Atteint par la limite d’âge de la retraite, le Premier président de la Cour suprême a été sauvé par la loi organique relatif au statut des magistrats qui l’a maintenu à ses fonctions.
Profitant de la rentrée des Cours et tribunaux, c’est un cinglant réquisitoire qu’il a prononcé à l’encontre de ses pairs de l’Ums qu’il qualifie de «perturbateurs».
Ce n’est pas de sitôt la fin des hostilités entre certains magistrats de l’Ums et l’Exécutif sur la loi organique relatif au statut des magistrats. Faisant l’objet d’attaques de la part de ses «collègues» qui ont déploré l’allongement de l’âge de départ à la retraite, Mamadou Badio Camara a déroulé un sévère réquisitoire à l’endroit de certains de ses pairs. Cette mesure touche le président de la Cour suprême, le procureur général près ladite Cour, les quatre présidents de Chambre (chambre civile et commerciale, chambre criminelle, chambre sociale et chambre administrative) ainsi que les présidents et les procureurs généraux à la tête des cinq Cours d’appel. Portant la réplique à ces derniers, le Premier président de la Cour suprême de faire savoir : «Les régulateurs ne sauraient se muer en perturbateurs. Ils ne peuvent s’autoriser à ignorer les règles fondatrices de la profession car même dans l’expression de nos préoccupations, la procédure, au sens de la manière de procéder, doit être respectée. La procédure relève de notre métier et elle exige rigueur, vigilance et sérénité»́. Faisant dans l’ironie, il soutient : «chers collègues, nous ne doutons pas que les magistrats savent faire preuve de hauteur et de sens des responsabilités, conformément à leur serment et leur statut».
Pour préserver leur indépendance dans ses aspects les plus apparents, les magistrats, poursuit-il, «sont dépossédés, de par leur statut porté par une loi organique, des droits fondamentaux reconnus à tous les travailleurs». Il s’agit du droit d’adhérer au parti politique de son choix, de se constituer en syndicat, d’exercer le droit de grève ou d’entraver de quelque manière que ce soit le fonctionnement régulier des juridictions. «Encore faut-il rappeler, pour l’histoire, que les indemnités qui leur sont allouées, et qui ont fait couler beaucoup d’encre et de salive, constituent une contrepartie des obligations particulières qui leur incombent, en vertu de la loi», fera-t-il savoir. Ne s’arrêtant pas en si bon chemin, Badio Camara a paraphrasé l’ancien Premier président de la Cour de cassation française, Guy Canivet, qui disait : «la Justice ne doit pas céder à la tentation du corporatisme et elle n’a aucune vocation à entretenir le vedettariat dans les médias. Elle doit s’abstenir de comportements dégradés». Une abstention qui constitue, pour les magistrats, l’obligation légale qui découle du serment par lequel ils jurent, c’est-à-dire «(…) d’observer, en tout, la réserve, l’honneur et la dignité́ que leurs fonctions imposent». Mieux ou pis, ajoute-t-il, «le fait d’adopter des comportements contraires à la loi pourrait nuire à la crédibilité́ de la Justice, à sa capacité́ à faire face à ses missions, en toute indépendance, c’est-à-dire conformément à la loi».
Par la même occasion, le Premier président de la Cour suprême estime que face au principe d’indépendances, il y a celui de la responsabilité qui commande qu’au fur et à mesure que s’accroit l’importance du pouvoir judiciaire en démocratie, grandit également la nécessité́ pour les magistrats de répondre de leurs comportements. Avant de poursuivre qu’«en matière disciplinaire, la responsabilité́ du magistrat peut être engagée pour manquement à l’honneur, à la délicatesse, à la dignité́ et, en définitive, à l’obligation de réserve qu’imposent les fonctions».