Le nouveau président gambien Adama Barrow a regagné jeudi après-midi son pays en provenance du Sénégal, cinq jours après le départ en exil de son prédécesseur Yahya Jammeh, qui a marqué l'épilogue de six semaines d'une crise à rebondissements.
Arrivé vers 17H00 (locales et GMT) à l'aéroport de Banjul, avec une heure de retard sur son programme, M. Barrow, en chéchia et tunique blanches, accompagné par ses deux épouses et plusieurs de ses enfants, a été accueilli par une foule en liesse, ont constaté des journalistes de l'AFP.
Il est descendu d'un avion militaire sénégalais portant l'emblème de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao), sous la surveillance de militaires sénégalais et nigérians cagoulés et lourdement armés, et d'un détachement de soldats gambiens.
Une foule était massée depuis le début de l'après-midi pour lui réserver un accueil triomphal, avec des groupes de danseurs et de joueurs de tambour.
M. Barrow a salué les nombreuses personnalités présentes, parmi lesquelles sa vice-présidente Fatoumata Jallow Tambajang et le commandant des opérations spéciales américaines en Afrique, le général Donald Bolduc.
Accueilli au Sénégal depuis le 15 janvier à la demande de la Cédéao, qui craignait pour lui tant que M. Jammeh était en place, M. Barrow différait jusque-là son retour, invoquant des inquiétudes pour sa sécurité.
La Gambie, petit pays anglophone totalement enclavé dans le Sénégal, à l'exception d'une étroite façade côtière prisée des touristes, a été dirigée d'une main de fer pendant 22 ans par Yahya Jammeh, un ancien militaire.
Vainqueur de l'élection du 1er décembre face à Yahya Jammeh - qui avait initialement reconnu sa défaite avant de se raviser le 9 décembre -, Adama Barrow a prêté serment le 19 janvier à l'ambassade de Gambie à Dakar.
Peu après, la Cédéao lançait une opération pour forcer au départ M. Jammeh, qui a finalement quitté le pays le soir du 21 janvier pour être accueilli par la Guinée équatoriale.
Depuis sa prestation de serment, M. Barrow n'était plus apparu en public.
- 'Transition pacifique' -
Lors de son départ de Dakar, sous une haie d'honneur, il a été accompagné jusqu'à l'avion par le président sénégalais Macky Sall et son Premier ministre Mahammad Boun Abdallah Dionne, a constaté un photographe de l'AFP.
Auparavant, l'envoyé spécial de l'ONU en Afrique de l'Ouest, Mohamed Ibn Chambas, qui a également fait le voyage de Dakar à Banjul, avait affirmé à son intention que "la réconciliation nationale doit être une priorité", souhaitant "une transition pacifique, sécurisée et ordonnée".
Sur la route de l'aéroport de Banjul, des partisans de M. Barrow ont installé une affiche géante invitant la population à une célébration générale le 18 février, anniversaire de l'indépendance de cette ancienne colonie britannique.
"Il va développer ce pays! Il est bon, ce n'est pas un tueur", s'enthousiasmait avant son arrivée une jeune femme, Adja Kombeh, en référence à son prédécesseur.
Dans un premier temps, M. Barrow "résidera chez lui jusqu'à nouvel ordre" plutôt qu'à la présidence, où la force de la Cédéao, sous commandement sénégalais, a installé son état-major, a indiqué à Banjul son porte-parole, Halifa Sallah.
Les défis s'annoncent immenses, à commencer par la mise en place d'une administration, engagée sur une fausse note avec le choix de sa vice-présidente, atteinte par une limite d'âge constitutionnelle.
Parmi les priorités figure aussi la réforme des forces de sécurité, a indiqué M. Sallah.
Le nouveau chef de l'Etat a demandé la poursuite de l'opération militaire de la Cédéao, en attendant de s'assurer du contrôle effectif des services de sécurité et du territoire.
Il souhaite notamment que la force ouest-africaine tente de découvrir les éventuels stocks d'armes ou les "mercenaires" favorables à Yahya Jammeh qui se trouveraient encore dans le pays, a indiqué le président de la Commission de la Cédéao, Marcel Alain de Souza.
M. Barrow a également demandé à ces troupes, dont 4.000 ont déjà été engagées dans l'opération (sur un effectif maximum de 7.000) de rester six mois, une décision qui appartiendra aux responsables militaires de la Cédéao, a-t-il ajouté.
Le jour de ce retour, un ancien pilier du régime de M. Jammeh, Ousman Sonko, qui fut son ministre de l'Intérieur pendant dix ans avant d'être limogé en septembre et de s'enfuir en Europe, était interpellé en Suisse, pour soupçons d'implication dans des crimes contre l'humanité.