CFA, ces jeunes sont prêts à tout faire’’, a soutenu un des conseils des prévenus. Avant de relever que le délit de blanchiment de capitaux n’a été justifié ni par le Parquet ni par la partie civile. Ainsi, la défense a sollicité du tribunal d’écarter cette infraction ainsi que le délit d’association de malfaiteurs. En sus, elle a plaidé une application bienveillante de la loi pénale. ‘’Nous demandons au tribunal de leur tendre la perche. Ils ne savent pas pourquoi ils ont été attraits devant la barre. Nous sommes en présence de jeunes inconscients, embarqués dans une galère par un étranger. Et cette personne qui les a mis dans le pétrin n’est nullement inquiétée’’, a-t-il plaidé.