Pour avoir détourné la somme de 108 048 277 F CFA, l’ex-assistant comptable à l’Institut sénégalais de recherches agricoles (ISRA), Saliou Mboup, risque de passer 7 années derrière les barreaux, en sus du paiement de dommages et intérêts d’un montant de 250 000 000 F CFA.
Contrairement à beaucoup de jeunes diplômés, Saliou Mboup a vraiment eu de la baraka. Dès la fin de sa formation, il a été recruté, en juillet 2011, comme assistant comptable à l’Institut sénégalais de recherches agricoles (ISRA) avec un salaire mensuel de 500 000 F CFA. Malgré ces émoluments, l’agent s’est mis à puiser dans les caisses de la boîte jusqu’à créer un gap de 108 048 277 F CFA. En effet, en août 2014, il a commencé à insérer dans la liste des noms fictifs ainsi que ceux de membres de sa famille et de connaissances qui ne travaillent pas à l’Isra, au moment d’établir les salaires. Un crime n’étant jamais parfait, l’ex-assistant comptable a été perdu par les salaires exorbitants attribués à ces faux agents et agents fictifs. A certains, il a octroyé des salaires de 2 millions F CFA or, selon l’avocat de l’Isra, à part le Directeur général, aucun agent n’a un salaire dépassant 1 million de francs CFA.
Attrait hier devant la première Chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de Dakar, Saliou Mboup a reconnu les faits sans ambages, mais a minoré la somme avancée par l’accusation. ‘’J'ai détourné 100 millions. Les 72 millions sont avec le promoteur immobilier Yade qui me vendait des terrains. L’Etat a confisqué les 28 millions’’, a confié le prévenu. Revenant sur son modus operandi, il a expliqué que, lorsque l’Agent comptable particulier (ACP) lui transférait les fichiers des travailleurs (l’un portant la liste des agents avec leur matricule et un autre avec le montant des salaires et les banques où ils étaient domiciliés), il créait de nouveaux fichiers en y ajoutant des agents fictifs. Par la suite, il soumettait les documents pour validation à son supérieur. Celui-ci n’a découvert le pot aux roses que bien après le départ de son assistant, survenu en avril 2015. Entre-temps, Saliou Mboup avait fait différents virements illégaux. 38 millions dans le compte de son beau-frère, 26 millions dans ses cinq comptes, plus de 20 millions dans celui de sa copine…
L’argument mystique comme alibi
Lorsque le substitut Aly Ciré Ndiaye lui a demandé si son parc automobile provenait des sommes détournées, il a répondu par la négative. ‘’Les véhicules Toyota je les ai achetés avant 2015, grâce à un prêt bancaire’’, a-t-il précisé. Quid de ses motivations ? ‘’Personnellement, je ne sais pas ce qui m’a motivé, mais depuis que le promoteur s’est rapproché de moi, je me sentais comme possédé car un jour, il m’a conduit chez un marabout qui m’a donné un bain mystique. Depuis ce jour, je faisais tout ce qu’il me demandait. J'ai même porté plainte contre lui pour qu’il me restitue l’argent que je lui ai remis’’, a tenté de se justifier le prévenu. Ses arguments n’ont pas convaincu l’Agent judicaire de l’Etat, Mafall Fall, qui juge les faits constants. Me Fatou Ndiaye Touré a abondé dans le même sens, en fustigeant ‘’la témérité déconcertante’’ avec laquelle le prévenu a reconnu les faits. Pour le préjudice, elle a réclamé la somme de 250 000 000 F CFA.
Le représentant du parquet a demandé que les faits soient requalifiés en escroquerie portant sur des deniers publics, étant donné que l’ex-assistant comptable n'était pas dépositaire de fonds. Il a relevé que ce dernier avait au moins 10 comptes bancaires au niveau de 4 institutions financières. Concernant l’argument irrationnel avancé par le prévenu, le substitut a rétorqué que Saliou Mboup n’a été ni manipulé ni atteint mystiquement, mais il a plutôt choisi la voie de la facilité et était pressé de s’enrichir. A son avis, il ne bénéficie ni de circonstances atténuantes ni de sursis et mérite 7 ans d’emprisonnement ferme.
Jugeant le réquisitoire ‘’sévère’’, Me Bamba Cissé considère que leur client peut bel et bien bénéficier de circonstances atténuantes puisque dans cette affaire, il s’agit d’abus de confiance et non d’un détournement de deniers publics. Selon les arguments avancés par la robe, la partie civile n’a pas apporté la preuve selon laquelle Isra est un établissement public. Il s’y ajoute que le prévenu a fait des aveux spontanés.
Donc, plaide-t-il : ‘’Il ne sert à rien de le détruire en l'envoyant en prison pour 7 ans’’. S’inscrivant dans sa logique, Me Abdou Kane a soutenu qu’il n’y a pas de preuve que l'État apporte son concours dans le capital d’Isra. Par conséquent, il estime que leur client devrait plutôt être condamné pour vol et faux et usage de faux et ne doit pas payer seul. ‘’Saliou Mboup ne peut pas à lui tout seul détourner toutes ces sommes. Il y a une chaîne de complicités et de responsabilités et si les contrôles étaient réguliers, il n'aurait pas commis son acte’’, a martelé le conseil. Me Ndiogou Ndiaye a pour sa part sollicité la clémence du tribunal qui rend son délibéré le 2 mars prochain.