Pour son premier grand oral samedi dernier, le président de la République de Gambie promet des ruptures profondes mais est resté évasif sur beaucoup de questions parmi lesquelles la durée de son mandat.
La première conférence de presse en Gambie en 22 ans. Pour son premier exercice oral officiel, le président de la République de Gambie, Adama Barrow, n’a pas été prolixe dans ses réactions. Des réponses lapidaires dans lesquelles il proclame déjà un démarquage net sur les options prises par son prédécesseur. Dans l’immédiat, la Gambie ne devrait plus être une République islamique. ‘‘Ce sera une république de la Gambie et pas une république islamique’’, a-t-il déclaré.
Dans cette logique, la semaine de quatre jours qui était de rigueur, avec vendredi comme demi-journée, va être supprimée pour alléger les horaires de travail. ‘‘Nous allons reprendre la semaine à cinq jours avec des horaires plus flexibles’’, a promis le président. Le 12 décembre 2015, la Gambie était déclarée République islamique par Yahya Jammeh qui disait vouloir débarrasser le pays de l’héritage colonial. Autres décisions de rupture, la Gambie va rejoindre le Commonwealth (Ndlr : organisation intergouvernementale de 52 anciennes colonies britanniques) ; et réintégrer la Cour internationale de justice qu’elle a quittée le 26 octobre 2016, après le Burundi et l’Afrique du Sud, selon Adama Barrow.
‘‘Je ne pense pas que la Gambie va quitter la Cour pénale internationale si on raisonne en termes de démocratie et d’état de droit. On n’en sortira pas’’, a-t-il dit. Pour conduire ces missions à bien, il annonce la formation d’un gouvernement ce lundi ou demain au plus tard qui devrait garder le même nombre que le précédent mais pas les mêmes hommes. ‘‘Il n’y aura aucun membre de l’ancien gouvernement. Nous avons les hommes compétents qu’il faut dans la coalition’’, a avancé le nouveau chef du State House qui doit continuer à demeurer à sa résidence de Brufut, le temps que l’inspection militaire de la Micega continue au palais.
La nomination de la vice-présidente, Fatumata Jallow Tambajang, ayant causé une vive controverse, le Président a expliqué que cette affaire ne souffre d’aucune irrégularité puisque tous les papiers sont en règle. Derniers points d’une politique de réforme interne, la fin des ordres exécutifs accompagnera la réforme de la redoutable agence de renseignements, la National intelligence agency (NIA). ‘‘ Elle est un démembrement de l’Etat gambien. Elle va continuer d’exister et de travailler. Cependant l’appellation va changer puisque ses missions seront redéfinies et ses prérogatives seront revues pour répondre aux exigences de l’état de droit. Ses membres seront entraînés pour beaucoup plus de professionnalisme’’, a affirmé Barrow. Par contre, le sort du chef des armées, le général Ousman Bargie, est légèrement survolé. ‘‘C’est un fonctionnaire de l’Etat, il va continuer son travail à la tête des armées’’, poursuit le président sans plus.
Beau temps sur l’axe Dakar-Banjul
Dans sa résidence à Brufut, entouré des éléments du GIGN sénégalais, et membres de la Coalition 2016 dont le porte-parole Halifa Sallah, Ahmet Faty de la Gambia Moral Congress (GMC), et de Buba Ayi Saneh député de la division de Kombo Central, le président s’est prêté aux questions durant 90 minutes. Les relations avec le seul pays frontalier de la Gambie, qui ont beaucoup souffert durant les 22 ans de règne de Yahya Jammeh devraient être plus étroites. L’embellie sur l’axe Banjul-Dakar va connaître sa première éclaircie avec la construction de la Transgambienne longtemps remise en cause par les sautes d’humeur du président déchu. ‘‘Pour le pont, on en a parlé mais on en discutera en profondeur. Des experts sont déjà en charge de cette affaire et ils trancheront le dossier’’.
Le nouveau président gambien est par ailleurs revenu sur les relations entre le Sénégal et la Gambie. Après avoir remercié le pays de la Teranga, Barrow déclare que la Gambie coopérera avec le Sénégal sur la question de la Casamance mais a exclu toute idée de réunion entre les deux pays. ‘‘Nous allons porter la relation à un autre niveau. Les relations entre le Sénégal et la Gambie sont basées sur la proximité et les intérêts communs. Tout ce qui passe ici, se reflétera au Sénégal. Les deux pays ne feront pas d'union mais travailleront ensemble et plus étroitement sur plusieurs questions’’, a-t-il conclu.
Trois ans et une nuance
Alors que l’accord avec la coalition 2016 prévoyait une transition de trois ans, le président gambien a fortement nuancé quand il a été invité par un journaliste gambien de réitérer officiellement cet engagement. ‘‘C’est une coalition qui a effectivement prévu de faire trois ans mais nous avons un énorme travail à faire. Tout dépend des conditions. Si la mission est complète pendant ces trois ans, c’est tant mieux, sinon la coalition verra’’, a relativisé Adama Barrow devant le confrère gambien qui, malgré son insistance, n’aura pas de promesse ferme. Quant à la nouvelle opposition, ‘‘elle est très puissante puisqu’elle sort tout juste d’une gestion de 22 ans’’, déclare-t-il avec une pointe d’ironie. ‘‘Mais ils pourront avoir les mêmes droits et ils sauront que le pays appartient à tous les Gambiens. Ils n’auront pas à avoir peur’’, déclare le président gambien.