Les élections législatives du 30 juillet prochain ne semblent pas seulement parties pour être un véritable défi lancé au camp présidentiel. Un camp qui risque de se confronter à une liste unique de l’opposition si celle-ci se laisse submerger par cette idée d’unification des forces qui émerge de plus en plus en son sein. Elles risquent également de sceller pour de bon la fin du compagnonnage entre Khalifa Sall et le Parti socialiste. Si jamais le maire de Dakar met en compétition sa propre liste aux législatives et que le parti d’Ousmane Tanor Dieng mette à exécution la sentence d’exclusion de son secrétaire général national à la vie politique, comme l’a fait entendre dans la presse Me Moussa Bocar Thiam, porte-parole adjoint des « Verts de Colobane ». Le seul bémol est de savoir si le parti hérité de Senghor et Diouf survivra à cet énième départ de ses rangs d’un ténor et «grand électeur ».
Le renouvellement de l’Assemblée nationale dirigée depuis 2012 par le patron de l’Afp, Moustapha Niasse, et devant consacrer la treizième législature, forte de 165 parlementaires dont 15 venant de la diaspora, va-t-il consacrer la fin du bras de fer désormais manifeste entre le patron du Parti socialiste Ousmane Tanor Dieng et le maire de Dakar, Khalifa Sall, par ailleurs secrétaire général national à la vie politique du parti ? En tut cas, tout pousse à le penser au regard des prises de position de plus en plus irréductibles affichées par les deux camps au centre de la crise qui secoue le Parti socialiste.
La dernière en date émane du maire de Ourossogui et porte-parole adjoint, Me Moussa Bocar Thiam qui vient de révéler dans les colonnes de la presse la sentence réservée à Khalifa Sall s’il met à exécution son annonce de liste divergente aux élections législatives du 30 juillet prochain. Le second d’Abdoulaye Wilane, porte-parole des « Verts de Colobane » a affirmé de manière péremptoire que le maire de Dakar ne serait plus membre du Ps à partir du 22 mai 2017, la date marquant le dépôt des listes de candidature aux législatives, 70 jours avant le jour du scrutin au moins, s’il dépose sa propre liste.
En effet, à la question de savoir si la direction du Ps envisageait des sanctions à l’encontre du maire de Dakar s’il présentait une liste parallèle aux élections législatives, Me Moussa Bocar Thiam avait répondu en ces termes : «C’est sa liste personnelle, ce n’est pas celle du parti. Il dit qu’il est toujours membre du Parti socialiste et qu’il ne démissionnera jamais, mais lorsqu’on pose des actes politiques graves, on n’est plus membre du parti. Khalifa Sall est en train de s’auto-exclure, et s’il dépose une liste aux Législatives contre celle de Bby à laquelle le parti à souscrit, il aura signé son auto-exclusion du parti. Qu’il l’assume ou pas, nous ne le considérerons plus comme un membre du Parti socialiste. A partir du 22 mai 2017, Khalifa Sall ne sera plus membre du Ps s’il dépose sa propre liste. A ce moment, il n’a plus droit au chapitre sur la candidature du Ps à la Présidentielle 2019, sur la réforme du parti, sur la succession d’Ousmane Tanor Dieng… Il ne sera plus membre du Ps. Donc, il n’aura plus son mot à dire dans le débat socialiste » (Cf Observateur du vendredi 03 février 2017).
DE L’AUTO-EXCLUSION AU RISQUE DE SCISSION
La sentence est ainsi effleurée et s’impose comme un couperet suspendu au dessus de la tête du maire de Dakar. Et à moins que la direction du Ps ne rame a contrecourant de la position affichée par son porte-parole adjoint, Khalifa Sall sait à quoi s’en tenir dans son initiative de mettre sur pied sa propre liste aux législatives. Du coup, la guéguerre qui agite le parti hérité de Senghor et ayant abouti, ces derniers jours, à l’emprisonnement du maire de la Médina Bamba Fall et de plusieurs socialistes membres du camp de Khalifa Sall, pourrait dégénérer et conduire à une autre scission fortement préjudiciable au Ps. Après les départs de pontes et de leaders qui ont sévèrement fragilisé le parti (Moustapha Niasse, Djibo Kâ, Robert Sagna pour ne citer que ceux-là).
Pour preuve, depuis le congrès de la discorde de 1996, le Ps a non seulement perdu le pouvoir du fait du départ de ces ténors mais encore a vu son électorat se fragiliser au cours des diverses élections qui ont eu lieu au Sénégal, depuis 2000. L’éclaircie des législatives de 2012 (avec une vingtaine de députés à l’Assemblée nationale) ne devrait pas pousser la direction du Ps à croire que sa force politique est retrouvée. Pour la simple et bonne raison que ce quota parlementaire a été décroché uniquement, suite à l’arbitrage de Macky Sall qui voulait coûte que coûte consolider sa coalition présidentielle et récompenser ses souteneurs du second tour. Quitte à forcer la main à l’Apr!
AVENIR POLITIQUE EN JEU
Ousmane Tanor Dieng et la direction sauront-ils trouver en eux la justesse nécessaire pour préserver le parti d’un départ qui risque d’émietter sa base électorale. Pour cause, à l’instar de Moustapha Sall et de Djibo Kâ dans les années 2000, Khalifa Sall peut faire mal au Ps s’il était exclu du parti ou s’il prenait en main son destin politique en dehors des « Verts de Colobane ». Maître incontesté de Dakar depuis les Locales de 2009, même si ce fut dans le cadre d’une coalition dans laquelle le Ps était tête de pont, vainqueur des Locales de 2014 devant l’Apr, le parti au pouvoir, le maire de Dakar a su profiter de toute son aura politique pour rester sans partage le patron du département de Dakar.
A preuve, alors que son parti, le Ps, militait ouvertement pour qu’il ne présente pas sa liste à l’élection des membres du Hcct, Khalifa Sall a passé outre la directive du parti et a quand même gagné, haut la main, les postes attribués au département. Et même l’Apr du président Macky Sall lui reconnait cette force politique dans la capitale sénégalaise au point qu’elle ne s’est pas risquée à présenter une liste pour Dakar, lors des joutes du 04 septembre dernier. Qui plus est, Khalifa Sall a su tisser, à petits pas, sa toile à travers le pays par des tournées et des visites de proximité qui pourraient, en termes de suffrages, en étonner plus d’un au sein du Ps.
Ousmane Tanor Dieng et la direction du parti sauront-ils donc faire preuve de suffisamment de génie politique et de prospective pour que ne s’attise pas davantage le feu qui couve au sein du parti, avec ces législatives qui sont sources de dangers ? Voilà toute la question qui préoccupe actuellement certains observateurs. Car, à force de laisser les divergences, querelles et bisbilles glisser doucement vers une situation de non-retour et de guerre ouverte, le parti hérité de Senghor pourrait connaître le dernier soubresaut qui risque de le scinder en deux, avec l’exclusion ou l’auto-exclusion, c’est selon, du maire de Dakar. Un leader politique qui, dans la conscience collective, semble incarner plus qu’Ousmane Tanor Dieng le leader à même de porter le retour du Ps au pouvoir. Comme d’ailleurs semblent si bien le penser le député-maire Barthélémy Dias et cie, aux avants postes dans la contestation du leadership d’Ousmane Tanor Dieng sur le parti !